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ajouté les états de Syphax, par qui ce prince avait « été dépouillé des siens; en sorte qu'il était non-seu«<lement le plus riche et le plus puissant des rois de l'Afrique, mais qu'il n'y en avait point dans le reste «< de l'univers à qui on ne pût le comparer, pour la grandeur, les forces et la majesté : que Philippe et « Nabis, après avoir été vaincus dans la guerre par Quintius, avaient été laissés sur le trône : que l'année précédente on avait remis à Philippe le tribut qu'il << s'était engagé de payer, et qu'on lui avait renvoyé « son fils, qui était retenu à Rome en ôtage; et que ce << prince lui-même avait conquis plusieurs villes hors de <«< la Macédoine sans que les généraux romains s'y fus«< sent opposés que Nabis serait encore sur le trône, « si sa propre fureur et la perfidie des Étoliens ne le « lui avaient fait perdre avec la vie. »

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L'arrivée de Livius, qui avait auparavant commandé la flotte, et que le peuple romain avait envoyé vers Prusias en qualité d'ambassadeur, acheva de fixer son esprit. Il lui fit sentir de quel côté on devait raisonnablement présumer que tournerait la victoire, et combien il était plus sûr pour lui de se fier à l'amitié des Romains qu'à celle d'Antiochus.

Combat naval entre

le préteur Polyxénidas

AEmilius et

Antiochus, frustré de l'espérance qu'il avait eue d'attirer Prusias dans son parti, ne songea plus qu'à s'opposer au passage des Romains dans l'Asie, pour empêcher qu'elle ne devînt le théâtre de la guerre. Il crut que le meilleur moyen d'y réussir était de recouvrer où les Syl'empire de la mer, qu'il avait presque perdu par la perte des deux batailles dont j'ai parlé : qu'alors il se- cap. 29, 30.

rait en état d'employer ses flottes où il lui plairait, et

près de Myonnèse,

riens sont battus. Liv. lib. 37,

qu'il serait impossible aux ennemis de traverser le dé

troit de l'Hellespont, et de transporter leur armée en Asie, quand ses flottes n'auraient autre chose à faire qu'à l'empêcher. Il résolut donc de hasarder encore une bataille; et pour cela il se rendit de Sardes à Éphèse, où était la flotte. Il en fit la revue, la mit dans le meilleur état qu'il fut possible, l'équipa abondamment de tout ce qui était nécessaire pour une nouvelle action, et l'envoya encore une fois, sous le commandement de Polyxénidas, chercher les ennemis et les combattre. Ce qui le détermina principalement à ce parti, c'est qu'il avait appris qu'une grande partie de la flotte des Rhodiens était demeurée près de Patare pour l'assiéger, et que le roi Eumène était allé au-devant du consul dans l'Hellespont avec tous ses vaisseaux.

Polyxénidas trouva Æmilius et la flotte romaine près, de Myonnèse, ville maritime d'Ionie. Les Romains avaient quatre-vingts galères, en comptant les vingtdeux des Rhodiens. La flotte d'Antiochus était composée de quatre-vingt-neuf bâtiments, dont il y en avait trois à six rangs et deux à sept. Les Romains l'emportaient sur les Syriens par la force de leurs vaisseaux et par la valeur de leurs soldats; les Rhodiens, par la vitesse de leurs galères, l'expérience de leurs pilotes et la dextérité de leurs rameurs. Mais ce qui causa le plus de frayeur aux ennemis, ce furent les feux que leur présentaient les vaisseaux des Rhodiens: invention dès auparavant pratiquée avec succès par ceux-ci, et qui leur procura encore en cette occasion la victoire; car les galères du roi n'osant présenter leurs proues à celles des ennemis, qui étaient armées de feux, se détournaient pour les éviter, et par là recevaient dans le flanc les coups d'éperon qu'elles n'étaient pas en état de

rendre; et, si quelqu'une s'offrait par le côté de la proue, elle était remplie de ces flammes, qu'elle redoutait beaucoup plus que les armes des ennemis. Mais la valeur des soldats contribua plus que tout le reste à la victoire des Romains; car le préteur, ayant enfoncé le corps de bataille des Syriens, alla fondre par-derrière, en faisant un circuit, sur ceux qui étaient attachés aux Rhodiens; et en un moment les galères d'Antiochus, investies au centre et à l'aile gauche, furent prises ou coulées à fond. Ceux qui étaient à l'aile droite se soutenaient encore, plus effrayés du malheur de leurs compagnons que d'aucune perte qu'ils eussent faite euxmêmes. Mais quand ils virent que la plus grande partie de la flotte était enveloppée, et que la galère amirale de Polyxénidas prenait le large en laissant les autres dans le péril, ils levèrent aussitôt leurs petites voiles et s'enfuirent à Éphèse, où le vent les portait. Polyxénidas perdit dans cette journée quarante-deux bâtiments, dont les Romains en prirent treize, et brûlèrent ou submergèrent les autres. Du côté des Romains il en eut deux de brisés, et quelques autres un peu maltraités. Une seule galère rhodienne fut prise. Telle fut l'issue du combat qui se donna à Myonnèse.

y

§ III. Antiochus, troublé par la perte du combat naval, abandonne aux Romains le passage de l'Hellespont. Réflexion sur l'imprudence et l'aveuglement d'Antiochus. Il ramasse le plus de troupes qu'il peut. Æmilius envoie des galères pour le passage du consul. Il assiége Phocée, qui se rend. Le consul passe l'Hellespont et entre en Asie. Antiochus envoie proposer la paix aux

Antiochus,

Romains. L'ambassadeur d'Antiochus tâche de gagner Scipion l'Africain par des offres considé rables. Belle réponse de Scipion. Antiochus se prépare à la guerre. Il renvoie à Scipion son fils. Le consul va chercher le roi pour le combattre. Les armées se rangent en bataille de part et d'autre. Chariots armés de faux. Le combat se donne près de Magnésie. L'armée du roi est vaincue et taillée en pièces. Les villes de l'AsieMineure se rendent aux Romains. Antiochus demande la paix. Discours de ses ambassadeurs. Réponse de Scipion l'Africain. Conditions de paix imposées au roi. Eumène part pour Rome avec les ambassadeurs. Cotta rend compte au sénat et au peuple romain de la victoire remportée sur Antiochus. Audience donnée à Eumène, puis aux Rhodiens. Audience donnée aux ambassadeurs d'Antiochus. Le traité de paix est ratifié. Dix commissaires nommés pour régler les affaires d'Asie. Conditions principales du traité. Triomphe naval de Régillus. L. Scipion, de retour à Rome, prend le surnom d'Asiatique, et reçoit l'honneur du triomphe. La conquête d'Asie introduit le luxe dans Rome. Réflexions sur la conduite des Romains à l'égard des républiques grecques et des rois tant de l'Europe que de l'Asie, et en même temps sur les rapports que tous ces événements ont à l'établissement de l'Église chrétienne.

La perte du combat naval près de Myonnèse frappa LA troublé par tellement Antiochus, qu'il en parut totalement déconla perte du

certé. Comme si le bon sens l'eût abandonné tout à
il fit sur le champ des démarches visiblement
coup,
contraires à ses intérêts. Dans la consternation où il

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combat ua

val, aban

donne aux

Romains le passage de l'Hellespont.

cap. 31. Appian.

pag. 104.

était, il envoya des ordres pour faire retirer ses troupes Liv. lib. 37. de Lysimachie et des autres villes de la Chersonèse, de peur qu'elles ne tombassent entre les mains des enne- in Bello Syr. mis, qui marchaient de ce côté-là pour passer en Asie: au lieu qu'il aurait fallu envoyer en ces lieux des forces, s'il n'y en eût point eu auparavant, parce que c'était le seul moyen d'empêcher ce passage, ou du moins de le retarder; car Lysimachie, qui était une place très-bien fortifiée, aurait pu soutenir un long siége et le faire durer peut-être jusque bien avant dans l'hiver, ce qui aurait extrêmement incommodé les ennemis par la disette de vivres et de fourrages; et cependant il aurait pu songer à s'accommoder avec les Romains, sans parler de tous les avantages imprévus que le bénéfice du temps peut procurer.

Non-seulement il commit une grande faute en retirant de là ses troupes dans le temps qu'elles y étaient le plus nécessaires, mais il le fit avec tant de précipitation, qu'on y laissa toutes les munitions de guerre et de bouche, dont il avait fait des magasins considérables. Aussi, quand les Romains s'en rendirent maîtres, ils y trouvèrent les provisions dont ils avaient besoin pour leur armée avec autant d'abondance que si elles eussent été préparées exprès pour eux; et le passage de l'Hellespont fut si libre et si facile, qu'ils transportèrent leur armée sans la moindre opposition.

On voit ici sensiblement ce qui est marqué si souvent dans les Écritures, que, quand Dieu veut perdre et punir un royaume, il ôte au roi, ou aux commandants,

Tome XVIII. Hist. Rom.

I I

Réflexion

sur l'imprudence et l'aveugle

ment

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