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révoltes, et songeant beaucoup moins à vaincre qu'à se venger, s'abandonnèrent de telle sorte à leur ressentiment, qu'à peine laissèrent-ils échapper un seul des ennemis qui pût annoncer la défaite de ses compagnons.

Quand on eut reçu à Rome les lettres des consuls, qui contenaient la nouvelle de ces heureux succès, le sénat ordonna que pendant trois jours on rendît aux dieux des actions de graces dans tous les temples. Peu de jours après, Marcellus revint à Rome, où le triomphe lui fut décerné sur les Insubriens et sur les habitants de Come. Il laissa à son collègue l'espérance de triompher des Boïens.

L'année suivante, le consul Valérius Flaccus rem- Liv. lib. 34, porta aussi une victoire sur les Boïens.

Scipion l'Africain fut consul pour la seconde fois en l'année 558. Il semble avoir dédaigné de se mesurer avec des ennemis peu dignes de lui. Il laissa à son collègue Ti. Sempronius la gloire trop aisée de vaincre les Insubriens et les Boïens : elle lui coûta pourtant fort cher. Attaqué d'abord très - vivement dans son camp, il perdit beaucoup de monde pour les repousser: mais enfin il les mit en fuite, et les força de regagner leur camp en désordre. Il demeura sur le champ de bataille onze mille Gaulois, et cinq mille Romains.

cap. 46, 47.

La guerre des Gaulois et des Liguriens était devenue, Nouvelle

par rapport aux Romains, comme une guerre anniver

:

guerre contre les Gaulois.

saire mais elle éclata avec plus de violence, et causa Liv. lib. 34,

plus de terreur dans l'année où nous entrons, qui est la 559 de Rome, qu'elle n'avait fait auparavant. Sur la nouvelle que l'on reçut que quinze mille Liguriens étaient entrés sur les terres de Plaisance et avaient mis tout le pays à feu et à sang, s'étant avancés jusqu'aux

cap. 56.

Liv. lib. 35, сар. 3-5.

murailles mêmes de la colonie et aux rives du Pô, et qu'à leur exemple les Boïens étaient sur le point de se soulever, le sénat déclara qu'il y avait TUMULTE. C'était une formule qui marquait l'importance de la guerre, et qui avait lieu particulièrement dans celle contre les Gaulois, comme je l'ai déja observé ailleurs. Alors toute exemption cessait, et l'on avait droit de faire prendre les armes aux citoyens même qui avaient un privilége pour en être exempts dans les guerres ordinaires.

L'espérance du butin attirait tous les jours de nouvelles troupes aux Gaulois, et déja il s'était assemblé autour de Pise plus de quarante mille hommes. L'arrivée du consul Minucius avec son armée sauva la ville. Les ennemis aussitôt allèrent camper au-delà du fleuve Arno. Le consul les y suivit dès le lendemain, et campa à mille pas d'eux. De son poste il défendait les terres des alliés, en tombant sur les troupes que les ennemis envoyaient pour les ravager: mais il évitait de leur donner bataille comme ils le souhaitaient, ne comptant pas assez sur ses troupes, qui étaient levées nouvellement, et ramassées de différents endroits.

L'autre consul, L. Cornélius Mérula, en passant sur les confins de la Ligurie, avait conduit son armée dans le pays des Boïens, où il faisait la guerre contre ces peuples tout autrement que son collègue ne la faisait contre les Liguriens. C'était lui qui présentait la bataille aux Boiens; et ceux-ci n'osaient l'accepter, aimant mieux voir leurs terres ravagées que de s'exposer aux risques d'une action générale. Le consul, ayant désolé tout le pays par le fer et par le feu, en sortit et marcha vers Modène. Les Boïens le suivirent sans bruit; et, pendant la nuit, s'étant avancés au-delà du camp du

consul, ils s'emparèrent d'un défilé par où il lui fallait nécessairement passer, et où ils comptaient le surprendre. Mais le consul, ayant découvert leur dessein, et évité les embûches qu'on lui préparait, marcha contre eux, et les obligea d'en venir à un combat. Il fut long et sanglant. Enfin les Boïens furent mis en déroute et taillés en pièces : quatorze mille demeurèrent sur la place; près d'onze cents furent faits prisonniers ; on prit deux cent douze drapeaux et soixante-trois chariots. Les Romains achetèrent assez cher 'cette victoire. Ils perdirent cinq mille hommes, tant de leurs citoyens que des alliés, parmi lesquels se trouvèrent plusieurs officiers de marque.

par

Le consul
Minucius

délivré d'un
extrême
danger par
la coura-

geuse

des Numides.

Liv. lib. 35,

cap. II.

Sur la fin de l'année, les troupes de la république se virent deux fois exposées à un grand danger dans grand danger dans la Ligurie. Premièrement, les ennemis attaquèrent le camp des Romains, et furent sur le point de s'en rendre maîtres. Peu de jours après, le consul s'étant hardiesse engagé dans un défilé, les Liguriens s'emparèrent de l'issue où il lui fallait sortir. Minucius, voyant le chemin fermé par devant, se mit en devoir de retourner sur ses pas: mais une partie de leurs troupes avait aussi bouché la gorge par où il était entré; ce qui rappela dans l'esprit des troupes le souvenir des embûches de Caudium, et en retraça à leurs yeux l'image. Le consul avait parmi les troupes auxiliaires de son armée environ huit cents Numides. Celui qui les commandait vint le trouver, et offrit de s'ouvrir un passage à travers les ennemis et de délivrer l'armée, ajoutant qu'il en avait un moyen sûr. Minucius le combla de louanges, et lui promit de bien récompenser un service si important. Aussitôt les Numides montent à cheval, et se mettent

à caracoler jusqu'aux corps de garde des Liguriens, sans cependant faire aucune attaque. Au simple coupd'œil rien n'était plus méprisable que cette cavalerie. Tant hommes que chevaux, ils étaient petits et maigres: les cavaliers étaient sans ceintures, et n'avaient pour armes que de simples javelots. Les chevaux sans mors couraient d'une façon difforme, ayant l'encolure roide, la tête basse et allongée. Pour augmenter ce mépris, ils se laissaient tomber à dessein de dessus leurs chevaux, se donnant en spectacle, et s'exposant à la risée de l'ennemi. Les Liguriens, qui d'abord se tenaient sur leurs gardes dans leurs postes, prêts à se défendre si on les eût attaqués, se déchargèrent la plupart de leurs armes, et se mirent à regarder, les bras croisés, un spectacle qui les faisait rire. Cependant les Numides caracolaient de côté et d'autre, puis s'enfuyaient et revenaient sur leurs pas, s'avançant toujours peu à peu vers la sortie du défilé, comme s'ils étaient emportés malgré eux, et qu'ils n'eussent pu retenir leurs chevaux. Enfin, piquant des deux, ils forcèrent les Liguriens de s'ouvrir et de les laisser passer. D'abord ils mirent le feu aux premières maisons qu'ils rencontrèrent, et ensuite au premier bourg qui se trouva sur leur route, et à plusieurs autres de même, tuant tous ceux qui leur tombaient sous la main. Les Liguriens, du lieu où ils étaient campés, aperçurent premièrement la fumée de ces incendies; un moment après ils entendirent les cris des malheureux qu'on brûlait et qu'on massacrait dans les bourgs et dans les villages; et enfin les vieillards et les enfants qui avaient pu échapper à la fureur des Numides vinrent jeter l'alarme et l'épouvante dans tout le camp. Alors la plupart des Liguriens, sans prendre conseil ni

attendre l'ordre de personne, courent chacun de leur côté pour défendre leurs proches et leurs biens. En peu d'heures le camp se trouva abandonné; et le consul, délivré du péril, continua son chemin, et arriva où il avait dessein de se rendre.

cap. 21.

Id. ibid. cap. 40.

L'année suivante (560) le même Minucius remporta Liv. lib. 35, une victoire assez importante sur les Liguriens; et leurs terres furent bientôt après ravagées par le consul Quintius, pendant que d'un autre côté Domitius, son collègue, soumit une partie des Boïens.

L'acharnement des peuples de Ligurie contre les Romains tenait quelque chose de la fureur. Ils avaient mis sur pied (an 561) une armée, en faisant usage de ce qu'ils appelaient la loi sacrée, par laquelle les soldats s'engageaient avec les plus terribles serments à ne sortir du combat que vainqueurs. Ils vinrent tout d'un coup, pendant la nuit, fondre sur le camp du proconsul Minucius. Ce général tint ses soldats sous les armes jusqu'au jour, fort attentif à empêcher que l'ennemi ne forçât par quelque endroit ses retranchements, où il se tint renfermé. Dès que le jour parut, il sortit sur eux par deux portes en même temps; mais il ne repoussa pas les Liguriens par ce premier effort, comme il l'avait espéré. Ils disputèrent la victoire pendant plus de deux heures. Enfin, épuisés des fatigues du combat et d'une longue veille, ils ne purent résister plus longtemps à des troupes toutes fraîches, qui se succédaient continuellement les unes aux autres; et la crainte étouffant en eux le souvenir de leurs serments, ils tournèrent enfin le dos. Il y eut de leur part quatre mille hommes de tués, et les Romains n'en perdirent pas trois cents. Environ deux mois après, le consul P. Cornélius Sci

Acharnement furieux

des Liguriens.

Liv. lib. 36, cap. 38.

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