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en 1774. Les Rémois relèveront cependant une foule de petits détails intéressant leur ville; mais, en général, tout cela n'a pas grande portée. Même, lorsqu'il avait à raconter des cérémonies telles qu'un sacre royal, le chroniqueur se trouvait rapidement à bout de souffle. Son journal est très correctement publié par M. Jadart, qui l'a fait ́précéder d'une étude biographique et littéraire, ainsi que d'un inventaire analytique des papiers de D. Chastelain conservés à la Bibliothèque de Reims. Ses travaux les plus importants ont été relatifs à l'abbaye de Saint-Remy. A la suite de son Journal, notre Bénédictin avait écrit des Remarques sur la température, les années d'abondance d'abondance et de disette, les différents prix du vin et du blé et sur les émeutes populaires à Reims, le tout depuis 1328; ces observations ne valent guère que pour le xvin siècle.

Afin de corser son volume, M. Jadart a publié, après l'œuvre de D. Chastelain, des notes historiques extraites des registres paroissiaux de la ville et des environs de Reims de 1709 à 1779; ces notes sont relativement courtes et leurs auteurs se sont intéressés plus spécialement, en bons champenois qu'ils étaient, aux récoltes du froment et du vin. Il a donné ensuite le journal d'un bourgeois de Reims, très attentif lui aussi aux récoltes; bien que commençant sa rédaction à l'année 1709, il ne semble avoir eu de souvenirs précis et dévelop pés qu'à partir de l'année 1747. Il tint la plume jusqu'en 1802; mais lui aussi fut d'une concision trop grande sur bien des points on lui aurait permis de moins s'appesantir sur les cérémonies religieuses, s'il avait été plus prolixe sur les événements de la Révolution, au milieu desquels il passa en demi-aveugle ou plutôt en citoyen prudent et discret. Ce qui lui tenait le plus à cœur, c'étaient les bonnes récoltes.

Viennent ensuite des notes de J.-B. Blavier sur les années 1740, 1744 et 1749, une notice relative au Journal des Hédouin père et fils sur la température à Reims et dans les environs de 1708 à 1815, des observations sur la végétation de la vigne rédigées par P.-A. DésodéGéruzez pour les années 1800 à 1848.

Qu'on ne s'étonne pas de voir donner dans ce recueil une telle place aux préoccupations vinicoles: « A Monsieur Louis Pommery, l'Académie de Reims reconnaissante », telle est la dédicace volume.

du

L.-H. LABANDE.

René STOURM. Les Finances du Consulat, Paris, Guillaumin, 1902, in-8, II et 363 P.

M. Stourm continue avec le présent volume la série de ses remarquables travaux sur les Finances de la France depuis l'Ancien Régime. Ce n'est pas une histoire générale des finances qu'il écrit. Une telle

histoire comprendrait l'étude particulière des différents impôts et de leur répercussion sur le développement de l'agriculture, du commerce et de l'industrie, sur la constitution des fortunes etc., toutes questions que l'auteur a systématiquement laissées en dehors de son plan. Il s'est borné à nous donner une histoire des finances vue du cabinet du ministre. Il nous apprend par quels procédés les divers gouvernements se procuraient de l'argent, ce qu'il entrait dans leurs caisses, ce qu'il en sortait, il se préoccupe assez peu des contribuables. La matière imposable l'intéresse moins que le mécanisme fiscal.

Sa compétence professionnelle lui permet de se mouvoir à l'aise dans un sujet particulièrement difficile et il apporte à l'exposer des qualités de clarté et de méthode très précieuses, de sorte que les profanes seront agréablement surpris en lisant un livre de cette nature de ne le point trouver aride ni rebutant.

L'ouvrage est bien composé. Après une sorte d'introduction (ch. 1-1) consacrée aux aptitudes financières de Bonaparte et aux portraits de ses principaux collaborateurs, de Gaudin, excellent bureaucrate, de Mollien, homme de tact et de principes, de Barbé-Marbois, naïf et maladroit, M. S. passe successivement en revue: 1o les mesures que Bonaparte prit d'urgence pour faire face aux besoins les plus pressants du Trésor (ch. IV-XII); 2o la liquidation du passif légué par le Directoire (ch. XIII-XVII); 3° les nouvelles institutions financières (ch. XVI-XXII) 4° enfin les budgets du Consulat.

De l'ensemble des faits ressort nettement cette conclusion, indiquée plus que formulée par l'auteur, que la grande habileté de Bonaparte consista à restaurer dans les finances comme dans tout le reste les procédés et les habitudes de l'ancien Régime. Bonaparte en convenait lui-même : « Je cherche le positif... Les vieilles pratiques valent mieux souvent que les nouvelles théories. » (p. 237).

Pour se procurer les ressources indispensables, il recourt aux affaires extraordinaires et fait flèche de tout bois. Il met en vente les domaines nationaux encore disponibles, les marais salants, les maisons que l'État possèdait en plein Paris près de la Concorde et des Champs-Élysées. Pour suppléer à l'emprunt forcé de 100 millions, dont il a promis aux riches la suppression, en faisant le coup d'État, il ajoute sous le nom de contribution de guerre 25 centimes additionnels aux contributions directes déjà fort chargées. Il essaie d'emprunter aux banquiers, les réunit dans son cabinet, les harangue, mais, comme les banquiers se montrent rebelles, il doit recourir à un emprunt-loterie de 12 millions. Il rétablit le cautionnement que la Révolution avait aboli et il l'étend à des catégories de fonctionnaires qui y échappaient sous l'ancien Régime, aux notaires, aux agents des postes, aux avoués, greffiers, receveurs particuliers. La mesure parut à certains orateurs du Tribunat un retour à la vénalité des charges. M. S. la qualifie « d'emprunt déguisé de mauvais aloi» (p. 102). Il

suffisait à Bonaparte qu'elle produisît 18 millions. Dans le même esprit il fit voter la loi du 7 ventôse an VIII qui obligea tous les conscrits exemptés du service pour une raison quelconque, maladie, infirmité, inaptitude, à fournir un remplaçant ou à payer une somme de 300 fr. M. S. estime que ces procédés n'étaient ni équitables, ni originaux, mais il n'est pas loin de les excuser par les nécessités du milieu et des circonstances.

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Liquider le passé était peut-être plus difficile encore qu'assurer le présent. Le marché était encombré d'une masse de papiers de toute nature émis par le Directoire : bons de réquisition délivrés en paiement des réquisitions militaires, délégations qui donnaient à certains fournisseurs privilégiés le droit de recouvrer eux-mêmes leurs créances en postant auprès des caisses publiques des agents en permanence pour y puiser au fur et à mesure le peu de numéraire qui y tombait, bons du tiers provisoire remis en représentation de créances exigibles non encore inscrites au Grand Livre, ni productives d'intérêt, bons des deux tiers représentant la partie de la dette publique exclue du Grand Livre au début de l'an VI, - bons du syndicat garantis par la signature d'un groupe de banquiers et gagés sur des revenus déterminés, bons d'arérages donnés en remplacement de leurs coupons de rentes aux porteurs du tiers consolidé, — mandats impayés, etc. Tous ces papiers dépréciés, reçus en paiement des impôts, refluaient vers le Trésor et l'appauvrissaient d'autant. Bonaparte fit rapidement place nette. Les bons de réquisition furent inventoriés et acquittés, les délégations furent suspendues, les bons du syndicat remboursés, la dette publique liquidée par la loi du 30 ventôse an IX, qui inscrivit le tiers provisoire au Grand Livre sans jouissance d'intérêt et convertit les deux tiers mobilisés en rentes à taux réduit ou les admit en paiement des domaines nationaux. En moins de deux ans, il ne restait plus rien de l'énorme stock des papiers du Directoire.

Tout en liquidant l'héritage du Directoire, Bonaparte s'efforçait de réformer les rouages financiers existants ou d'en créer de nouveaux. Ici encore il se borna la plupart du temps à s'inspirer des pratiques de l'Ancien Régime.

La confection des rôles des contributions directes avait été confiée par la Révolution aux municipalités qui s'en acquittaient fort mal. La loi du 3 frimaire an VIII ressuscita l'ancienne direction des vingtièmes en rendant à des agents du pouvoir central l'assiette de l'impôt et la confection des rôles. La perception s'était faite jusque là par le moyen de collecteurs privés qui soumissionnaient au rabais le produit de l'impôt direct. La loi du 5 ventôse an XII créa les percepteurs, fonctionnaires à la nomination du gouvernement. Les receveurs généraux furent astreints aux mêmes cautionnements et aux mêmes soumissions qu'avant 89. Les impôts indirects, supprimés par la Cons

tituante comme foncièrement injustes, sont peu à peu rétablis, avec tous les ménagements commandés par la crainte de mécontenter l'opinion. La loi du 5 ventôse an XII, qui crée un droit sur les boissons et institue la Régie les droits réunis, est un retour indirect aux aides. C'est un ancien directeur des Fermes, Français (de Nantes), qui est mis à la tête de la Régie. Entre temps, les octrois des villes sont reconstitués et les barrières, si odieuses avant 89, se relèvent partout. Sur la banque des Comptes courants qui existait depuis. l'an IV, Bonaparte greffe la Banque de France sur laquelle il met de grandes espérances. A l'aide des fonds de la Caisse d'amortissement, destinée en apparence à centraliser les cautionnements des receveurs généraux et à amortir la dette, il joue à la Bourse et s'efforce, sans grand succès, de soutenir les cours de la rente. M. S. loue la création de la Banque de France, mais se montre très sévère pour la Caisse d'amortissement «< institution bâtarde d'une conception autoritaire et enfantine du crédit public » (p. 265).

Le livre se termine par l'étude des budgets du Consulat, budgets incorrects qui ne distinguent pas l'ordinaire de l'extraordinaire, budgets sommaires qui résument sous quelques rubriques des centaines de millions de recettes ou de dépenses, budgets simulacres qui sont toujours présentés au Tribunat plusieurs mois en retard et sous une forme telle qu'il est impossible d'y voir clair et de les discuter. Dès l'an IX les rentes et les pensions recommencent à être payées en numéraire. Ce fut une nouveauté prodigieuse. En l'an X, les recettes. équilibrent à peu près les dépenses. C'est la plus belle,période financière du Consulat et de l'Empire. Mais avec la guerre qui recommence, le déficit réapparaît de plus en plus considérable et avec le déficit les opérations extraordinaires.

Ayant à juger cette œuvre financière, M. S. ne le fait pas sans quelque embarras. D'une part il est bien obligé de constater qu'elle manqua de nouveauté, de méthode, de correction, mais d'autre part il constate aussi qu'en somme elle a réussi et, cherchant les raisons de son succès, il en trouve trois principales: 1o c'est que la politique générale de Bonaparte inspirait confiance au pays; 2o c'est qu'il mit dans l'exécution de son programme financier plus d'autorité et de précision que ses prédécesseurs; 3° enfin c'est que la direction qu'il imprima à ses collaborateurs fut souvent heureuse parce qu'elle n'était pas encore absolument despotique.

Il serait peut-être permis de chicaner M. S. sur ces conclusions. Pendant très longtemps la confiance que Bonaparte inspira au pays. fut très relative. La baisse de la rente en est une preuve. Quant au génie financier de Bonaparte (M. S. prononce le mot), le livre même qui vient d'être analysé le réduit à ses justes proportions. On peut estimer aussi que M. S. n'apprécie pas la politique financière du Directoire avec la même bienveillance que celle du Consulat. Il tient

largement compte des circonstances pour exécuter certaines «< incorrections » des mesures prises par le Premier Consul, mais il n'invoque pas les mêmes «< circonstances » atténuantes au profit du Directoire. Le chapitre qu'il consacre au Directoire (ch. xxIII) est d'ailleurs tout à fait insuffisant.

La documentation de M. Stourm paraît étendue. Il ne s'en est pas tenu aux documents imprimés, il a exploré les registres et les cartons des Archives Nationales. On s'étonnera cependant de quelques omissions. Racontant par exemple la jeunesse de Bonaparte et la formation de son esprit, il ne cite pas une seule fois l'ouvrage capital de M. A. Chuquet la Jeunesse de Napoléon, dont il semble ignorer l'existence. On regrettera aussi que ses citations soient parfois très imprécises, qu'il renvoie (p. 285, n. 1) à « un écrivain du temps », sans indiquer autrement de quel écrivain il invoque le témoignage. Mais ce sont là des critiques de détail qui n'affaiblissent pas sérieusement la valeur du livre qui est très réelle.

Albert MATHIEZ.

Le premier numéro de la Revue d'histoire ecclésiastique (année 1903) publiée par l'université de Louvain (Louvain, 40, 188 et 106 pp. in-8; trimestriel, 15 fr. par an pour l'étranger), contient les articles suivants : F. X. FUNK, L'agape, réfutation de la thèse négative soutenue par M. Batiffol; François BETHUNE, Les écoles historiques de Saint-Denis et de Saint-Germain-des-Prés dans leurs rapports avec la composition des Grandes chroniques de France; A. CAUCHIE, Le Gallicanisme en Sorbonne, d'après la correspondance de Bargellini, nonce de France (1668-1671). Mais l'information occupe la plus grande place sous trois formes : comptes-rendus (pp. 55-138), chronique (pp. 139-188), bibliographie méthodique. (106 pp.). La bibliographie paraît très complète (1753 n°) et bien propre à informer immédiatement des publications du trimestre. La Revue est dirigée par M. Cauchie, l'actif professeur d'histoire ecclésiastique à l'université de Louvain. Malheureusement j'ai rarement vu livre aussi mal imprimé. Paul LEJAY.

Nous avons reçu deux tirages à part de l'Archiv für lateinische Lexikographie und Grammatik, t. XII, 1902, no 4 (Leipzig, Teubner). 1o P. MAAS, Studien zum poetischen Plural (pp. 479-550). M. Maas croit que le pluriel poétique des Latins est purement formel et n'implique aucun sens particulier par opposition au singulier. Cette thèse n'est peut-être pas aussi neuve qu'il pense, non plus que l'idée de prendre le latin poétique comme une langue en soi, dont l'histoire est à écrire. La pratique de l'enseignement, en France en tout cas, repose sur ces idées. Cependant, M. M. est trop exclusif, au moins en apparence, dans son explication du pluriel poétique. Je dis en apparence; car il admet que le pluriel poétique peut avoir une valeur expressive, un coloris particulier; qu'il se rattache au pluriel régulier qui sert à désigner des sujets multiples; qu'il est souvent choisi pour une raison de clarté. Je crois qu'il y aurait à analyser de très près ces pluriels et à les distinguer en séries sémantiques, syntaxiques et morphologiques; cf. mon introduction aux Métamorphoses d'Ovide (pp. 46 suiv.), et surtout la Syntaxe compa

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