Et fans ceffe le beniffant,
Ufez de fon préfent, mais tel qu'il vous le donne, Et vous n'aurez plus rien qui ne foit innocent.
Crois-tu que le plaifir qu'en toute la Nature, Ce Premier Etre a répandu, Soit un piége qu'il a tendu Pour furprendre fa créature?
Non, non; tous les biens que tu vois Te viennent d'une main & trop bonne & trop fage; Et s'il en eft quelqu'un dont fes divines Loix Ne te permettent pas l'ufage, Examine-le bien ce plaifir prétendu,
Dont l'appas tâche à te féduire,
Et tu verras, ingrat, qu'il ne t'est défendu Que parce qu'il te pourroit nuire.
Sans ces Loix & l'heureux fecours Qu'elles te fournissent fans ceffe, Comment avec tant de foibleffe Pourrois-tu conferver & tes biens & tes jours? Expofé chaque inftant à mille & mille injures, Rien ne raffûreroit ton cœur épouvanté ; Et ces juftes decrets contre qui tu murmures Font ta plus grande fûreté. Voudrois-tu que la Providence
Eût réglé l'Univers au gré de tes fouhaits; Et qu'en te comblant de bienfaits, Dieu t'eût encor fouftrait à fon obéissance? Quelle étrange Societé
Formeroit entre nous l'erreur & l'injustice, Si l'Homme indépendant n'avoit que fon caprice Pour conduire fa volonté!
VOYAGE
De l'Amour de l'Hymen.
Upidon & l'Hymen compagnons de voyage, Vivoient en bons amis, & n'avoient pour
Que la charmante Iris, dont le cœur jeune & fage Partageoit fes faveurs également entre eux.
Jamais tant d'amitié n'avoit uni deux freres, Al'Hymen volontiers l'Amour prêtoit les traits, L'Hymen adouciffoit fes préceptes févéres, Et faifoit de l'Amour réuffir les fouhaits. Les ombres de la nuit par malheur les furprirent Dans un lieu folitaire, éloigné des hameaux; L'air étoit calme & pur, à terre ils s'étendirent, Un buiffon arrondi leur fervit de rideaux.
Iris nonchalamment tomba fur la fougére, Ses Amans au hazard fe mirent à côté; Quelque part qu'on fe trouve auprès de fa Bergére, Le lieu le moins commode eft un lit enchanté. L'aimable & petit Dieu que révére Amathonte, Trompé par le fommeil, le premier s'endormit, L'autre entretint Iris, & fit fi bien fon compte, Qu'il la perfuada, par ce qu'il lui promit.
Quitte un Marmot, dit-il, fes jeux, fa folle enfance; Sa malice en a dû détacher ta raison.
Vien, ma Belle, avec moi; ma durable conftance, Mes Palais, mes Tréfors font toujours de faifon. On le croit, on s'enfuit. L'Amour avec l'Aurore Ouvrit fes triftes yeux, pour répandre des pleurs. 'Vainement un Zéphir volant autour de Flore, Fit pleuvoir don fon fein des parfums & des fleurs, Le Roffignol plaintif foupira fes allarmes, L'Onde fur le gravier murmura fes tourmens. Les rochers attendris fe fondirent en larmes, Et l'Echo répéta fes longs gémiffemens. L'Hymen fier & pompeux fit célébrer la fête, Qui devoit enchaîner fon deftin pour toujours. Imprudent! qui croyoit jouir de fa conquête, Sans que rien traversât le bonheûr de fes jours. Iris ne tarda point à fentir fa tendresse Languiffante & changée en d'éternels dégoûts,
Le devoir gâta tout, & la délicatesse
Chercha l'Amour en vain dans les bras d'un Epoux, L'ennui la dévora, fon ardeur infenfée
Maudit un importun, & s'en plaignit cent fois; Heureufe! en l'enlevant, s'il eût eu la pensée De ravir à l'Amour fes traits & fon carquois. L'Enfant conta fes maux à fa charmante Mére, Qui le prit dans fes bras, & pour fécher fes pleurs, Lui dit en le baifant, qu'elle alloit de Cythere Exiler le cruel qui caufoit fes douleurs.
Il lui promit auffi de fuir fa compagnie, Et depuis que l'Hymen lui fit ce lâche tour, Les plus tendres Amans, auffi-tôt qu'il les lie, Ont vû voler loin d'eux le galant Dieu d'Amour,
E PITA PHE,
Du Marechal de Berwick.
BERWICK, d'un coup funeste atteint dans la tren;
Tu defcens au tombeau, le front ceint de lauriers. La France vivement touchée,
Fond en pleurs, au milieu de fes triftes Guerriers. Ta mort, d'un nouveau luftre orne encor ta mémoire, C'est à nous feulement de nous plaindre aujourd'hui Intrépide BERWICK, tu volois à la gloire Sur les pas de Turenne & tu meurs comme lui,
E PIT A PHE,
Du Marechal de Villars.
L'Exemple des Guerriers, le vengeur de nos Rois,
VILLARS, l'honneur de fa Patrie,
VILLARS eft mort: fon nom fameux par fes exploits: Fait feul l'éloge de fa vie.
Sous les armes blanchi, méprifant le trépas, Ce Héros, que fuivoit en tous lieux la Victoire, Couvert des rayons de fa gloire,
Prenoit un peu d'haleine, après divers combats. Mais hélas! la Parque perfide,
Qui n'ofa l'attaquer, quand fon bras enflammé Foudroyoit l'ennemi, vainement animé; Le perça d'un trait homicide,
Dans le fatal moment, qu'il s'étoit défarmé.
EPITAPH E.
De Mademoiselle l'Heritier de Villandon.
LE corps de l'Héritier repofe dans ces lieux,
Son ame au Ciel s'eft envolée,
Sa tombe n'offre rien de magnifique aux yeux, Mais fes rares vertus, fes talens précieux Lui font dans tous les coeurs, un vivant Maufolée. Niéce d'un grand Magiftrat,
Dont le goût excellent dans la littérature, Le fit autant briller, que fon illuftre Etat, Elle reçut de la Nature,
La nobleffe du fang, & le Ciel y joignit Une ame, que fon fouffle auffi-tôt annoblit. Par vos Tournois Floraux, fameufe Académie, Vous, Ricovrati d'Italie,
Gémiffez; vous perdez en elle un ornement, Dont l'avenir va faire une eftime infinie. Que de fçavoir, d'efprit & d'agrément! Langues, Philofophie, Hiftoire,
Anecdotes, cent traits curieux & divers, Compofoient un tréfor dans fa vafte mémoire, Mais fes Ouvrages, pour fa gloire, Parleront bien mieux, que mes vers. En ma place, il faudroit que fa célébre amie, L'habile Scudéry retournât à la vie,
Pour couvrir aujourd'hui fon Tombeau révéré, De parfums auffi fins & de fleurs auffi belles, Que celles, dont le fien fut par elle honoré. Les neuf Sçavantes immortelles
La comblerent de leurs faveurs. Mais hélas! ô dons infidelles, Dent la poffeflion fit languir mille Auteurs! I 2
Elle vêcut, ô tems! ô mœurs! Docte, Vierge & pauvre comme elles, Poëfie Anacréontique.
Iris, vous avez vû les frimats & les vents, Vingt fois dépouiller les prairies,
Et fous vos yeux vingt fois, femant d'herbes fleu
Son paflage, à travers nos bofquets & nos champs, Zéphire a, d'un coup d'aîle, animé le Printems. Victime d'un fouci frivole,
Banniffez des ennuis, que l'Amour peut calmer, Prévenez le retour d'Eole,
La faifon preffe, & le tems qui s'envole, De moment en moment, vous avertit d'aimer Quand Avril eft paffé, la douce violette N'a plus qu'un refte de couleur; Le Berger la laiffe ou la jette,
Dès que, d'un parfum qu'il regrette, Ses fens n'y trouvent plus le mérite enchanteur, A trente ans, & moins tard peut-être, Vous voudrez recourir à l'Amour dédaigné: Aimez dès aujourd'hui, c'eft autant de gagné; N'attendez pas, pour le connoître,
Que de vos fiers mépris, ce Dieu foit indigné,
Agrémens naturels.
Je le fai, ma chere Julie: Tu chantes comme une poulie, Et ne danses pas finement;
Enfin pour tous les Arts tu manques de genie Et tu te mouches rarement;
Mais fur tous tes défauts les Graces liberales Répandent, je ne fai comment, Tant d'attraits & tant d'agrémens, Que les talens de tes rivales, N'en approchent pas feulement.
Ainfi c'eft à tort qu'on s'étonne,
De te voir en dépit de l'Art qui t'abandonne,
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