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triomphe du

Victoire et pion, surnommé Nasica, gagna une grande bataille consul contre l'armée des Boïens, et demeura maître de leur les Boiens. camp. Ils se soumirent sur-le-champ. Le consul les

Nasica sur

obligea de lui donner des ôtages, et leur ôta la moitié de leurs terres, afin que le peuple romain y envoyât des colonies, s'il le jugeait à propos. Il partit aussitôt pour Rome, après avoir congédié son armée et lui avoir marqué un jour pour se rendre auprès de la ville, et triompher ensuite avec lui car il ne doutait point qu'on ne lui accordât le triomphe; ce qui souffrit pourtant plus de difficulté qu'il ne pensait. Le lendemain donc de son arrivée, il convoqua le sénat dans le temple de Bellone; et, après avoir fait le récit de la victoire qu'il avait remportée, il demanda qu'on lui permît d'entrer triomphant dans la ville. P. Sempronius Blésus, tribun du peuple, «reconnaissant qu'il était fort digne << de cet honneur, dit qu'il n'était pas d'avis qu'on le <«<lui accordât sur-le-champ: qu'il s'était un peu trop « hâté de congédier son armée et de revenir lui-même « à Rome; qu'ils auraient pu rendre de grands services « à la république en passant dans la Ligurie, et qu'il << serait fort à propos d'y renvoyer le consul et ses légions, afin qu'ils achevassent de dompter les Ligu<< riens; que ce serait le temps alors de lui accorder le «< triomphe ».

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Le consul répondit «que le sort ne lui avait pas <«< donné la Ligurie pour province, mais le pays des <«< Boïens; qu'il avait vaincu ces peuples en bataille ran« gée, avait pris leur camp, et forcé, deux jours après, <<< toute la nation à se rendre; que c'était d'eux qu'il de<«< mandait à triompher, et non des Liguriens; qu'au << reste on ne devait pas s'étonner que l'armée victo

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<«<rieuse, ne trouvant plus d'ennemis dans la province, a fût revenue à Rome pour y honorer le triomphe de « son général; que de la renvoyer, comme le tribun le proposait, ce serait pour elle une honte et une flétris« sure qu'elle n'avait point certainement méritée, non plus que lui: que, pour ce qui le regardait person« nellement, il se trouvait trop honoré pour toute sa a vie du glorieux témoignage que le sénat lui avait rendu << en le choisissant comme le plus homme de bien de la république pour recevoir la mère des dieux ; que ce « seul titre, quand on n'y ajouterait pas celui de consul « et de triomphateur, suffirait pour rendre son nom « célèbre dans tous les siècles ». Des remontrances si raisonnables non-seulement mirent tous les sénateurs. dans ses intérêts, mais engagèrent même le tribun à se désister de son opposition. Ainsi il triompha des Boïens d'une manière plus honorable encore pour lui que s'il n'y avait trouvé aucune difficulté.

Affaires

Après avoir parcouru les affaires de la Gaule et de la Ligurie, je passe maintenant à celles de l'Espagne. On d'Espagne. ne peut pas dire qu'elle ait été absolument sans guerre pendant les quatre années que Philippe occupa principalement les armes romaines, puisque Cn. Cornélius, Liv. lib. 31, qui y avait été envoyé en 552, remporta dans l'année 1. 33, c. 27. 556, dont nous allons parler, le petit triomphe pour les heureux succès qu'il avait eus en Espagne. Mais ces guerres avaient été peu considérables, comme on le peut conjecturer par le silence de Tite-Live.

Peu de temps après que le traité de paix avec Philippe avait été conclu, la joie que causait cet heureux événement fut un peu troublée par les tristes nouvelles que l'on reçut d'Espagne. Elle formait deux provinces:

Tome XVIII. Hist. Rom.

3

cap. 50; et

Échec reçu l'Espagne ci

dans

térieure. Liv. lib. 33,

cap. 25.

AN. R. 557.
Av. J.C. 195.

Départ de Caton pour

l'Espagne citérieure, qui était en deçà de l'Ebre; et l'Espagne ultérieure, qui était au-delà. On apprit « que « le préteur C. Sempronius Tuditanus avait été défait « dans la province citérieure; que son armée avait été << battue et mise en fuite, et que dans cette action il « avait été tué plusieurs personnes de marque; que Tu«< ditanus lui-même, ayant été enlevé de dessus le champ << de bataille dangereusement blessé, était mort peu de << jours après >>.

L. VALÉRIUS FLACCUS.

M. PORCIUS CATO.

Caton eut pour département l'Espagne citérieure. Avant qu'il partît pour s'y rendre, il s'éleva à Rome une célèbre contestation au sujet de la loi Oppia, à laquelle il eut grande part. J'en parlerai dans la suite, après que j'aurai rapporté ses expéditions guerrières.

Après que cette dispute eut été terminée, Caton partit l'Espagne. avec vingt-cinq galères, dont les alliés en avaient fourni cap. 18. cinq, et vint au port de la Lune, où il avait ordonné à son armée de se rendre. Ayant fait ramasser le long de la côte tous les bâtiments qui s'y trouvèrent de quelque espèce qu'ils fussent, il y embarqua ses soldats et leur commanda de le suivre au port de Pyrénée 2, d'où son dessein était d'aller aux ennemis avec toute sa flotte. Il arriva à Empories 3, où il mit tous ses soldats à terre, excepté ceux qui devaient servir sur mer. Il y avait à Empories deux villes séparées par un

Au golfe de Spezzia sur la côte de Gênes. Luna; il en reste quelques vestiges au lieu nommé Lunigone. - L.

2 Ce port paraît être le Port-l'endres dans le Roussillon.

3 Ampurias, ville d'Espagne en Catalogne.

Liv. lib. 34,

d'Empories.

cap. 18.

mur, dont l'une était occupée par des Grecs originaires Description de Phocée, comme les Marseillais, et l'autre était habitée par des Espagnols. Il est étonnant que des étrangers, exposés d'un côté aux incursions maritimes, et de l'autre aux attaques des Espagnols, nation féroce et belliqueuse, aient pu se maintenir si long-temps le long de cette côte, et conserver leur liberté. On ne peut attribuer cet effet merveilleux qu'à la vigilance et à la discipline, que rien n'entretient davantage parmi les faibles que la crainte qu'ils ont d'être surpris par des voisins plus puissants qu'eux. La partie du mur qui donnait sur la campagne était très-bien fortifiée, n'ayant qu'une seule porte; dont la garde était confiée à quelqu'un des magistrats qui ne l'abandonnait jamais. Pendant la nuit, il y avait toujours un tiers des citoyens postés sur les murailles pour les garder, et ils s'acquittaient de ce devoir, dans lequel ils se succédaient les uns aux autres, non par forme et pour obéir à la loi, mais avec autant de soin, de vigilance et d'exactitude que si les ennemis eussent été à leurs portes. Ils ne recevaient aucun Espagnol dans leur ville, et ne s'en éloignaient eux-mêmes que rarement et avec précaution; mais ils avaient pleine liberté de sortir du côté de la mer. A l'égard de la porte qui donnait sur la ville des Espagnols, ils ne sortaient jamais par là qu'en grand nombre, et c'était ordinairement ce tiers des habitants qui avaient gardé les murs pendant la nuit. Voici les raisons qui les engageaient à sortir. Les Espagnols, peu faits à la navigation, étaient ravis de commercer avec cette nation en achetant d'elle les marchandises étrangères qu'elle apportait dans ses vaisseaux, et en lui vendant à son tour ce que les récoltes leur four

Liv. lib. 34, cap. 1o.

Ruse de
Caton.

Frontin. 1. 4,

nissaient au-delà de leur nécessaire. Ce besoin mutuel qu'ils avaient les uns des autres ouvrait aux Grecs l'entrée de la ville espagnole. Ce qui contribuait encore à leur sûreté, c'était là protection des Romains, dont ils cultivaient l'amitié avec autant de zèle et de fidélité que les Marseillais, ne différant d'eux que pour la puissance. Aussi reçurent-ils le consul et son armée avec beaucoup d'empressement et de joie.

M. Helvius, qui avait défait les Celtibériens dans l'Espagne ultérieure, et pris la ville d'Illiturgis 1, étant retourné à Rome, reçut l'honneur du petit triomphe; et Q. Minucius, qui avait commandé dans l'Espagne citérieure, fut honoré du grand triomphe.

Pendant que le consul était campé assez près d'EmLiv. lib. 34, pories, des ambassadeurs du prince des Illergètes vinrent cap. 11-13. le trouver, accompagnés de son fils, « pour lui demander << du secours contre les rebelles, sans quoi ils n'étaient <«< pas en état de leur résister. Ils lui représentèrent que cinq mille hommes suffiraient défendre le pays,

cap. 7.

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pour

« et que l'ennemi ne les verrait pas plus tôt paraître qu'il se retirerait. Caton répondit qu'il était touché « du péril et des inquiétudes de ce prince; mais qu'ayant << dans son voisinage un si grand nombre d'ennemis avec lesquels il était tous les jours à la veille d'en venir <«< aux mains, il ne pouvait, sans s'exposer à un danger «< manifeste, affaiblir son armée en la partageant ». Les députés, ayant entendu ce discours, se prosternèrent aux pieds du consul, « le conjurant de ne pas aban« donner leur pays dans le triste état où il se trouvait

1 On distingue deux villes de ce nom, l'une dans la Tarragonaise, l'autre dans la Bétique. Cette der

=

nière était située sur le Bétis, près de la ville actuelle d'Andujar. — L.

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