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REVUE DES LIVRES

ANTOINE GÉRIN-LAJOIE, par Léon Gérin. - Édition du centenaire Le Devoir, 1925.

Avec une piété filiale très éclairée, monsieur Léon Gérin, de la Société royale, vient de publier un livre important à la mémoire de l'auteur de Jean Rivard.

Dans la première partie de cet ouvrage, M. Gérin étudie les différents aspects de la vie et de l'œuvre de Gérin-Lajoie. Sa méthode est excellente: reconstitution du milieu, évocation de la vie politique du 19e siècle, analyse des influences qui ont agi sur la formation de l'homme et sur l'élaboration de son œuvre d'économiste et d'historien.

Cette étude fortement documentée nous fait voir comment s'est développée la personnalité de ce fils de cultivateur qui "montra toute sa vie une âme sensible, vibrante de l'amour des siens." Résumant l'action intellectuelle et morale de cet intègre "citoyen", M. Gérin écrit: "Il a préconisé le défrichement, le retour à la terre, mais sans pour cela perdre de vue les avantages de l'activité industrielle et commerciale. Il a prêché le respect du passé et de la tradition, tout en prônant l'initiative privée et le progrès des méthodes. Il a été religieux sans fanatisme, patriote sans chauvinisme. A son exemple, sachons vénérer le passé, mais que ce soit en préparant l'avenir." On ne pouvait caractériser plus justement l'œuvre de ce clairvoyant précurseur.

La deuxième partie de l'ouvrage rappelle les fêtes qui ont eu lieu récemment à l'occasion du centenaire. On y trouve les discours et les conférences prononcés à Yamachiche, à Québec, etc. Enfin, M. Gérin dégage la "leçon du centenaire", après avoir décrit, d'une manière personnelle et vivante, les diverses manifestations qui furent organisées en l'honneur de ce patriote lucide qui fut un estimable écrivain et un penseur original. J. D.

LA SCIENCE MODERNE, revue mensuelle illustrée, J.-B. Baillière, Paris, Déom, Montréal.

Nous tenons à signaler de nouveau aux lecteurs et abonnés de la Revue Trimestrielle la revue mensuelle “La Science Moderne” fondée et dirigée par M. L.-J. Dalbis, professeur à l'Université de Montréal. Cette revue dont le premier numéro a paru en janvier 1924, a il faut bien le reconnaître tenue fidèlement les promesses faites dans son premier numéro. Voici aujourd'hui 15 numéros parus et tous d'une homogéniété parfaite embrassant les diverses branches de la science ont présenté aux lecteurs des mises au point tout à fait remarquables des grandes questions scientifiques.

Ce n'est pas seulement une revue technique au sens propre du mot, mais une revue de grande et belle vulgarisation scientifique. faite pour donner le goût de l'étude de la science et pour tenir en même temps au courant des grands problèmes scientifiques contemporains le grand public cultivé.

M. Dalbis a réussi a recueillir une collaboration de tout premier ordre, les

savants français appartenant aux diverses académies voisinent avec les savants étrangers les plus réputés. Parmi ceux-ci nous sommes heureux de voir quelle place a été faite à nos savants canadiens. Les articles de M. Édouard Montpetit, sur la Monnaie et les dettes internationales, de Chapais sur les orgues, de Gendreau sur le cinéma, de Denis sur l'amiante, de Bourgeoin sur le sirop et le sucre d'érable sont bien propres à nous faire connaître à l'étranger. Cette revue qui s'est tout de suite affirmée parmi la littérature scientifique atteint aujourd'hui un tirage qui n'est pas loin de 20,000 c'est dire qu'elle est une arme puissante de diffusion, de la pensée scientifique française, dans laquelle il faut comprendre notre science canadienne.

Nous voulons rappeler le mot prononcé par un Canadien de Paris lors de la parution de cette revue, "voilà", a-t-il dit, "une revue qui nous sort de nos frontières". Elle apparaît comme un complément de notre Revue trimestrielle et nous ne saurions trop la recommander à nos lecteurs qui peuvent bénéficier d'un prix d'abonnement de faveur. Nous rappelons que l'abonnement est fixé à $2.50 pour les abonnés de la Revue Trimestrielle au lieu de $3.00. Adressez les demandes d'abonnements privilégiés à M. Frigon, directeur de l'École Polytechnique, rue St. Denis, Montréal.

HYGIÈNE par L.-J. Dalbis, docteur ès sciences, professeur à l'Université de Montréal, 114 pp. 70 figs., de Gigord, Éditeurs, Paris.

Voici le quatrième volume qui termine une première série remarquablement compacte commencée par M. L.-J. Dalbis pour l'enseignement de la Biologie dans les lycées et collèges de France. L'ensemble forme un total de plus de 1300 pages illustré par plus de 120 figures. Cette collection adoptée par tous les collèges de l'Alliance des maisons d'Éducation est remarquable par la netteté du texte et par la richesse, la clarté et souvent l'originalité des illustrations.

C'est un exposé clair et concis que M. L.-J. Dalbis nous donne de l'Hygiène. Il n'y a pas seulement que les élèves des collèges qui peuvent y puiser une science à la fois élevée et pratique, il y a aussi les dames infirmières et aussi les gens du monde. Personne ne reste indifférent aux problèmes qui intéressent la santé individuelle et celle de la collectivité. Il nous faut remercier l'auteur d'avoir résumé en quelques pages une foule de questions complexes et de les avoir exposées avec sa clarté habituelle, que ses lecteurs et ses élèves connaissent bien. En vente chez Déom frères, 251 rue Ste-Catherine est, Montréal.

O. B.

Revue Trimestrielle

Canadienne

MONTRÉAL

JUIN 1925

NOTRE-DAME DE MONTRÉAL

LA PRESBYTERE - SÉMINAIRE

Les quatre premiers sulpiciens envoyés à Montréal par M. Olier, n'y trouvèrent pas un Séminaire tout prêt à les recevoir. Mais Mlle Mance, qui s'était employée à les faire venir, s'empressa de les loger dans son hôpital, angle actuel nord-est des rues S.-Paul et S.-Sulpice. Elle leur abandonna l'usage d'une grande chambre contigue à celle des malades. Cette pièce leur servit tout ensemble "de salle d'exercices, de réfectoire, de cuisine et de dortoir, et ce fut là qu'ils demeurèrent constamment, jusqu'à ce qu'ils eussent fait construire pour leur usage une maison en pierre". 1

Cet état de choses dura plusieurs années, car bien qu'on ait commencé le Séminaire probablement 2 dès l'année 1657, on travaillait encore à le parachever 3 en 1661. Ces débuts furent marqués par deux accidents tragiques qu'il faut rappeler ici.

Parmi les sulpiciens qui s'étaient offerts à M. Olier, lorsque celui-ci eut décidé de confier à sa petite Compagnie la desserte de Ville-Marie, se trouvait M. Jacques Lemaître. Il ne fut pas agréé immédiatement, mais ne vint au pays qu'en 1659. Son supérieur M. de Queylus le chargea du temporel de l'établissement. Il se mit en devoir de loger ses confrères et commença tout de suite la construction d'une maison, non loin de l'hôpital vers l'ouest, et face au

1 Annales de l'Hôtel-Dieu, par la Sr Morin, p. 64. - Hist. de la Col. Française au Canada, ler Vol. p. 282.

La Sr Morin, en effet, après avoir parlé de l'accident arrivé à Mlle Mance en 1657, ajoute, p. 92, qu'elle "prit cœur à bâtir l'église et l'hôpital qu'elle entreprit tout à la fois et commença à y faire travailler peu à peu, les ouvriers étant occupés à la maison de Messieurs les prestres, ce qui lui était un grand obstacle". C'est le mot de M. Dollier de Casson. Hist. du Mont-réal.

fleuve. Malheureusement, un jour qu'il avait accompagné des ouvriers à la ferme St-Gabriel, sur la rive voisine de l'Ile St-Paul, il fut surpris par les sauvages pendant qu'il récitait son bréviaire, frappé à mort par eux et décapité. C'était le 29 août 1661.

Il eut pour successeur dans la charge d'économe, M. Guillaume Vignal. Ce dernier n'était pas un nouveau-venu au Canada. Il était un des rares prêtres séculiers qui eussent exercé le ministère à Québec et au Canada avant l'arrivée des Sulpiciens. C'est lui que M. de Queylus avait délégué, le 23 mars 1658, pour bénir la place de la première église de Ste-Anne de Beaupré. Il le persuada, dans la suite, d'entrer à Saint-Sulpice. M. Vignal passa donc à Paris une année de noviciat et revint au Canada, mais cette fois pour se consacrer à l'œuvre du Montréal. Devenu économe, il n'eut rien tant à cœur que de continuer le Séminaire commencé par M. Lemaître. Dans son empressement, il insista auprès de Chomedey de Maisonneuve pour qu'il lui permît d'aller chercher de la pierre dans un îlot, en amont de l'île Ste-Hélène, en face de la ville. On y était allé la veille, et il y avait imprudence à y retourner le lendemain, car les sauvages ne devaient pas en être très éloignés... Cependant le Gouverneur céda aux instances du prêtre. Celui-ci se fit accompagner de treize hommes. Rendu sur l'île, M. Vignal s'étant écarté du groupe, se sent soudain percé d'un coup d'épée. * Il bondit en avant pour rejoindre ses compagnons, pendant que les sauvages lancent leurs cris de guerre. La panique s'empare de ouvriers: tous fuient sur le fleuve, sauf le sieur de Brigeac, secrétaire du Gouverneur, qui était venu avec eux. Malgré une héroïque résistance, MM. Vignal et Brigeac ainsi que René Cuillerier et Jacques Dufresne, furent faits prisonniers et emmenés à la Prairie de la Madeleine. Là, ils furent soignés par les sauvages qui désiraient les conduire dans leur pays et leur faire subir la torture. Mais M. Vignal, trop grièvement blessé pour être guéri, fut achevé par eux le 27 octobre 1661, rôti sur un bûcher et mangé. "Ce sont là, dit l'Annaliste de l'Hôtel-Dieu, des circonstances bien douloureuses pour ses amis, mais particulièrement pour nous, qui en sommes vivement affligées". M. Vignal en effet, était le confesseur des Sœurs Hospitalières de Ville-Marie, comme il l'avait été, quelques années auparavant des Hospitalières de Québec. 5

Après la mort sanglante de ces deux constructeurs, il fallut

4C'est M. Dollier de Casson qui le dit: "de son épée emmanchée”.
5 Témoignage de la Vén. Marie de l'Incarnation.

néanmoins continuer le bâtiment du Séminaire. On ne sait au juste quand il fut terminé, mais la tradition qui veut que Chomedey de Maisonneuve ait vécu quelque temps avec les Sulpiciens,indique que la maison fut habitable au moins un an avant 1665, date du départ définitif du Gouverneur pour la France.

On se prend à rêver sur la vie que menaient ensemble ces héroïques ecclésiastiques et ce vrai chevalier de la Vierge, presque un saint, qu'était Paul de Chomedey. Ils s'entretenaient de leurs espoirs et de leurs craintes. Leur vie édifiante donnait le ton à toute la population de la ville naissante. Lorsque les Sulpiciens, devenus seigneurs de l'île de Montréal en 1663, eurent de ce fait le droit de rendre la justice et de nommer le gouverneur, ils confirmèrent Maisonneuve dans sa charge. Mais ce fut, hélas! pour bien peu de temps, car celui-ci, en butte à la mauvaise volonté et à la jalousie de M. de Mésy, le gouverneur général, dut regagner la France, deux ans plus tard. Nul doute que, dans cette terrible épreuve, le magnanime fondateur ait trouvé dans ses compagnons les consolateurs dont il avait besoin et les inspirateurs de sa muette résignation."

6

L'album du Vieux Montréal nous donne une image de ce séminaire où il passa les dernières années de son séjour au Canada. Mais où donc l'auteur, P.-L. Morin, en a-t-il trouvé le dessin? C'est le défaut de ce bel album de contenir maintes reconstitutions contradictoires ou fantaisistes: le compilateur imprudent a ainsi jeté plusieurs générations dans l'erreur. M. Georges Delfosse a reproduit, dans sa série des vieilles constructions de notre ville, la prétendue maison de Chomedey. 8 C'est un gracieux manoir en pierre à deux étages, ornés, au centre, d'un avant-corps légèrement en saillie, terminé par un fronton triangulaire et flanqué aux angles, de deux tours carrées recouvertes de pignons pointus. A droite, une aile d'un étage semble contenir la cuisine. De beaux arbres forment

La S. Morin écrit que, dans ses épreuves, il allait se confier à M. Souart,

et qu'ensemble ils en plaisantaient et en riaient de bon cœur.

7 Une lettre du 13 mai 1689, adressée par M. Tronson à M. Ranuyer, laisse entendre que, encore à cette époque les Sulpiciens avaient en leur possession "le lit, la tapisserie et les autres meubles que M. de Maisonneuve a laissés".

8 Qui donc a prétendu le premier que M. de Chomedey avait eu une maison à lui,à la place Royale? La S. Morin dit que, l'endroit où fut dit la messe, le premier jour de Montréal, "a servy à bâtir la maison du fort de M. de Maisonneuve, si renommée, et qui a subsisté jusqu'en l'année 82 ou83, qu'on acheva de la démolir, quoiqu'elle ne fut qu'en bois". La Soeur n'ajoute rien d'autre chose, et pourtant parle abondamment du Gouverneur. Quant à Dollier de Casson, il parle de cette maison où sont présentement logés les Ecclésiastiques qui servent cette Isle": rien de plus. M. de Belmont, dans son histoire chronologique du Canada, n'en souffle pas mot, ni en 1650, ni ailleurs.

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