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<«< leur dit-il, que vous demeuriez paisibles et soumis, <«< puisque toutes vos révoltes ont toujours causé plus de <«< malheurs à vos peuples que de peine à nos armées. « Le seul moyen que je trouve d'arrêter vos soulève« ments, c'est de vous mettre dans l'impossibilité de << vous soulever. Mon dessein est d'employer la voie la plus douce pour vous réduire à cette heureuse néces« sité. C'est à vous de m'aider en cela de vos conseils. « Je suis disposé à suivre celui que vous me donnerez, préférablement à tout autre. » Voyant qu'ils demeuraient dans le silence : « Je vous donne, dit-il, quelques jours pour faire là-dessus vos réflexions. » Comme à une seconde assemblée ils ne lui donnaient pas plus de réponse, il prit son parti par lui-même; et, les retenant, selon toute apparence auprès de lui, il envoya dans toutes les villes du pays des courriers qui devaient, dans un même jour et à une même heure, remettre entre les mains des anciens des lettres de la part du consul. Elles portaient ordre de détruire dans le jour même toutes leurs fortifications, avec menaces de réduire en captivité ceux qui n'obéiraient pas sur-le-champ. Dans l'incertitude où chaque ville était si de pareils ordres avaient été signifiés aux autres, ou s'ils n'étaient que pour elle seule, et dans l'impossibilité où elles se trouvaient toutes de prendre conseil et de concerter ensemble, elles se déterminèrent à obéir; et l'ordre fut exécuté en un même jour par la plupart des peuples. Dès que Caton en eut été informé, il partit pour soumettre ce qui restait de rebelles, et en vint facilement

à bout.

Dans la disposition à la révolte où étaient presque tous les peuples, parce qu'après avoir goûté la douceur

Caton.

de la liberté, tout joug leur était devenu insupportable, Caton se crut obligé, pour le bien même de la province, de leur ôter toute ressource et tout moyen de résistance. On reconnut en effet que, pour peu que l'on eût tardé, le soulèvement serait devenu général; et l'on vit dans cette occasion de quel prix est l'habileté d'un général. Le consul1, en qui les lumières de l'esprit égalaient la Éloge de fermeté du courage, voyait et examinait tout par ses yeux, et donnait une attention entière aux entreprises importantes, sans négliger les moindres affaires. Il ne se contentait pas de prévoir ce qu'il convenait de faire, et de donner ensuite ses ordres aux officiers subalternes, il exécutait la plus grande partie de ses projets par luimême. Il n'y avait personne, dans toute l'armée, de qui il exigeât plus de peine et de fatigue qu'il ne s'en imposait à lui-même, prenant toujours pour son partage ce qu'il y avait de plus pénible. Il se piquait de ne le point céder au moindre des soldats, pour la frugalité, le travail, les veilles. Enfin il n'avait rien dans l'armée qui lui fût particulier et le distinguât des autres, que l'honneur du commandement.

Le préteur P. Manlius, qui avait été donné à Caton pour second et pour aide, faisait la guerre contre les Turdétans, qui, soutenus de dix mille Celtibériens, lui donnaient bien des affaires. Il en écrivit au consul, et lui demanda du secours. Caton y marcha aussitôt. Ne

<< In consule ea vis animi atque ingenii fuit, ut omnia maxima minimaque per se adiret atque ageret: nec cogitaret modò imperaretque quæ in rem essent, sed pleraque ipse per se transigeret ; nec in quemquam omnium gravius severiusque,

quàm in semetipsum, imperium exer-
ceret; parcimoniâ, et vigiliis, et la-
bore, cum ultimis militum certaret;
nec quidquam in exercitu suo præ-
cipui, præter honorem atque impe-
rium haberet. >>

Caton va dans la

Turdétanie du préteur.

au secours

Liv. lib. 34,

cap. 19, 20,

Triomphe de

Caton.

pouvant attirer les ennemis au combat, il s'avança dans un pays qui n'avait point encore ressenti les malheurs de la guerre, et il y mit tout à feu et à sang. Après quelques autres expéditions, ayant laissé au préteur la plus grande partie de son armée, il ne retint que sept cohortes, avec lesquelles il retourna du côté de l'Ebre, où il soumit de nouveau quelques peuples qui s'étaient soulevés en son absence.

Caton, étant retourné à Rome, y reçut l'honneur du Liv. lib. 34, triomphe. C'était l'année de Rome 558.

cap. 46.

Il y eut encore, les années suivantes, quelques mouvements dans l'Espagne, mais il ne s'y passa rien de considérable.

§ II. Contestations dans Rome au sujet de la loi Oppia. Discours du consul Caton en faveur de cette loi. Discours du tribun Valère contre la loi. Elle est abrogée. Printemps sacré. Places distinguées pour les sénateurs dans les jeux. Rumeur qu'excite la distinction des places accordées aux sénateurs dans les spectacles. Règlement contre l'usure. Ambassade des Rhodiens vers Antiochus, roi de Syrie. Réponse des commissaires de Rome aux ambassadeurs d'Antiochus. Ambassade des Romains vers ce prince. Retour des dix commissaires à Rome. Ils marquent qu'il faut se préparer à la guerre contre Antiochus. Annibal devient suspect aux Romains. Ambassadeurs envoyés de Rome à Carthage. Annibal sort de Carthage et se sauve. Il va trouver Antiochus à Éphèse. Discours d'un philosophe en présence d'Annibal. Conférence entre Quintius et les ambassadeurs

d'Antiochus sans effet. Antiochus prend des me-
sures avec Annibal pour faire utilement la guerre
aux Romains. Contestation entre Masinissa et
les Carthaginois laissée indécise par
les députés
de Rome. Clôture du lustre. Forte brigue pour
le consulat. Le crédit de Quintius l'emporte sur
celui de Scipion l'Africain.

L. VALÉRIUS FLACCUS.

M. PORCIUS CATO.

J'ai différé jusqu'ici à parler de la célèbre contestation qui s'éleva, sous le consulat de Caton, au sujet des bijoux et de la parure des dames romaines, à laquelle ce consul eut une grande part.

AN. R. 557.

Av. J.C. 195.

à Rome au

sujet de la

cap. 1.

Dans l'intervalle entre deux guerres importantes, Contestation dont l'une (contre Philippe) était à peine terminée, et l'autre (contre Antiochus) était sur le point d'éclater, lo Oppia. survint à Rome une querelle sur un objet peu considérable en soi, mais qui ne laissa pas d'échauffer beaucoup les esprits. M. Fundanius et L. Valérius, tribuns du peuple, proposèrent la cassation de la loi Oppia. Elle avait été établie sous le consulat de Q. Fabius et de Ti. Sempronius, dans le plus grand feu de la guerre d'Annibal, et peu après la bataille de Cannes, si funeste à la république. Cette loi défendait aux dames romaines d'employer plus d'une demi-once d'or à leur usage, a de porter des habits de diverses couleurs, et de se << faire voiturer à Rome, ou à mille pas à la ronde, « dans un char attelé de chevaux, si ce n'était à l'oc«<casion des sacrifices publics. » Deux autres tribuns du peuple, de la famille des Junius Brutus, prenaient

cap. 25.

la défense de la loi, et déclaraient qu'ils ne souffriraient pas qu'elle fût abrogée.

le

Il est bon, pour l'honneur des dames, par rapport à la question dont il s'agit ici, de se souvenir que dès les premiers temps elles avaient un grand zèle pour bien public et peu d'attachement à leurs bijoux, puisLiv. lib. 5, qu'elles portèrent tout leur or et tous leurs ornements au trésor pour servir à l'accomplissement d'un vœu fait par Camille à l'occasion de la prise de Véies. Le sénat ne laissa point une si pieuse et si généreuse libéralité sans récompense, et accorda aux dames de se faire conduire aux sacrifices dans un char distingué et plus honorable, pilento; et en toute occasion, jour de fête ou non fête, dans un char plus commun, carpento. Il est étonnant que dans les discours qui vont suivre on n'ait point rappelé le souvenir de ce fait, qui y a tant de rapport.

cap. 36.

Il y a beaucoup d'apparence que la loi Oppia, dont Tite-Live n'a point rapporté l'établissement dans son lieu, était demeurée sans exécution quant au premier

article qui regarde l'or, puisque, quelques années après Liv. lib. 26, la bataille de Cannes, dans un temps où la république, manquant absolument de fonds, fit porter au trésor public tout l'or et l'argent des citoyens, on laissa aux dames une once d'or pour employer à leur parure. Elles n'étaient donc pas alors réduites à l'unique demi-once que la loi Oppia leur permettait. Après ces observations, je reviens au récit du fait.

Plusieurs des principaux de la ville se joignirent aux tribuns dans cette dispute, les uns en faveur de la loi, les autres contre. Le Capitole était rempli d'une foule de gens du peuple, partagés de sentiments aussi-bien

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