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Pavillon,

On s'attend toujours à l'Automne,
Et l'on ne compte que fur moi.
De toutes les Saifons je fuis la plus friponne;
Je n'ai rien à moi, Dieu merci,
Tout ce que j'ai, je l'abandonne
On me le prend, ou je le donne
Mes Dames, fi de vous il en étoit ainsi,
Que l'on feroit heureux ici

Sur l'Inconftance.

La conftance & la foi ne font que de vains noms,
Dont les Laides & les Barbons

Tâchent d'ambarraffer la jeuneffe credule,
Pour retenir toujours dans leurs liens affreux,
Par le charme d'un faux fcrupule,

Ceux qu'un jufte degoût a chaffé de chez eux.
Cupidon fous les loix de la fimple Nature,
Regit tout ce qu'il fait foupirer ici bas;
Il ne punit jamais rebelle ni parjure:
C'est un Empire qui ne dure,
Qu'autant que les Sujets y trouvent des apas.

Dès qu'un objet ceffe de plaire,
Le commerce amoureux auffi-tôt doit finir:
Le refpect des fermens n'eft plus qu'une chimere:
La perte du plaifir, qui nous les a fait faire,
Nous difpenfe de les tenir.

L'Amour de fon deffein est toujours le feul maître:
Et fans que nous fachions, ni pourquoi, ni com-

ment,

Comme dans notre cœur à toute heure il peut naitre,
Il en peut margré nous fortir à tout moment.

Ulyffe qui, pour fa fageffe,

Fût fi celebre dans la Grece,
Quoi qu'amoureux & bien traitté,
Refufa malgré fa tendrelle,

D'accepter l'Immortalité

A la charge d'aimer toûjours une Déeffe.

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De Houl-
Mercs.

Aimez tant que l'Amour unira vos efprits;
Mais ne vous piquez pas d'une fauffe conftance;
Et n'attendez pas que l'absence
Ou le degoût, ou les mépris,
Vous faffent faire penitence
Des plaifirs que vous avez pris.

Quand on fent mourir fa tendreffe,
Qu'on bâille auprès d'une Maitreffe,
Et que le cœur n'eft plus content,
Que fervent les efforts qu'on fait pour le paroitre?
L'honneur de paffer pour conftant,

Ne vaut pas la peine de l'être.

BILLET.

L'Amitié prife pour l'Amour.

V

Ous dites

que l'Amour vous range fous fa loi, Et que ce Dieu fe fert de moi

Pour établir chez vous fon tirannique Empire,
Et pour faire changer votre volage humeur,
Tircis, fi fans railler vous avez pû le dire,
Vous ne connoiffez pas ce que fent votre cœur.
Vous ne cherchez point à me voir,
Et l'on ne vous voit point avoir
Quand vous me rencontez certaine impatience
De me conter quelque chofe de doux.
Vous avez des rivaux vous n'étes point jaloux;
Et vous fupportez mon abfence

Sans peine, fans pleurs, fans ennui.

Tircis, l'Amour n'est point de votre connoiffance,
Et vous prenez fa fœur

pour

lui.

UN TETE A TETE,

La Sue. Quelquefois paifible & tranquille

Elle fe tenoit immobile,

Et fembloit écouter avec attachement:
D'autres fois on eut dit en la voyant fourire,
Qu'elle approuvoit obligeament

Les galantes douceurs qu'on venoit de lui dire.

Tan

Tantôt fes beaux yeux adorables

A tous les cœurs fi redoutables,

D'un noble & digne orgueil paroiffoient animés: Tantôt ces mêmes yeux quittant leur humeur fiére, Languiffans & demi fermés,

Jettoient negligeamment de longs traits de lumiere. Quelquefois fa bouche incarnate,

D'une maniere delicate,

Exprimoit de fon cœur les tendres mouvemens,
Et tachoit de fe rendre encore plus aimable
Par mille petits agrémens

Que formoit tout au tour un fouris agréable.
Tantôt fon front chafte & févére

Se montroit ému de colere,
Comme fi fon Amant en eut un peu trop dit
Tantôt s'adouciffant elle fembloit fe rendre,
Et d'un air affez interdit

Commander qu'il fe tût, & fouhaitter l'entendre.

D'une honte difcrete & fage,

Le feu lui montoit au visage,

Qu'elle vouloit cacher en y portant la main;
Mais un petit foupir, vrai temoin de fa flame,
S'étant échapé de fon fein
Decouvrit en paffant le fecret de fa flame.

QUESTION,

Lors qu'une Belle injufte ordonne à fon Amant
Ou par amour ou par caprice

Et

De faire une injustice,

que l'honneur s'oppose à ce commandement
Dans cette étrange peine,

Voyant bien qu'un refus le peut faire hair,
Doit-il rompre fa chaine,

Ou doit-il obeïr?

REPONSE.

L'amour n'eft jamais fans eftime,
Je fuis delicat en ce point

G 5

Que

Que je crois qu'on ne m'aime point
Lors qu'on m'oblige à faire un crime:
Dedans cette néceffité

D'obéir, ou rompre fa chaîne,
Il vaut mieux quitter l'inhumaine,
Que de faire une lacheté.

AUTRE REPONSE.

Tous les commandemens doivent être des loix
A ceux qui d'une Belle adorent la puissance,
Il ne doit plus être à leur choix

De mettre là raifon & l'amour en balance
Ils doivent obéir enfin aveuglément,

Si-tôt que l'on raifonne on ceffe d'être Amant,

AUTRE REPONSE.

Ternir la gloire des Amans

Lors que pour eux on a du tendre:
Aimer, haïr en même tems,
C'eft ce que je ne puis comprendre;
L'amour eft fondé fur l'eftime,
La générofité regle tous fes defirs,
Il abhorre toûjours la baffeffe & le crime:
Auffi d'abord qu'une beaute

Nous force à faire une injustice,

Nous devons au mépris en faire un facrifice,
Et nous venger ainfi de fa temérité :
Lors qu'une Belle injufte exerce fon Empire,
Ce n'eft pas l'Amour qui l'inspire.

Sur un Pigeon qui débauchoit des Pigeonnes.

La Suft. Ne fauriez-vous en paix poffeder vos Pigeonnes,
Et faut-il qu'à chaque moment
Vous voyiez arriver à ces tendres mignones,
Ou l'a mort ou l'enlevement?

C'étoit affez que l'autre année,

La colere d'un chien contre elles dechainée
De votre favorite ait caufé le trepas,

Sans, qu'après un coup fi funefte,
Un Pigeon qu'on ne connoit pas,

Vienne vous enlever le refte.

Quoi! cet oifeau fi doux vous a joué ce tour;
Lui, qu'on prendroit pour l'innocence,
Et fous cette belle apparence

Eut caché l'humeur d'un Vautour.

Deffous fa blanche petitoie,
Il eut tant de malice & de temerité:
Ha, peut-être s'eft-il gâté,
Avec quelques oiseaux de proie.

Mais, Sapho, jugeons autrement,
Croyons le Pigeon moins coupable:
Il vit votre Pigeonne & la vit fort aimable,
D'abord il devint fon Amant,

cruelle,

La Pigeonne à fon tour ne lui fut
pas
Elle brula pour lui d'une ardeur mutuelle,
Et c'eft de fon confentement,
Qu'il a fait cet enlevement.

Son action n'est pas un crime,`
Sapho, vous devez l'approuver,

Ce Pigeon fût d'amour cette belle maxime,
Que lors que par fes foins on ne peut arriver
A la poffeffion de l'objet qu'on eftime,
Il n'eft rien tel que l'enlever.

Compliment court.

Bien que je fois en proie à votre médifance,
Je veux par un effet de rare complaifance,
Vanter vos qualités & vos divins appas.

Mais les longs complimens me font de longs fupplices,

Life, vous êtes riche, & je ne le fuis pas,

C'est dire en peu de mots vos vertus & mes vices.

Sur une femme fardée.

Jeanne, aucun époux, ce dit-on,

N'eft heureux au point qu'eft le vôtre:
En vous feule l'une après l'autre

Il trouve Jeanne & Janneton;

Par

Brebeuf.

Brebeuf.

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