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Elle étoit riche, il étoit gueux,

C'étoit beaucoup pour hui, mais c'étoit peu pour elle.
Quelle corruption! ô fiécle! ô tems! ô mœurs!
Conformité de biens, difference d'humeurs!
Souffrirons-nous toujours ta puiffance fatale,
Meprifable intérêt, opprobre de nos jours,
Tiran des plus tendres amours.

Mais faifons tréve à la morale,
Et reprenons notre difcours.
Le pere bien fâché, la mere bien marrie;
Mais que faire, il faut bien reparer ce malheur,
Quel remede? on la marie,

Non au Docteur, j'en ai dit les raifons;
Mais à certain quidam amoureux des Testons,
Plus que de fillette gentille,

Riche fuffifamment & de bonne famille,
Au furplus bon enfant, fot, je ne le dis pas,
Puis qu'il ignoroit tout le cas

Et quand il le fauroit, fait-il mauvaise emplette?
On lui donne à la foi vingt mille bons ducats,
Jeune époufe & befogne faite.
Combien de gens avec femblable dot
Le fachant bien ont pris la fille & le gros lot,
Et celui-ci crût prendre une pucelle,
Bien eft-il vrai qu'elle en fit les façons;
Mais quatre mois après la favante donzelle
Montra le fruit de fes leçons,

Elle mit au monde une fille.
Quoi! déja pere de famille!

Dit l'époux bien furpris,

Au bout de quatre mois! c'eft trop-tôt, je fuis pris,
Quatre mois! ce n'eft pas mon compte.
Sans tarder au beaupere il va conter fa honte,
Prétend qu'on les fepare, & fait bien du fracas.
Le beau pere foûrit, & lui dit, parlons bas.
Quelqu'un pourroit bien nous entendre,
Comme vous jadis je fus gendre,

Et me plaignis en pareil cas.

Je parlois comme vous d'abandonner ma femme, C'est l'ordinaire effet d'un violent dépit,

Mon

Mon beaupere défunt, Dieu veuille avoir fon ame,
Vint pou me confoler, & me remit l'esprit.
La pillule, à vrai dire, étoit un peu amere;
Mais il fût la dorer, & pour me fatisfaire,
D'un bon contrât de quatre mille écus,
Qu'autrefois pour femblable affaire,
Il avoit eu de fon beaupere,

Il augmenta la dote, & ne m'en plaignis plus.
Ce contrât doit paffer de famille en famille,
Je le gardois pour vous, ayez en même soin,
Vous pourrez en avoir besoin,

Si vous mariez votre fille.

A ce difcours le gendre moins fâché
Prend le contrât & fait la reverence.
Garde le Ciel ceux qu'en telle occurrence,
On confole à meilleur marché.

SONNE T.

Madame de Courcelle aux pieds de fes juges, pour obtenir le pardon de l'adultere qu'elle avoit commis.

Our un crime d'amour, dont je ne fuis coupa

pouble,

Que pour
avoir le cœur trop fenfible & trop doux,
Dois-je avoir un tiran fous le nom d'un époux,
Arbitres fouverains de mon fort deplorable?

L'impitoïable auteur des maux dont on m'accable,
Ole-t-il fe fervir de Themis & de vous,
Pour m'immoler bien-tôt à ses chagrins jaloux,
Et me faire perir, pour être trop aimable?

Ah! confultez, de grace, & vos yeux & vos cœurs ›
Ils vous infpireront d'être mes protecteurs,
Tout ce que l'amour fait n'est il pas légitime?
Et vous, qui temperez la fevére Themis,
Pourriez-vous vous refoudre à châtier un crime,
Que la plupart de vous voudroient avoir commis?

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Des

preaux,

Des Hon ieres.

Les charmes & les avantages de la folitude.
Qu'heureux eft le mortel, qui du monde ignoré;
Vit content de foi-même en un coin retiré!
Que l'amour de ce rien, qu'on nomme renommée,
N'a jamais enivré d'une vaine fumée,

Qui de fa liberté forme tout fon plaisir,

Et ne rend qu'a lui feul compte de fon loifir!
Il n'a point a fouffrir d'affronts ni d'injuftices
Et du peuple inconftant il brave les caprices.

S'

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'Eleve qui voudra par force ou par adresse
Jufqu'au fommet gliffant des Grandeurs de la Cour;
Moi je veux fans quitter mon aimable fejour;
Loin du monde & du bruit rechercher la fageffe.
Là, fans crainte des Grands, fans fafte & fans trifteffe
Mes yeux après la nuit verront naître le jour;
Je verrai les faifons fe fuivre tour à tour,
Et dans un long repos j'attendrai la vieillesse.
Ainfi lors que la mort viendra rompre le cours
Des bienheureux momens qui compofoient mes jours,
Je mourrai chargé d'ans, inconnu, folitaire.
Qu'un homme eft miserable à l'heure du trépas,
Lors qu'ayant negligé le feul point néceffaire,
Il meurt connu de tous, & ne fe connoît pas!

Ο

BALA DE

A une Demoiselle, fur la beauté,

Res eft un tems de vous donner confeil,
Sur les perils où beauté vous expose,
Fille reffemble à ce bouton vermeil
Qu'en peu de jours on voit devenir rofe.
Tant qu'eft bouton on voudroit en jouir,
Nul ne le voit fans defir de rapine,

Dès

Dès que Soleil l'a fait épanouir,

On n'en tient compte, un matin le ruine
De rose alors ne reste que l'épine.

Lors qu'un Amant, l'exemple eft tout pareil,
Fait voir defirs à quoi pudeur s'oppose,
Si l'on ne fuit, l'amour eft un Soleil,
Point n'en doutez, par qui fleur est éclose.
Alors en bref on voit s'évanouir

Tranfports & foins par qui fille peu fine
Préfume d'elle, & fe laiffe éblouir.
Mépris fuccede à l'amour qui décline
De rofe alors ne refte que l'épine.
Plus de commerce avecque le fommeil,
Ou fi par fois un moment on repose,
Songe cruel donne facheux réveil;
Cent & cent fois on en maudit la caufe.
Voir on voudroit dans la terre enfouir
Tendre fecret duquel on s'imagine
Qu'un traitre ira le monde réjouir,
Parle-ton bas, on croit qu'on le devine;
De rofe Alors ne refte que l'épine.

ENVO I.

Galans fiéfez, donneurs de gabatines
J'ai beau précher qu'on rifqu'à vous ouïr,
coquetter toute fille eft encline,
Plutôt que faire approuver ma doctrine

On fileroit chanvre fans le rouir..
Mais quand tout bas faut appeller Lucine,
De rofe alors ne refte que l'épine.

RONDE AU

A un Abbé.

Leur de vingt ans tient lieu de toute chose:
Si fort vouloit, lui qui de tout difpofe

Pour vos péchés un peu me rajeunir,
Prélat futur, je faurois vous punir

De tous les maux où votre avis m'expose,

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Point

Des Hou liere.

La Sufe.

Peliffon.

Point ne craignez telle Métamorphofe,
Trop bien Lavez que quoiqu'on fe propose,
On tache en vain à faire revenir.
Fleur de vingt ans.

Quel ferieux? Diroit-on pas qu'on n'ofe
Rire avec vous? en vain votre air impose:
Nous favons bien à quoi nous en tenir,
Tout en difant, Dieu veuille vous benir,
Vous cueilleriez, beau Sire à porte clofe
Fleur de vingt ans.

Le fecret du Badinage.

Car qui commence à divertir,

A déja fû trouver l'heureux fecret de plaire,
Et pour lors un adroit & bien heureux Amant,
Sans craindre les effets d'une feinte colere,
Ni fans penfer qu'il s'en peut repentir.
Doit hazarder, être un peu téméraire.
Tourner tout fi badinement,
Qu'il puiffe radoucir le cœur le plus fauvage
Se gouverner fi plaifamment,

Qu'en des chofes de rien, dans ce commencement
Il puiffe a badiner engager la plus fage.

S'il n'a point ce talent, il ne peut être heureux :
Car pour bien badiner, il faut badiner deux
Et c'eft-là le fecret de tout le badinage.

Sur les fonges.

Ils charment les plus miferables,

Ils favent contenter les plus ardens defirs;
Et par l'appas trompeur de mille faux plaisirs,
Soulager des maux véritables

Ils trompent, il eft vrai, mais agréablement,
Si leurs biens ne font que menfonge.

N'en eft-il pas ainfi du bien le plus charmant,
Et quand il eft paflé, n'eft il pas comme un fonge.
Le tems vendu.

On m'avoit dit, comme chofe certaine,
Qu'on ne peut acheter le tems.

J'en

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