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PRONONCÉ

PAR M. BELIN, PHARMACIEN,

Président titulaire.

MESSIEURS,

Une année s'est écoulée, depuis que vous m'avez appelé à la présidence de la Société d'Agriculture. En acceptant l'honneur que vous vouliez bien me faire, je sollicitai votre concours pour suppléer à mes faibles facultés, dans la direction de vos travaux. Ce concours (je suis heureux et fier de le dire), vous me l'avez accordé largement et avec la bienveillance la plus einpressée. Permettez-moi de vous en témoigner ici toute ma reconnaissance.

Cette année, comme celles qui l'ont précédée, n'a pas été inutile aux progrès de l'art agricole. Vous n'avez pas oublié que si l'Agriculture est le plus noble et le plus utile des arts, elle ne peut conserver ce rang qu'à la condition d'être progressive et de rendre à l'humanité tous les services que réclament les nouveaux besoins de la société. Aussi vous êtes-vous dit: Noblesse oblige; et soldats courageux, vous avez, avec autant d'intelligence que de vigueur, engagé le combat contre tout ce qui peut nuire au développement de cette belle profession.

Le premier objet qui vous a préoccupés, c'est cette tendauce générale qui, depuis plusieurs années, entraîne les habitants des campagnes vers les grandes villes. Vous avez recherché les causes de cette déplorable émigration; vous avez aussi étudié et appliqué les moyens de l'arrêter.

Vous avez reconnu d'abord que, si vos ouvriers recevaient, pendant la saison des travaux, un salaire suffisant pour l'entretien de leurs familles, il n'en était pas de même pendant l'hiver, où un trop long chômage a bientôt absorbé les économies amassées durant la belle saison.

Depuis que les chemins de fer ont établi des communications faciles entre tous les points du territoire, l'ouvrier des campagnes a pu comparer son sort à celui de l'ouvrier des villes. Dans les villes, le travail, plus régulier, paraît être une source plus abondante de bien-être et d'économies. Dans les villes les ressources contre la misère paraissent plus assurées. Dans les villes sont multipliés les établissements de bienfaisance et de charité destinés à secourir les familles indigentes. Dans les villes aussi toutes les passions trouvent des occasions plus fréquentes et plus sûres de se satisfaire impunément.

Il était difficile à l'ouvrier des campagnes de résister à des motifs si puissants. De là ce mouvement tout nouveau qui emporte les populations rurales vers les grands centres industriels.

Pour remédier à ce mal, vous n'avez pas hésité à briser vos habitudes séculaires. Cessant d'être exclusivement cultivateurs, vous avez engagé d'immenses capitaux dans les entreprises toujours chanceuses de l'industrie; et, sans craindre pour vous un travail plus pénible, plus incessant, vous avez ajouté à vos cultures des fabriques d'alcool, de sucre, d'huile et de fécule; vous avez fondé des établissements industriels analogues à ceux des grandes villes. En un mot, vous avez transporté la ville à la campagne.

C'est ainsi que, créant des travaux pour toute les saisons et pour les ouvriers de tout âge, vous avez posé une barrière à la dépopulation de nos champs, et atteint un but

moral en remplaçant l'aumône qui humilie, par le travail qui honore.

Mais là ne s'est pas arrêtée votre sollicitude pour vos ouvriers; vous avez cherché à rendre leurs labeurs moins pénibles, en secondant le travail des bras par les machines les plus variées : machines à battre, hache-paille, couperacines, pressoirs, tarrares, etc.; le temps n'est pas éloigné où les progrès de la science et de l'industrie mettront entre vos mains des charrues, des faneuses, des moissonneuses à vapeur, qui accompliront la partie la plus rude du travail agricole, pour réserver à l'homme la fonction plus douce et plus humaine d'employer et de diriger les machines.

Cependant l'homme lui-même, considéré dans son organisation, n'est aussi qu'un mécanisme, admirable sans doute, puisqu'il est l'œuvre du Créateur; mais un mécanisme d'une remarquable fragilité. Tant que ce mécanisme fonctionne régulièrement; tant que l'ouvrier est valide, il pourvoit au besoin de sa famille; est-il atteint par la maladie, est-il menacé de perdre avec son travail les ressources nécessaires à sa subsistance, alors il ne trouve plus à la campagne les secours qu'il trouverait à la ville. Sans doute, je connais votre inépuisable charité envers vos ouvriers malades; mais je sais aussi que les meilleurs sentiments, quand ils ne sont pas généralisés et organisés en institutions, ne produisent que des bienfaits rares et exceptionnels, et qu'ils laissent hors de leur sphère d'action une masse énorme de misères sans soulagement.

Vos bonnes intentions seraient donc restées incomplètes, sans la bienveillante intervention du premier Magistrat de notre Département. De la position élevée qu'il occupe, il a pu organiser et centraliser les secours que la Société doit aux malades des campagnes. Ce but, il l'a atteint

par la création des médecins cantonaux, chargés de donner des soins et des médicaments gratuits aux familles malheureuses des communes rurales, et par l'établisse ment d'une correspondance directe entre ces médecins et le Conseil d'hygiène et de salubrité de Seine-et-Oise. Désormais les malades sont surs de trouver à leur portée des secours tout prêts; et si quelque épidémie se déclarait sur un point du Département, les médecins cantonaux, sentinelles vigilantes, préviendraient le Conseil d'hygiène qui indiquerait à M. le Préfet les mesures nécessaires pour arrêter le mal à son début.

Ainsi, Messieurs, vous le voyez, tous ont fait leur devoir. Tous, administrateurs, cultivateurs et savants ont mis leurs efforts pour accroître le bien-être des classes laborieuses de nos campagnes: aussi pouvez-vous dire à l'ouvrier des champs : Reste aux lieux qui t'ont vu naître, c'est là que tu trouveras la santé, le travail et le bonheur.

L'émigration des ouvriers, l'interruption des travaux, l'irrégularité du salaire, l'incertitude des secours dans les maladies, c'était là des maux humains que nous pouvions vaincre par des efforts humains. Peut-être serons nous moins heureux si la nature se déclare contre nous.

Des maladies terribles sont venues assaillir des végétaux d'une haute importance: la pomme de terre et la vigne. Pour combattre ces fleaux, vous avez interrogé k science; elle vous a indiqué les moyens de détruire l'oïdium qui menaçait d'anéantir une des plus grandes cultures de notre pays. Ces moyens sont efficaces, j'en suis convaincu, pourvu qu'ils soient employés avec discernement et avec persévérance.

Quant à la maladie des pommes de terre, avouons-le, c'est un véritable Protée, qui n'a pas encore livré le secret

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