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Paraissait-il quelque trace d'humanité dans une cérémonie où des rois et des reines, chargés de chaînes comme des criminels, étaient donnés en spectacle au public? N'était-ce pas marquer avec affectation un mépris injurieux pour la majesté du trône, et faire insulte à tous les rois de la terre, que d'humilier de la sorte des princes dont tout le crime souvent était d'avoir été vaincus? Le malheur des rois n'a-t-il pas coutume, au contraire, d'exciter la compassion? et leur nom, toujours respectable et sacré, ne devait-il pas les mettre à l'abri d'un traitement si indigne? Je ne sais pas comment Rome pouvait justifier un acte d'inhumanité si contraire à tous les sentiments de bonté et de clémence qu'elle se piquait de montrer en toute autre occasion.

Hoc jam ferè sic fieri solere accipimus, ut regum afflictæ fortunæ multorum opes alliciant ad miseri

cordiam.... quòd regale iis nomen magnum et sanctum esse videatur.» (Cic. pro leg. Man. 24.)

LIVRE VINGT-QUATRIÈME.

E

Ce livre renferme l'espace de onze ans, 563—573. Il contient principalement la fin de la guerre des Étoliens, les victoires de Manlius sur les Gaulois d'Asie, l'accusation de Scipion l'Africain et sa retraite à Literne, le fanatisme des Bacchanales découvert et puni, les mécontentements de Philippe, roi de Macédoine, contre les Romains, la censure de Caton, et la mort funeste de Démétrius, fils de Philippe.

§ I. Manius Acilius triomphe des Étoliens. Défaite des Romains en Espagne sous Paul Émile. Jeunesse de Paul Émile. Famille du méme général. Les ambassadeurs étoliens sont chassés de Rome et de l'Italie sans avoir obtenu la paix. Mort du préteur Bébius, Paul Émile gagne une grande bataille sur les Lusitaniens en Espagne. Vive dispute au sujet de la censure. Amynandre est rétabli dans son royaume par les Étoliens. La nouvelle de l'arrivée prochaine du consul jette les Étoliens dans un grand trouble. Le consul Fulvius arrive dans la Grèce. Il forme le siége d'Ambracie, qui se défend vigoureusement. Les Étoliens demandent et obtiennent enfin la paix.

Ambracie se rend. Les ambassadeurs des Étoliens partent pour Rome. Le traité de paix y est enfin ratifié. Le consul Manlius entreprend la guerre contre les Gallo - Grecs. Origine de ce peuple. Manlius marche contre les Gallo-Grecs. Il arrive sur leurs terres, et exhorte ses soldats à bien faire leur devoir. Deux des trois corps des Gaulois se retirent sur le mont Olympe. Ils y sont attaqués par les Romains, et vaincus. Le consul s'approche d'Ancyre pour attaquer le troisième corps des Gaulois. Action extraordinaire d'une prisonnière gauloise. Seconde victoire remportée sur les Gaulois. Manlius retourne à Éphèse. Censure exercée avec beaucoup de douceur. Le consul Fulvius prend d'assaut Samé, et réduit toute l'ile de Céphallénie. Nouveaux consuls. Eclipse de soleil. Ambassade des peuples de l'Asie vers Manlius. Autres ambassades d'Antiochus, des Gaulois et d'Ariarathe. Conditions du traité conclu entre le peuple romain et Antiochus. Réflexions sur Antiochus. Mort funeste de ce prince. Décrets et ordonnances au sujet des rois et des villes de l'Asie. Manlius repasse en Europe, et conduit son armée dans la Grèce.

L. CORNELIUS SCIPIO.

C. LELIUS.

Pour ne point interrompre la suite de ce qui regarde la guerre contre Antiochus, j'ai omis quelques faits, auxquels je reviens maintenant.

Pendant que les choses dont j'ai parlé dans le livre

Tome XVIII. Hist. Rom.

14

AN. R. 562.

Av. J.C. 190.

1

Manius

Acilius

triomphe

des Étoliens.

Liv. lib. 37,

cap. 46.

Défaite des
Romains

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précédent se passaient en Asie, les deux proconsuls, Q. Minucius et Manius Acilius, revinrent à Rome à peu près, dans le même temps; tous deux dans l'espé ́rance de triompher, le premier des Liguriens, et l'autre des Étoliens, qu'ils avaient vaincus. Minucius fut refusé. Acilius, comme je l'ai déja rapporté, triompha d'Antiochus et des Étoliens avec beaucoup de pompe et de magnificence.

La joie que causa ce spectacle fut bientôt troublée en Espagne par la fâcheuse nouvelle que l'on reçut d'Espagne. Le Paul Émile. proconsul L. Æmilius, ayant été défait par les LusitaLiv. ibid. niens, avait laissé six mille hommes sur la place, et ramené les autres tout tremblants dans leur camp, qu'ils avaient eu beaucoup de peine à défendre, et où même ils n'osèrent rester, mais se retirèrent, marchant à grandes journées, en pays ami. C'est ce même Paul Émile qui se rendit depuis très-célèbre, et qui vainquit Persée, roi de Macédoine. Une défaite ne doit pas décrier un capitaine, à qui elle peut devenir fort utile, en l'engageant à faire de généreux efforts pour la réparer; et c'est en effet ce que fit Paul Émile l'année suivante. Comme il jouera un grand rôle dans la république, j'insérerai ici quelques traits de sa vie, que Plutarque nous a conservés..

Jeunesse de
Paul Émile.
Plut.

in AEm.
Paulo.

L. Æmilius Paulus, son père, qui commandait et fut tué à la bataille de Cannes, eut une fille nommée Émilie, qui fut mariée au grand Scipion, et un fils appelé comme lui Paul Émile, c'est celui dont il s'agit ici. Il commença à entrer dans le monde dans un temps où florissaient un très-grand nombre de personnages illustres par leurs vertus et par leurs exploits; et il s'y distingua d'une manière particulière, quoique par une

voie différente de celle que prenaient alors les jeunes gens pour s'illustrer. Il ne s'exerça point à l'éloquence du barreau; et il renonça aussi aux brigues, aux sollicitations, aux caresses, et à d'autres pareilles voies dont la plupart se servaient pour gagner la faveur du peuple, en s'insinuant dans ses bonnes graces par un empressement marqué à lui plaire. Il ne songea à s'en faire connaître et estimer que par la valeur, par la justice, et par un ferme attachement à ses devoirs; en quoi il surpassa tous les jeunes gens de son âge.

La première charge considérable qu'il demanda fut l'édilité; et il fut préféré à douze concurrents, tous d'une si grande naissance et d'un si grand mérite, qu'il n'y en eut pas un qui, dans la suite, ne parvînt au

consulat.

Ayant été associé au collège des augures, qui étaient un certain nombre de prêtres auxquels les Romains commettaient le soin et l'intendance des divinations qui se tiraient des oiseaux et de tous les signes et prodiges célestes, il donna une application extraordinaire à l'étude des rits anciens et des cérémonies de la religion. Comme il avait grand soin de n'y rien innover, il était aussi très-attentif à en faire garder exactement les plus légères observances, persuadé que, dans le gouvernement des affaires publiques, dont le ministère des augures faisait une partie considérable, quand on se relâche sur les petites choses, cette négligence entraîne peu à peu le violement des règles les plus importantes, et ouvre la porte à une pernicieuse licence.

Il ne fut ni moins exact, ni moins sévère, à rétablir et à faire observer tous les anciens réglements de la discipline militaire. Jamais, pendant qu'il commanda

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J

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