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qu'il veuille étendre sa domination jusque dans l'Eu« rope, il ne doit pas trouver étrange que les Romains << se croient aussi en droit de conserver les amis qu'ils <«< avaient déja dans l'Asie, et même de s'y en faire de

<<< nouveaux ».

Hégésianax, qui portait la parole pour le roi, répondit « qu'il y avait une énorme différence entre ôter « à Antiochus les villes de Thrace et de Chersonèse, que «< ses ancêtres avaient possédées à titre de conquête, et << fermer aux Romains l'entrée de l'Asie, où ils n'avaient jamais possédé un pouce de terre que le roi leur << maître voulait faire avec les Romains une amitié qui <«< lui fit honneur, et non un traité qui le couvrît de «< confusion »>,

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Quintius, de concert avec ses collègues, après beaucoup de discours et de répliques, donna sa dernière réponse, en déclarant aux ambassadeurs du roi « que « les Romains persistaient dans la résolution qu'ils << avaient prise de mettre en liberté les villes grecques « de l'Asie, comme ils avaient fait celles de l'Europe : qu'ils vissent si cette condition convenait à Antio<< chus». Ils répondirent « qu'ils n'avaient ni la volonté, <«< ni le pouvoir d'accepter aucune condition qui tendît «< à priver Antiochus d'une partie de ses états ». La conférence finit sans que l'on y eût rien conclu.

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Dès le lendemain Quintius introduisit dans le sénat tous les ambassadeurs de la Grèce et de l'Asie, et, après leur avoir exposé ce qui avait été dit et agité de part et d'autre dans la conférence, il les chargea de faire savoir, chacun à ceux qui les avaient envoyés, «< que le peuple romain était déterminé à défendre leur <«< liberté contre Antiochus avec le même zèle et le

même courage qu'il avait témoigné contre Philippe, a et qu'il espérait le faire avec le même succès ». Les ambassadeurs d'Antiochus conjurèrent le sénat «de ne a rien précipiter dans une affaire de cette importance; « de laisser au roi le temps de faire ses réflexions, et « d'en faire eux-mêmes de leur côté avant que de prendre une résolution qui allait troubler le repos de « l'univers ». Il ne fut encore rien décidé et l'on députa vers le roi les mêmes ambassadeurs qui avaient déja conféré avec lui à Lysimachie, savoir, Sulpicius, Villius, Ælius.

Antiochus

mesures avec Annibal pour faire

utilement la Romains,

guerre aux

Liv. lib. 34,

cap. 60.

A peine furent-ils partis que des ambassadeurs carthaginois arrivèrent à Rome, et donnèrent avis au sé- prend des nat qu'Antiochus, excité par Annibal, se préparait certainement à faire la guerre. Cette nouvelle donna de l'inquiétude aux Romains, et leur fit craindre que les Carthaginois aussi, entraînés par l'exemple de leur premier citoyen, ne reprissent. les armes. Annibal, comme on l'a déja dit, s'était retiré auprès d'Antiochus. Ce princ le reçut avec beaucoup de bienveillance et de distincion, lui témoigna toute l'estime et lui fit tous les honneurs possibles, comme à un capitaine d'un rare mérit, qui pouvait, par ses conseils et par la réputation seule de son nom, lui être d'un grand secours dans le desein qu'il projetait. L'avis d'Annibal dèslors, et il prsista toujours dans le même sentiment, fut « qu'il falait porter la guerre dans l'Italie : que par ce moyen pays ennemi leur fournirait des troupes 1 « et des vivre que si ce pays demeurait tranquille, et qu'on laisât aux Romains la liberté de faire la € guerre au-deors, il n'y avait point de peuple, ni de roi, qui fût apable de leur résister; en un mot, que

Annibal tâche inuti

compa

triotes

<< Rome ne pouvait être vaincue que dans Rome même ». Il ne demandait que cent galères, dix mille hommes de pied et mille chevaux. Il assurait « qu'avec cette flotte il irait d'abord en Afrique, où il espérait engager les

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Carthaginois à se joindre à lui; et que, s'il n'y réussis<«< sait pas, il irait droit en Italie, où il trouverait le « moyen de susciter bien des affaires aux Romains : qu'il fallait que le roi passât en Europe avec le reste << de ses troupes, et qu'il s'arrêtât dans quelque endroit « de la Grèce sans se transporter encore dans l'Italie, <«< mais se tenant toujours prêt à y passer, et donnant << ainsi aux Romains des alarmes continuelles >>. Le roi d'abord goûta extrêmement ce projet; et c'était, sans contestation, le meilleur parti que l'on pût prendre. Annibal crut devoir prévenir et préparer les amis lement de qu'il avait à Carthage pour les mieux faire entrer dans soulever ses ses desseins. Outre que des lettres sont peu sûres, elles ne peuvent s'expliquer suffisamment, ni entrer dans un assez grand détail. Il envoie donc un homme de confiance, et lui donne ses instructions. Il s'appelait Ariston, et était de Tyr. A peine est-il arrivé à Carthage qu'on se doute du sujet qui l'y amène. On l'épie, on le fait suivre, enfin l'on prend des mesures pour l'arrêter. Mais il les prévient, et se sauve denuit, après avoir fait afficher, au-dessus du tribuna même sur lequel le magistrat venait tous les jours l'asseoir, un placard où étaient écrites en gros caracères ces paroles: Les ordres dont on a chargé Ariston ne s'adressent à aucun citoyen en particulier, mais à tous les sénateurs en général. Le sénat jugea à propos d'enછે voyer des ambassadeurs à Rome pou informer les consuls et le sénat de ce qui s'était pasé à cette occa

contres les Romains. Liv. lib. 34, cap. 61.

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sion, et en même temps pour se plaindre des injures

que la république de Carthage recevait de Masinissa.

Ce prince avait aussi envoyé ses ambassadeurs à Rome. Contestation

entre

les

cise.

cap. 62.

Ainsi le sénat, après avoir entendu les raisons des par- Masinissa et
ties, nomma des députés, à la tête desquels était Sci- Carthaginois
pion l'Africain, pour aller terminer l'affaire sur les laissée indé-
lieux. Il s'agissait d'un pays nommé Empories, qui est Liv. lib. 34,
situé autour de la petite Syrte. Cette contrée était
extrêmement fertile : la seule ville de Leptis payait aux
Carthaginois un talent de tribut par jour (mille écus).
Les députés revinrent sans avoir rien prononcé, regar-
dant sans doute cette indécision comme plus conve-
nable à la situation présente des affaires, qu'un juge-
ment qui n'aurait pas manqué de mécontenter les
uns ou les autres. Pourquoi donc le sénat s'était-il
rendu arbitre du différend, et pourquoi avait-il pris
la qualité de juge? Une telle politique ne lui fait pas
d'honneur. Cette respectable compagnie commençait à
tenir
peu sincèrement aux règles d'une exacte justice
quand l'intérêt de l'état s'y opposait; et elle s'accoutu-
mait à n'être plus aussi scrupuleuse sur ce point qu'elle
avait été dans les commencements.

C. Cornélius Céthégus, l'un des deux censeurs, ferma
le lustre. Le nombre des citoyens se trouva monter à
deux cent' quarante-trois mille sept cent quatre.

Cette même année les mouvements entre les candidats pour parvenir au consulat furent plus vifs et plus animés que jamais : les personnages les plus distingués et les plus puissants dans les deux ordres se mirent sur les rangs. Mais ceux qui attiraient le plus les

yeux

Le texte de Tite-Live porte tres précédent et suivant, que c'est cent; mais il est visible par les lus- une faute.

Clôture du Liv. lib. 35,

lustre.

cap. 9.

Forte brigue

pour

le consulat. Quintius Le crédit de l'emporte

sur celui de Scipion l'Africain.

cap. 10.

Liv. lib. 35, et l'attention des citoyens, étaient L. Quintius Fla ninus, qui avait commandé la flotte dans la Grèce, et P. Cornélius Scipion Nasica, fils de ce Cnéus qui avait fait de si grandes actions en Espagne. Ils étaient tous deux de race patricienne. Ce qui partageait le plus entre eux les suffrages, c'était le crédit et la faveur de leurs frères fratres 1), les deux plus grands généraux de leur temps. Scipion l'Africain avait acquis une gloire plus brillante, mais par cette raison même il était plus exposé à l'envie la réputation de Quintius était plus récente, il avait triomphé cette même année. A quoi l'on peut ajouter que le premier avait toujours été sous les yeux des citoyens depuis dix ans, assiduité qui affaiblit ordinairement la considération que l'on a pour les grands hommes, comme Cicéron le fait remarquer en plaidant pour Muréna. D'ailleurs, depuis qu'il avait vaincu Annibal, le peuple lui avait déféré un second consulat et la censure. Une dernière raison, que TiteLive ne touche pas néanmoins, pouvait avoir beaucoup aliéné de lui les plébéiens; c'était le nouvel usage introduit sous son second consulat, et autorisé par lui, de donner aux sénateurs des places distinguées dans les spectacles. La faveur, le crédit de Quintius, avait encore toute la force de la nouveauté; le temps n'en avait point flétri, pour ainsi dire, la fleur et l'éclat. Depuis son triomphe il n'avait rien demandé, ni reçu aucune récompense. Il faisait remarquer au peuple, qu'il sollicitait, non pour un cousin, mais pour un frère, qui

Scipion n'était que cousin-germain du candidat de ce nom. Les cousins-germains étaient appelés en latin fratres patrueles, et les frères propres fratres germani.

2 « Ista nostra assiduitas, Servi, nescis quantùm interdùm afferat hominibus fastidii, quantùm satietatis... Utrique nostrùm desiderium nihil obfuisset. » (PRO. MUR. cap. 21.)

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