Page images
PDF
EPUB

6. Religion.

J'ai souvent cité le célèbre entretien de Cambyse, roi de Perse, avec son fils Cyrus, que l'on regarde avec raison comme un abrégé des plus utiles leçons qu'on puisse donner à quiconque doit commander les arinées, ou être employé au gouvernement. Cet excellent discours commence et finit par ce qui regarde la religion, comme si tous les autres avis, sans celui-là, devaient être inutiles. Cambyse recommande à son fils, avant tout et surtout, de s'acquitter religieusement de tous les devoirs que la Divinité exige des hommes; de ne former jamais aucune entreprise, petite ou grande, sans consulter les dieux; de commencer toutes ses actions par implorer leur secours, et de les faire suivre par des actions de graces, tout bon succès venant de leur protection, qui n'est due à personne, et devant par conséquent leur être rapporté. C'est en effet ce que Cyrus pratiqua toujours très-exactement; et il avoue lui-même, dans l'entretien dont ceci est tiré, qu'il part, pour sa première campagne, plein de confiance dans la bonté des dieux, parce qu'il peut se rendre à lui-même ce témoignage, qu'il n'a jamais négligé leur culte.

Je ne sais si notre Scipion avait lu la Cyropédie, comme cela est certain du second, qui en faisait son étude ordinaire; mais il est visible qu'il a imité en tout Cyrus, et surtout dans le culte religieux. Depuis qu'il Liv. lib. 26, eut pris la robe virile, c'est-à-dire depuis l'âge de dixsept ans, il ne commença jamais aucune affaire, soit publique, soit particulière, sans avoir auparavant été au Capitole pour implorer le secours de Jupiter. On

cap. 19.

cap. 27.

Liv. lib. 29, voit dans Tite-Live la prière solennelle qu'il fit aux dieux en partant de Sicile pour l'Afrique; et le même historien ne manque pas de faire remarquer qu'aussitôt après la prise de Carthagène il remercia publiquement les dieux de l'heureux succès de cette entreprise : postero Id. lib. 26, die, militibus navalibusque sociis convocatis, primùm diis immortalibus laudesque et grates egil.

cap. 48.

Il ne s'agit pas ici d'examiner quelle était cette religion, ou de Cyrus ou de Scipion: on sait bien qu'elle ne pouvait être que fausse. Mais l'exemple qu'ils donnent à tous les commandants et à tous les hommes de commencer et de terminer toutes leurs actions par la prière et par l'action de graces n'en est que plus fort; car que n'auraient-ils point dit et fait, s'ils avaient été comme nous éclairés des lumières de la vraie religion, et s'ils avaient eu le bonheur de connaître le véritable Dieu! Après de tels exemples, quelle honte serait-ce pour des généraux chrétiens de n'oser paraître aussi religieux que ces anciens capitaines du paganisme!

§ VI. Affaires d'Espagne. Celtibériens domptés. Ils sont vaincus de nouveau. Trouble apaisé chez les Celtibériens.

Guerre d'Istrie. L'armée du consul Manlius, après avoir été défaite par les Istriens, remporte sur eux une victoire considérable. Procédé violent du nouveau consul à l'égard des proconsuls. Claudius attaque Nésartie, dont les habitants se portent à un désespoir furieux. L'Istrie est entière

ment soumise.

Expéditions en Ligurie. Liguriens vaincus par Fulvius, puis par Claudius. Ils sont vaincus une seconde fois par ce consul. Défaite des Liguriens par le consul Popillius, qui les traite fort durement. Le sénat condamne la conduite du consul. La contestation au sujet des Liguriens se renouvelle. On nomme commissaire le préteur Licinius pour informer contre Popillius et pour juger son affaire. Popillius, de retour à Rome, échappe au jugement par la facilité du préteur Licinius. Réflexion sur le procédé de ce préteur.

Affaires de Sardaigne et de Corse. Affaires arrivées à Rome. Vestale punie. Plaintes des alliés latins et de quelques autres. Choix d'un fils du grand Scipion pour préteur. Grande peste à Rome. Beaux ouvrages faits par les censeurs. Loi Voconia contre les femmes au sujet des 'successions. Les tuiles de marbre enlevées du temple de Junon Lacinienne y sont reportées par

Tome XVIII. Hist. Rom.

24

ordre du sénat. Dénombrement. Nuées de sauterelles. Les ambassadeurs des Carthaginois se plaignent dans le sénat des usurpations de Masinissa. Gulussa défend son père. Réponse du sénat. Mort funeste de Fulvius. Colonie de Cartéia en Espagne. Gulussa et les ambassadeurs carthaginois reviennent à Rome. Le consul Postumius commence à vexer les alliés. Vexations que les préteurs exercent en Espagne. Plaintes contre le consul Cassius, contre Licinius son collègue, contre les préteurs Lucrétius et Hortensius. Réflexion sur le changement arrivé dans les mœurs et le gouvernement à Rome.

Le grand objet qui occupera notre histoire pendant les dix ou douze années suivantes, c'est la guerre des Romains contre Persée, dernier roi de Macédoine, laquelle se termine par la ruine de ce royaume et la fin de la puissance macédonienne. Cet événement est mêlé dans Tite-Live de quelques légères expéditions dans l'Espagne, l'Istrie, la Ligurie, la Sardaigne, la Corse, et quelques autres provinces. Je traiterai d'abord de ces expéditions séparément et de la manière la plus succincte qu'il me sera possible, sans pourtant rien omettre de ce qui me paraîtra digne d'attention. J'en userai de même à l'égard des affaires qui concernent en particulier l'intérieur et la police de Rome. De cette sorte, la guerre de Macédoine, n'étant point interrompue par des événements étrangers, pourra être exposée avec plus d'ordre et de clarté.

Affaires d'Espagne.

Av. J.C. 179.

Liv. lib. 40, cap. 47-50.

domptés.

L. Postumius et Ti. Sempronius, propréteurs, par- AN. R. 573. tagèrent entre eux la Celtibérie, et, chacun de leur Celtibériens côté, ils gagnèrent plusieurs batailles et prirent un grand nombre de villes. Ils reçurent dans la suite l'un et l'autre l'honneur du triomphe. Sempronius en particulier méritait les plus grands honneurs, non-seulement par ses exploits, mais par la sagesse des lois qu'il donna aux peuples vaincus.

Ces nations vivaient alors dans toute la simplicité de la nature, et Lite-Live nous en a conservé un trait que je ne crois pas devoir omettre ici.

Sempronius assiégeait une ville considérable du pays, nommée Certime. Lorsqu'il commençait à pousser ses ouvrages, les habitants lui envoyèrent des députés, qui lui parlèrent avec une franchise parfaite; car ils ne dissimulèrent point qu'ils soutiendraient la guerre s'ils avaient des forces suffisantes, et ils demandèrent la permission d'aller dans le camp des Celtibériens assemblés en corps d'armée à peu de distance, et de tâcher d'en obtenir du secours. Sempronius le leur ayant permis, ils partirent, et revinrent peu de jours après avec dix autres ambassadeurs. C'était l'heure de midi; et, avant tout, ils prièrent le préteur de leur faire donner à boire : après qu'ils eurent bu un premier coup, ils en demandèrent un second, ce qui apprêta beaucoup à rire à toute l'assistance, étonnée d'une telle grossièreté de mœurs. Alors le plus âgé des ambassadeurs interrogea Sempronius, et lui demanda ce qui lui donnait la confiance de venir leur faire la guerre. Le préteur

« PreviousContinue »