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Penfez-vous, cher Tyrfis, que les ris & les graces, Qui fuivent les Amours,

Dans le cœur d'un époux trouvant les mêmes places
Y folâtrent toûjours.

Les fuites de l'Hymen & nos premieres flames
N'ont pas même destin,

Et ce noeud qui d'abord chatouille tant nos ames
Les écorche à la fin.

De nos jeunes ardeurs les attraits & les forces
Se perdent à leur tour,

Et le dégoût fuccede aux plus douces amorces
Des fens & de l'amour.

Si de quelque plaifir nous reffentons l'atteinte
Lors que l'Hymen nous joint,

C'est d'un cruel devoir la fâcheufe contrainte
Où l'amour ne vient point.

L'on abhorre en fecret le nom de légitime,
Qui détache les cœurs,

Et l'efprit attiré par l'amorce du crime
Se divertit ailleurs.

Dans les remords cuifans d'une douleur fecrete,
Souvent un trifte époux

Voit le train déreglé d'une femme coquette,
Et n'ose être jaloux.

Par le figne importun d'une careffe feinte
Ils s'abufent tous deux,

Et n'arrachent jamais le foupçon & la crainte
De leur cœur malheureux.

Les crimes d'une femme augmentent fa careffe
Pour un pauvre mari,

Et fes baisers trompeurs cachent avec adreffe
L'amour d'un favori.

Je confeffe, Tyrfis, qu'il fe trouve des femmes,
Qui ne fe fouillent pas,

Et de qui la vertu, qui plaît aux belles ames,
Fait briller les appas.

Que

Que plufieurs dans l'Hymen par de feintes careffes
Ne font jamais trahis:

Mais, Tyrfis, après tout il eft peu de Lucreces,
Et beaucoup de Laïs.

Celles dont la pudeur fuit la honte du vice,
Ont de plus grands défauts,

Et leurs emportemens, leur orgueil, leur caprice
Sont de plus rudes maux.

Il en eft peu, Tyrfis, de qui l'humeur traitable
Ecoute la raison,

Ce fexe ailleurs fi doux devient infupportable
Etant dans fa maifon.

Sa vertu, qu'on achete au prix de mille peines,
Augmente fon chagrin,

Le Sage fi fameux, qui mourut dans Athenes,
En fut troublé fans fin.

Ce fexe imperieux, qui ne fe peut foûmettre,
Se veut faire obeïr,

Et ce nom de mari leur femble un nom de maître,
Qu'elles favent haïr.

Il en eft, direz-vous, qui ne font pas portées
Aux duretez de cœur,

Au tombeau d'un époux on a vû des Panthées
En mourir de douleur.

Il eft rare, Tyrfis, de voir les beaux exemples
De ces amours parfaits,

Auffi l'antiquité leur confacroit des temples
Que le tems a défaits.

Le tems, qui vit alors des amours fi fidéles,
N'a pû les retenir,

Ils fortirent du monde, & quitterent leurs aîles,
Pour n'y plus revenir.

Gardez-vous bien, Tyrfis par ces vaines remarques
De vous laiffer tromper,

Songez au nœud d'Hymen, & que les feules Parques Ont droit de le couper.

G 2

Elife

Rouffeau.

Elife a des douceurs, & ravit par ses charmes
Un amant comme vous:

Mais elle feroit naître & des foins & des larmes
Dans le cœur d'un époux.

Evitez de l'Hymen la chaîne infupportable,
Qui ronge inceffamment,

Et pour aimer toûjours & devenir aimable,
Agiffez en Amant.

O D E.

Caractere de l'homme juste.

Eigneur dans ta Gloire adorable
Quel Mortel eft digne d'entrer?
Qui pourra grand Dieu, pénétrer
Ce Sanctuaire impénétrable,

Où tes Saints inclinez, d'un oeil refpectueux
Contemplent de ton front l'éclat majeftueux.

Ce fera celui qui du vice
Evite le fentier impur:

Qui marche d'un pas ferme & fur
Dans le chemin de la justice:
Attentif & fidelle à diftinguer fa voix
Intrepide & févére à maintenir fes loix.

Ce fera celui dont la bouche
Rend hommage à la vérité:
Qui fous un air d'humanité

Ne cache point un cœur farouche:
Et qui par des difcours faux & calomnieux
Jamais à la vertu n'a fait baiffer les yeux.
Celui devant qui le Superbe,
Enflé d'une vaine fplendeur,
Paroît plus bas dans fa grandeur
Que l'infecte caché fous l'herbe :

Qui bravant du Mechant le faste couronné,
Honore la vertu du Juste infortuné.

Celui, dis-je, dont les promeffes
Sont un gage toujours certain:

Celui, qui d'un infame gain

Ne fait point groffir fes richeffes:
Celui, qui fur les dons du coupable puissant
N'a jamais decidé du fort de l'Innocent.

Qui marchera dans cette voie,
Comblé d'un éternel bonheur,
Un jour, des Elus du Seigneur
Partagera la fainte joie:

Et les fremiffemens de l'Enfer irrité
Ne pourront faire obstacle à sa felicité.

ODE.

Sur l'Aveuglement des Hommes du fiécle.

U'aux accens de ma voix la terre fe reveille:
Rois, foyez attentifs: Peuples, ouvrez l'o-

reille :

Que l'Univers fe taise, & m'écoute parler.

Mes chants vont feconder les accords de ma Lire, L'Efprit Saint me pénétre, il m'échauffe, & m'infpire

Les grandes vérités que je vais révéler.

L'Homme en fa propre force a mis fa confiance;
Ivre de fes grandeurs, & de fon opulence,
L'éclat de fa fortune enfle fa vanité.

Mais, ô moment terrible! ô jour épouvantable,
Où la Mort faifira ce fortuné Coupable,
Tout chargé des liens de fon iniquité!

Que deviendront alors, repondez, Grands du Monde,
Que deviendront ces biens où votre espoir fe fonde,
Et dont vous étalez l'orgueilleufe moiffon?
Sujets, Amis, Parens, tout deviendra fterile;
Et dans ce jour fatal, l'Homme à l'Homme inutile,
Ne paira point à Dieu le prix de fa rançon.
Vous avez vû tomber les plus illuftres Têtes,
Et vous pourriez encore, infenfes que vous êtes,
Ignorer le tribut que l'on doit à la Mort?
Non, non, tout doit franchir ce terrible paffage.

Rengan

Le Riche & l'Indigent, l'Imprudent & le Sage,
Sujets à même loi fubiffent même fort.
D'avides Etrangers, tranfportés d'allegreffe,
Engloutiffent déja toute cette Richeffe,

Ces Terres, ces Palais de vos noms anoblis.
Et que vous refte-t-il en ces momens fupremes?
Un fepulchre funebre, où vos noms, où vous mêmes
Dans l'éternelle nuit ferez enfevelis.

Les Hommes éblouïs de leurs honneurs frivoles,
Et de leurs vains flateurs écoutant les paroles,
Ont de ces vérités perdu le fouvenir.

Pareils aux animaux farouches & ftupides,
Les loix de leur inftinct font leurs uniques guides,
pour eux le present paroît fans avenír.

Et

Un précipice afreux devant eux fe presente;

Mais toujours leur Raifon, foumife & complaifante,
Au-devant de leurs yeux met un voile impofteur.
Sous leurs pas cependant, s'ouvrent les noirs abîmes
Où la cruelle Mort les prenant pour victimes,
Frape ces vils Troupeaux dont elle eft le Pasteur.
Là s'aneantiront ces titres magnifiques,
Ce pouvoir ufurpé, ces refforts politiques,
Dont le jufte autrefois fentit le poids fatal.
Ce qui fit leur bonheur, deviendra leur torture;
Et Dieu, de fa juftice appaifant le murmure,
Livrera ces méchans au pouvoir infernal.

Juftes, ne craignez point le vain pouvoir des Hom

mes.

Quelque élevés qu'ils foient, ils font ce que nous
fommes.

Si vous êtes martels, ils le font comme vous.
Nous avons beau vanter nos grandeurs paffageres,
Il faut mêler fa cendre aux cendres de fes Peres:
Et c'est le même Dieu qui nous jugera tous.

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