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parierais qu'il s'embarrafferait beaucoup plus d'Avignon que de la Jerufalem célefte. Pour moi, je 1770. m'avertis d'être difcret et de ne pas importuner un homme auquel il faut fe faire confcience de dérober un moment. Ses momens font fi bien employés, que je lui en fouhaite beaucoup, et qu'il puiffe durer autant que fa ftatue. Vale.

FÉDÉRIC.

LETTRE CLXXXIV.

DE M. DE VOLTAIRE.

20 décembre.

En vérité, ce roi de la Chine écrit de jolies lettres;

N

mon dieu, comme son style s'eft perfectionné depuis for éloge de Moukden! Qu'il rend bien justice à ce faint flibuftier juif, nommé David, et à nos badauds de Paris! Je foupçonne fa Majefté Kienlong de n'avoir chez lui aucun mandarin qui l'entende, et de chanter, comme Orphée, devant de beaux lions, de courageux léopards, des loups bien difciplinés, des faucons bien dreffés. J'allai autrefois à la cour du roi; je fus émerveillé de fon armée, mais cent fois plus de fa perfonne; et je vous avoue, Sire, que je n'ai jamais fait de foupers plus agréables que ceux où Kienlong le grand daignait m'admettre. Je vous jure que je prenais la liberté de l'aimer autant qu'il me forçait à l'admirer; et fans un lapon qui me calomnia,

je n'aurais jamais imaginé d'autre bonheur que de 1770. refter à Pékin.

Il eft vrai que j'ai fait une très-grande fortune dans l'Occident; et quoiqu'un abbé Terray m'en ait escamoté la plus grande partie ( ce qui ne me ferait point arrivé à Pékin), il m'en refte assez pour être plus heureux que je ne mérite; cependant je regrette toujours Kienlong, que je regarde comme le plus grand homme des deux hémisphères. Comme il parle parfaitement le français qu'il n'a pourtant point appris des révérends pères jésuites; comme il écrit dans cette langue avec plus de grâces et d'énergie que les trois quarts de nos académiciens, j'ai pris la liberté de lui adreffer par le coche trois livres nouveaux, avec cette adreffe, AU ROI; car il n'y en a pas deux, à ce que l'on dit ; et on parlera peu du fultan et du mogol d'aujourd'hui. On a écrit sur l'adresse Pour être mis à la pofte, dès que le paquet sera dans ses Etats. C'est un tribut payé à la bibliothéque du Sans-fouci de la Chine; je ne crois pas ce tribut digne de sa Majesté, mais c'est la cuisse de cigale que ne dédaigna pas le grand Yhao.

Sa Majesté est voisine de ma grande fouveraine ruffe. Je fuis toujours fâché qu'ils n'aient pu s'ajuster pour donner congé à Moustapha; je fuis encore dans l'erreur fur Ali-bey: elle-même y eft auffi. Pourquoi, n'a-t-elle pas envoyé quelque juif fur les lieux s'informer de la vérité? Les Juifs ont toujours aimé l'Egypte, quoi qu'en dise leur impertinente histoire.

Je favais très-bien ce que fefaient des ingénieurs. fans génie, et j'en étais très-affligé. Je trouve tout cela auffi mal entendu que les croifades: il me femble

qu'on pouvait s'entendre, et qu'il y avait de beaux coups à faire.

J'ai bien peur que les Velches et même les Ibères n'échouent. Leurs entreprises, depuis long-temps, n'ont abouti qu'à nous ruiner.

Je frappe trois fois la terre de mon front devant votre trône du Pégu, voifin du trône de la Chine.

Fin du Tome Second

1770.

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