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moins nombreuses, comme la mortalité y est encore beaucoup moindre, la conséquence doit être l'accroissement de la population.

Ces résultats de la statistique trouvent leur explication dans les avantages que les habitants des campagnes ont sur ceux des villes. L'air pur qu'ils respirent, l'exercice et le mouvement auxquels ils se livrent sont pour eux des causes de force et de santé. Ils ne sont jamais exposés à respirer cet air confiné que rencontre si fréquemment l'habitant des villes. Ils sont aussi bien moins souvent atteints de ces cruelles maladies qui prennent leur source dans la corruption. Disposés, par les travaux du jour, à un sommeil réparateur, ils ne consument ni dans les veilles, ni dans les excès, les heures marquées pour le repos.

Mais à côté de ces avantages, il existe des inconvénients que l'on doit signaler à ceux qui s'intéressent au bien-être des populations agricoles.

Ces inconvénients sont ou généraux ou particuliers et individuels. Parmi les généraux, celui qui agit le plus énergiquement sur la santé du peuple des campagnes, est dù aux influences délétères des effluves marécageux. Ce sont ces effluves qui produisent le plus grand nombre de maladies sévissant sur les populations agricoles du Globe.

Déjà, Messieurs, beaucoup d'efforts ont été faits pour diminuer ce danger, soit par le Gouvernement, soit par les particuliers. De nombreux travaux hydrauliques, des endiguements, des systèmes d'irrigations bien entendus, ont été appliqués dans un grand nombre de localités et ont amené d'excellents résultats. Mais ce qui doit surtout produire les plus heureux avantages et faire disparaître de la plus grande surface du pays ces marais, ces prairies

marécageuses, causes si fréquentes de maladies pestilentielles, c'est le drainage.

Le drainage en effet, en enlevant aux terres à sol imperméable les eaux qui les imprégnaient et les rendaient rebelles à la culture, les débarrasse aussi de ces détritus, produits de la décomposition végétale, et qui à certaines époques de l'année, déterminent dans les populations voisines ces fièvres paludéennes si tenaces et souvent même si dangereuses. Ainsi, Messieurs, à tous les avantages reconnus aujourd'hui au drainage, et qui tournent au profit du possesseur des terres sur lesquelles on exécute ce travail, il faut ajouter celui non moins précieux d'être l'un des moyens les plus énergiques d'amélioration de la santé des populations rurales.

Mais outre les causes générales pouvant agir sur la santé des gens de la campagne, il en est de particulières qui tiennent aux habitudes, aux préjugés, à l'oubli des règles hygiéniques et aux travaux mêmes auxquels beaucoup d'entre eux sont souvent obligés de se livrer.

Je n'ai ni le temps, ni l'intention de décrire ici toutes ces causes et les moyens dont on pourrait se servir pour chercher à les combattre; un volume entier suffirait à peine à cette tâche.

Mais parmi elles, permettez-moi d'en signaler une surtout que je regarde comme des plus importantes; je veux parler des habitations. Bien des réformes se sont introduites sur ce point comme sur beaucoup d'autres dans les usages des habitants de la campagne. Cependant on rencontre encore un grand nombre d'habitations construites contre toutes les règles de la plus simple hygiène. Petites, au ras du sol et quelquefois même au-dessous, humides, sans air ni lumière, ces maisons, si ce nom peut leur être

appliqué, renferment souvent une famille entière qui vient s'y abriter la nuit, c'est-à-dire à l'heure où les causes délétères agissent avec le plus d'intensité. Souvent les animaux nécessaires au travail ou à la nourriture de la famille, l'âne, la vache, le cochon, sont là tout près, séparés à peine de la chambre par une légère cloison et en augmentent encore les causes d'infection. Mais ce sont surtout ces foyers dangereux, ces mares croupies, ces fumiers déjà en partie décomposés entourant presque toutes les habitations, qui les rendent encore plus malsaines, et il faut que l'air pur de la campagne soit bien actif et que la force de résistance acquise par l'homme dans les travaux des champs soit bien grande pour qu'il puisse ne pas succomber à ces causes incessantes de détérioration. Il n'y résiste pas toujours, et des maladies souvent fort graves viennent lui apprendre que, quelque soit la force de la constitution, il n'est pas permis d'oublier impunément les premières lois de l'hygiène.

C'est par les bons conseils, une instruction plus répandue, et surtout par les bons exemples, d'une action si puissante sur les classes simples et peu instruites de notre population rurale, que pourront agir tous ceux qui s'intéressent à son amélioration.

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Une institution qui doit avoir d'excellents résultats pour arriver à établir dans les campagnes de meilleures conditions hygiéniques, est celle des médecins ruraux des pauvres. Appelés dans les villages à donner gratis leurs soins aux pauvres habitants, ils peuvent acquérir peu à peu par leurs conseils l'autorité nécessaire pour les faire renoncer à des habitudes vicieuses et compromettantes à la santé de tous. Réunis pour ainsi dire en un corps dont la tête est l'Administration supérieure du Département,

ils peuvent aussi provoquer de cette Administration, par le canal des conseils d'hygiène, des mesures hygiéniques déjà appliquées dans nos villes et qui rendraient un si grand service dans nos campagnes. Honneur donc à M. le Préfet, qui a, l'un des premiers, concouru à l'établissement de cette institution et vient d'en doter notre Département.

En appelant un instant votre attention sur cet intéressant sujet, que j'ai à peine effleuré, j'ai voulu vous montrer combien il y avait encore à faire pour l'hygiène de la campagne. Et cependant, Messieurs, ne serait-ce pas un immense service rendu au pays tout entier, que l'introduction de mesures destinées à conserver les forces et la santé de nos populations agricoles; de ces populations dont le travail fournit à tous nos premiers besoins, et est la base du commerce, de l'industrie et de la richesse de l'Etat; de ces populations qui forment la majeure partie de ces armées dont notre pays est si fier, et surtout de cette armée de Crimée, plus belle encore par sa patience, son énergie, son industrieuse activité, toutes ses vertus guerrières, que par ses brillants combats, et qui fait aujourd'hui tout à la fois la gloire de la France, l'admiration de ses alliés et est la terreur de ses ennemis.

COMPTE RENDU DES TRAVAUX

DE LA

SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE

ET DES ARTS

DE SEINE-ET-OISE,

Depuis sa Séance publique du 50 Juillet 1854, jusqu'à celle du 22 Juillet 1855,

PAR M. FREMY, SECRÉTAIRE PERPÉTUEL..

MESSIEURS,

Après les allocutions que vous venez d'entendre, si remarquables par les hautes pensées qu'elles expriment et par l'amour du bien public qui les a inspirées, veuillez reporter un instant votre attention sur le compte que j'ai à vous rendre des différents objets qui ont principalement fixé votre attention pendant cette année agricole qui expire aujourd'hui.

Cette analyse publique de vos travaux a non seulement pour but de justifier l'intérêt qu'ils inspirent assez généralement, mais elle sert encore à établir leur corrélation avec ceux qui les ont précédés, et à vous guider pour la suite qu'il convient de leur donner; car dans l'exécution

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