CHAPITRE II. Ce qu'on entend par arrangement des L'ARRANGE Mots. ARRANGEMENT des mots, comme le terme le fait assez entendre, consiste dans une certaine disposition des mots les uns à l'égard des autres, dans une même phrase. Les mots sont ce qu'en grammaire on appelle Elémens ou parties d'oraison. Théodecte et Aristote, et les autres Philosophes du même temps, n'en comptoient que trois les noms, les verbes et les conjonctions. Ceux qui sont venus après, et principalement les Stoïciens, en ont compté quatre, en séparant les articles d'avec les conjonctions. Leurs successeurs en ont fait cinq, en séparant les noms appellatifs d'avec les noms propres (a). (a) C'est ainsi que nous traduisons le mot ονοματικον, que D. d'H. oppose à προσηγορικὸν, Quelques Grammairiens ont fait encore une classe à part des pronoms, ket alors il y a eu six parties d'oraison. Enfin on a séparé les verbes des adverbes, les prépositions des conjonctions, les participes des adjectifs. Il y a même encore d'autres sous-divisions sur lesquelles il y auroit assez de quoi s'étendre. Mais que ces parties d'oraison soient au nombre de trois, de quatre ou plus, si l'on veut, il nous suffit de savoir qu'en les joignant ensemble, on en fait des phrases qui sont des membres; qu'en joignant les membres, on en fait des périodes; et que les périodes jointes ensemble, forment ce qu'on appelle un discours. L'arrangement dont il est question sous lequel il comprend dans son chapitre 22 les noms substantifs, xopò, chœur, les patronimiques, Anvaros, Athénien, les adjectifs, κλυτὸς celebre ; de maniere que προσηpyxos est un nom générique qui comprend tous les noms, excepté les noms propres. n'est qu'en ce sens que cette division peut être juste. Varron, lib. 1, de Analogia, dit formellement que par le mot nomen on entend Les noms propres, comme Pâris, Hélene, etc. Ce dans dans ce traité, consiste donc à placer comme il convient, les mots à l'égard des mots, les membres à l'égard des membres, et à faire de tout le discours un tissu continu de périodes. Et quoique cette partie ne vienne naturellement qu'après celle qui a pour objet le choix des mots, il n'en est pas moins vrai que dans le discours, elle opere plus sûrement que le choix des mots, la grace et la force, et par conséquent la persuasion. Je conviens que la partie du choix des mots a été traitée au long par les Philosophes et, les Rhéteurs, et que celle de l'arrangement des mots ne l'a pas été de même, à beaucoup près; mais ce n'est pas un préjugé contre celle-ci. L'arrangement des mots a le même effet dans le discours, que dans les autres arts où on emploie des matériaux différens. Dans l'architecture, dans les manufactures, dans la broderie, et autres arts semblables, l'arrangement des parties ne vient qu'après le choix des matériaux; et toutefois c'est l'arrangement qui a le premier rang quant à l'effet, le choix des matériaux n'a que le seTome VI. cond. Il n'est donc pas étonnant que la même chose arrive dans l'élocution oratoire; et afin qu'il n'en reste aucun doute, je vais le prouver par des exemples. CHAPITRE III. Effet de l'arrangement des Mots. TOUTE OUTE diction par laquelle nous exprimons nos pensées, est liée par une certaine mesure ou ne l'est pas : or je dis que l'un et l'autre genre, c'est-à-dire, les vers et la prose, doivent toute leur beauté aux liaisons et à l'accord des expressions; et que si les expressions sont jetées sans ordre et comme au hasard, elles ôtent aux pensées même tout leur mérite. On a vu des Poëtes, des Historiens des Philosophes, des Orateurs qui savoient trouver les expressions les plus belles et les plus heureuses mais qui en ont perdu tout le prix, faute d'avoir su les arranger. D'autres au contraire, qui n'ont employé que les expressions les plus ordinaires et les plus communes, ont su, par le seul arrangement qu'ils leur ont donné, répandre des graces infi |