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J'en fuis defabufé depuis que Celimene

A vendu quatre nuits pour dix Louis comtants

L'

IDYLL E.

Sur l'Hiver.

'Hiver fuivi des vents, des frimats, des orages, Des HonDe ces aimables lieux trouble l'heureuse paix.

Il a déja ravi par de cruels outrages

Ce que la terre avoit d'attraits.

Quelles douloureuses images

Le defordre qu'il fait imprime dans l'efprit?
Helas, ces près fans fleurs, ces arbres fans feuillages,
Ces ruiffeaux glacés, tout nous dit,

Le tems fera chez vous de femblables ravages!
Comme la terre nous gardons

Jufques au milieu de l'Automne

Quelques uns des appas que le Printems nous donne:
L'Hiver vient-il nous les perdons

Pouvoir, trefors, grandeurs, n'en exemptent per

fonne,

On fe deguise en vain ces triftes vérités:
Les terreurs, les infirmités

De la froide vieilleffe ordinaires compagnes,
Font fur nous ce que font les Autans irrités
Et la neige fur les campagnes.

Encor, fi comme les Hivers
Depouillent les torets de leur feuillages verds,
L'âge nous depouilloit des paffions cruelles
Plus fortes à dompter que ne le font les flots;
Nous gouterions un doux repos

Qu'on ne peut trouver avec elles.

Mais nous avons beau voir détruire, par le tems,'
La plus forte fanté, les plus vifs agrémens,
Nous confervons toujours nos premieres foibleffes.
L'ambitieux courbé fous le fardeau des ans,
De la fortune encor écoute les promeffes;
L'avare en expirant regrette moins le jour
Que fes inutiles richeffes;

Et qui jeune a donné tout fon tems à l'amour,

lieres.

Un

Un pied dans le tombeau veut encor des Maitreffes. Il refte dans l'efprit un goût pour les plaifirs, Prefqu'auffi dangereux que le plus doux ufage. Pour être heureux, pour être fage.

M

Il faut favoir donner un frein à fes défirs.

EPITAPH E.

De M. de Langres.

Onfieur de Langres eft mort Teftateur Olographe,

On dit

que fi je veux en faire l'Epitaphe

J'aurai les cent écus legués pour cet effet.

Ma foi l'argent eft bon dans le fiécle on nous fommes Comptez toujours, CI GIT LE PLUS MECHANT DES HOMMES

Ças donnez l'Epitaphe est fait.

AUTR E.

Sur le même fujet.

CI gât un très grand perfonnage,

Qui fut d'un illuftre lignage:

Qui poffeda mille vertus:

Qui ne trompa jamais: qui fut toujours fort fage... Je n'en dirai pas d'avantage

C'eft trop mentir pour cent écus,

CONT E.

D'un ton pathétique & touchant,
Un jour fur l'amour pur le Pere André préchant:
Euffiez vous, difoit-il, cette pudeur charmante
Qui brille dans un Cordelier,

Euffiez-vous qui plus eft, la doctrine élegante
Qui dans un Capucin femble un don fingulier,
Fuffiez-vous plus fobre qu'un Carme,

Plus humble qu'un Jefuite & moins ambitieux:
Sans l'amour tendre, & pur qui touche, émeut, des-

arme,

Vous n'entrerez jamais au Royaume des Cieux.

MA

Α'

MADRIGAL.

Le payement en efperance.

U tems heureux où regnoit l'innocence,

Chevalier

On goutoit en aimant mille & mille douceurs, de Méré.
Et les Amans ne faifoient de depense

Qu'en foins & qu'en tendres ardeurs.
Mais aujourd'hui fans l'opulence

Il faut renoncer aux plaifirs.

Un Amant qui ne peut depenier qu'en foupirs

N'eft plus payé qu'en esperance.

A une Dame.

Bien m'y connois, & ne fuis des plus bêtes
Très peu
s'en faut que ne foyez l'Amour:
Même croirois furement que vous l'êtes.
Gentil corfage, & minois fait au tour,
Friand fouris, tout comme en a le traitre
On vous les voit: mais auffi fes défauts
Les avez tous. Perfide badinage,
Malice noire, & qui pourtant engage,
Qui l'eut jamais? C'est l'enfant de Paphos;
Et vous Climene. Or fus fans vous déplaire,
Je vous dirai pour votre amandement
Qu'à tout cela, reforme eft neceffaire,
Reforme grande, écoutez donc comment,'
Et profitez du fermon falutaire.

Ja de l'Amour vous avez les appas.
Gardez les biens, tel meuble est néceffaire
Mais fa malice eft un fort vilain cas.
Mieux vous vaudroit pour finir nos debats,
Cette bonté qu'a Madame fa Mere.

C

SONNET.

Sur une mechante Femme.

Elui qui n'a pas vû comment la mer Egée,'
Heurtant contre fa rive écume en fa fureur:

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Com

Comment le foudre craque, éclatant fon horreur
Sur quelque groffe tour dont la terre eft chargée:
Qui n'a pas vû comment la Lionne outragée
D'un rugir gemiffant fe fend prefque le cœur,
Et ce qu'oit le chaffeur à demi-mort de peur
Laiffant fur l'autre bord la Tygreffe enragée:
Qu'il vienne à mon logis, il entendra fouvent
Les muglemens des boeufs, les orages, le vent,
Les tambours, les canons, la foudre & la tempête:
Il entendra l'Enfer; & ce qu'on peut nommer
D'impetueux au Ciel, en la Terre, en la Mer,
Ma femme, cher ami, feule a tout dans fa tête.

RONDE A U.

Sur le mariage.

L faut chanter ici ce Dieu volage,

Benfe- Qui changeoit tant de forme & de vifage;

rade.

Les plus adroits s'efforcerent en vain

De le fixer, étant libre; & foudain
Qu'on l'enchaînoit, il etoit ferme & fage.
Tant que l'on eft dans la fougue de l'âge,
On danse, on rit, on fe jouë, on fait rage,
L'amour en tête, & le verre à la main
Il faut chanter.

Mais auffi tôt que l'Hymen nous engage,
C'eft pour changer de vie & de langage;
On n'y va pas toûjours le même train,
Lors qu'on fe fent retenu par ce frein,
Et qu'une fois l'on eft dans cette cage,
Il faut chanter.

L

EPIGRAM ME.
Orphée.

E malheureux Orphée ayant perdu fa femme,
Après mille foûpirs, & mille voeux offerts

A la

A la mort, qu'en vain on reclame,
Alla pour la chercher jufqu'au fond des Enfers;
Ce bizarre deffein ne pouvoit le conduire

Dans un lieu plus affreux, ni dans un fejour pire,
Sa voix encor qu'il eût la douleur dans le fein,
Sufpendit les tour nens de ces demeures fombres:
Mais on croit que fon chant étonna moins les ombres
Que la nouveauté du deffein.

Tout l'enfer fe vit fans fupplice,

Et le Tiran des morts fiérement irrité,
Pour le punir de fa temerité

Lui rendit fa femme Euridice;
Puis pour avoir fi bien chanté
Par un autre caprice,

Il lui donna moyen, attendri par la voix,
De la perdre encor une fois.
Orphee oubliant fa défense,

Se retournant fa femme vit;
Si ce fut par malice ou par impatience
On ne fait pas trop bien comment cela fe fit.
Pour vous dire ce que j'en pense,
Je pense qu'il fe repentit.

Heureux

STANCES.

Sur la providence.

Eureux qui fe trouvant trop foible & trop tenté,
Du Monde enfin fe debarraffe!

Heureux qui plein de charité,

Pour fervir le prochain y conferve fa place!
Differens dans leur vûë, égaux en pieté,
L'un efpere tout de la Grâce,

L'autre apprehende tout de fa fragilité.

Ce Monde que Dieu même exclut de fon partage, N'eft pas le Monde qu'il a fait;

C'est ce que l'Homme impie ajoûte a cet Ouvrage, Qui fait que fon Auteur le condamne & le hait. Obfervez feulement le peu qu'il vous ordonne;

Et

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