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l'appartement du comte de Soissons, grand maître de la Garderobe. C'est là que coucha le cardinal de Richelieu pendant la nuit du 14 au 12 novembre 1630, veille de la journée des Dupes. L'escalier de la journée des Dupes débouche dans cette salle. En 1747, la salle 33 fut ajoutée, ainsi que la salle 34, à l'appartement du Dauphin; et, sous Louis XVI, la partie de la salle 33, la plus rapprochée du vestibule de Louis XIII, fut transformée en salle de bains pour Marie-· Antoinette 1.

La salle 34 faisait partie, sous Louis XIII, de l'appartement du comte de Soissons. Les salles 35, 36 et 37 étaient affectées au service de la garde-robe du Roi et au logement des garçons de la chambre. Ces quatre salles renferment aujourd'hui une précieuse collection de vues des châteaux de Versailles, Trianon, Clagny, Marly, Saint-Hubert, Saint-Cloud, Meudon, Madrid, Fontainebleau, Saint-Germain et Vincennes, des bosquets et jardins de Versailles, de Trianon et de Marly, et de la machine de Marly. Ces tableaux, peints par Van der Meulen, J.-B. et P.-D. Martin, Cotelle, Etienne et Gabriel Allegrain, sont des documents historiques de premier ordre, que nous avons souvent consultés avec profit.

La salle n° 34 est actuellement consacrée au service religieux du culte protestant, qui y sera célébré jusqu'à l'achèvement du temple que l'on reconstruit en ce moment. Les salles 35 et 36 servent de dépendances à la salle 34. La célébration du culte réformé dans le château même du roi qui a révoqué l'édit de Nantes, est à coup sûr l'un des faits les plus extraordinaires de l'histoire du château. C'est le 2 novembre 1879 que le service religieux du culte réformé a été célébré pour la première fois dans cette salle par M. Vernes, président du Consistoire de Paris, et M. Passa, pasteur de Versailles.

Il ne reste plus à citer que l'escalier de la Reine et ses vestibules (no 38), dont on a parlé précédemment.

1 Mme CAMPAN, I, 105.

L'édit de révocation de l'édit de Nantes, préparé à Versailles, fut scellé à Fontainebleau, le 19 octobre 1685, par le chancelier Michel Letellier, enregistré et mis à exécution dans toute la France le 22 octobre (DANGEAU).

CHAPITRE V

LOUIS XV

I

LES APPARTEMENTS

On a vu, dans la description générale des appartements du château, combien le palais de Louis XIV fut modifié par Louis XV. Le goût avait changé; un nouveau style d'architecture et de décoration remplaçait le style de Mansart, de Lepautre, de Marot et de Bérain. Robert de Cotte avait donné le signal dès les premières années du XVIIIe siècle, et à sa suite avaient paru Boffrand, Oppenord, Leroux, Lassurance. Courtonne, Le Carpentier, Contant et Cartaud, qui créèrent une architecture nouvelle et un art décoratif complètement original et bien français. Ils multiplièrent partout les sculptures élégantes, variées, capricieuses, mais toujours de bon goût. Si l'on trouve, à l'hôtel Soubise, à l'hôtel Matignon1, de très-beaux spécimens de cette nouvelle architecture du xvi siècle, le château de Versailles en possède aussi de superbes échantillons dans les petits appartements de Louis XV et aux appartements de la Reine et du Dauphin.

L'art de la distribution des appartements et de les rendre commodes et agréables à habiter fit à cette époque de grands progrès.

1 Aujourd'hui l'hôtel Galiera.

Rien, dit l'architecte Patte1, ne nous a fait plus d'honneur que cette invention. Avant ce temps, on pouvait dire avec raison de l'architecture que ce n'étoit que le masque embelli d'un de nos plus importants besoins; on donnoit tout à l'extérieur et à la magnificence. A l'exemple des bâtimens anciens et de ceux de l'Italie que l'on prenoit pour modèles, les intérieurs étoient vastes et sans aucune commodité. C'étoient des salons à double étage, de spacieuses salles de compagnie, des salles de festin immenses, des galeries à perte de vue, des escaliers d'une grandeur extraordinaire ; toutes ces pièces étoient placées sans dégagement au bout les unes des autres: on étoit logé uniquement pour représenter, et l'on ignoroit l'art de se loger commodément et pour soi. Toutes ces distributions agréables que l'on admire aujourd'hui dans nos hôtels modernes, qui dégagent les appartemens avec tant d'art; ces escaliers dérobés, toutes ces commodités recherchées qui rendent le service des domestiques si aisé, et qui font de nos demeures des séjours délicieux et enchantés, n'ont été inventés que de nos jours ce fut au palais de Bourbon, en 1722, qu'on en fit le premier essai, qui a été imité depuis en tant de manières.

Ce changement dans nos intérieurs fit aussi substituer, à la gravité des ornemens dont on les surchargeoit, toutes sortes de décorations de menuiserie, légères, pleines de goût, variées de mille façons diverses..... On supprima les solives apparentes des planchers, et on les revêtit de ces plafonds qui donnent tant de grâce aux appartemens, et que l'on décore de frises et de toutes sortes d'ornemens agréables; au lieu de ces tableaux ou de ces énormes bas-reliefs que l'on plaçoit sur les cheminées, on les a décorées de glaces qui, par leur répétition avec celles qu'on leur oppose, forment des tableaux mouvants qui grandissent et animent les appartemens, et leur donnent un air de gaieté et de magnificence qu'ils n'avoient pas. On a obligation à M. de Cotte de cette nouveauté.

Le résultat de ces transformations ne tarda pas à se faire sentir à Versailles. Les grandes pièces d'apparat, toutes de marbre et de bronze doré, devenaient inhabitables et insupportables à ceux qui les comparaient aux salons des hôtels que l'on construisait à Paris. Aussi Louis XV habitat-il le moins qu'il pût le château de Louis XIV, en même temps qu'il s'efforçait de le rendre plus confortable. Les registres des Bâtiments du Roi nous montrent les efforts que l'on fit dans ce but. On remplaça dans les appartements

1

Monuments érigés en France à la gloire de Louis XV, 1765, in-folio. 2 Bâti par Lassurance père.

T. I.

20

habités les lambris de marbre par des panneaux de menuiserie sculptés; on mit de doubles croisées et des persiennes aux fenêtres; on posa des sonnettes.

Louis XV n'hésita pas à détruire une partie des appartements particuliers de Louis XIV, pour les remplacer par ce qu'on appelle les petits appartements de Louis XV. Partout, le grand et le solennel firent place au petit et au commode. Le Roi se fit faire une nouvelle chambre à coucher; il donna un développement considérable aux petits cabinets de la cour des Cerfs, pour y vivre plus à l'aise, au double point de vue du confortable des appartements et de la suppression ou de la diminution de l'étiquette. Après avoir détruit les appartements particuliers de Louis XIV, il détruisit la galerie de Mignard (1750), l'escalier des Ambassadeurs (1752), enfin, en 1771, l'aile du château que Gabriel rebâtit en 1772-73.

On était prêt, à ce moment, à démolir une grande partie du palais pour le rebâtir au goût du jour, pour donner à son architecture une tournure grecque et de style sévère, en y mettant colonnes et frontons, ainsi que le demandaient les Caylus et les autres réformateurs. M. D'Angivilliers, directeur général des Bâtiments, était de cette école, et, si l'état des finances eût permis à Louis XVI de continuer l'œuvre de destruction commencée sous Louis XV, le château de Louis XIV eût été à peu près détruit. Nous verrons le premier empire reprendre ce projet et ouvrir un concours pour désigner l'heureux architecte qui serait chargé de cette transformation. Le château de Mansart ne fut encore sauvé que par les désastres et les invasions qui amenèrent la chute de Napoléon Ier.

Salons de la Paix et de la Guerre.

Dans tous ces projets de reconstruction, les grands appartements de Louis XIV étaient toujours respectés. Louis XV n'y fit aucun changement; on les gardait pour les fêtes et certaines cérémonies. En 1729, on plaça sur la cheminée du salon de la Paix (114) le tableau de Lemoine représentant Louis XV donnant la paix à l'Europe. En 1738-4744, Coustou fut chargé de faire pour le salon de la Guerre (112) le bas

relief de Louis XIV passant le Rhin, qui est placé aujourd'hui au vestibule de la Chapelle. Ce bas-relief était destiné à remplacer le bas-relief en stuc de Coyzevox, représentant Louis XIV à cheval, que l'on voit sur la cheminée de ce salon 1.

Salon d'Hercule (105).

Le salon d'Hercule occupe, comme on le verra plus loin, la partie haute de la troisième chapelle du château. Il est placé au-dessus du vestibule qui conduit de la cour de la Chapelle aux jardins, et sert aujourd'hui d'entrée aux grands appartements.

Le style général de la décoration, qui est d'une grande beauté, est celui de Robert de Cotte. Le marbre, comme au temps de Louis XIV et de Mansart, est encore le principal élément de l'ornementation, mais c'est la dernière fois qu'il est employé à Versailles sur une aussi vaste échelle. Tous les ouvrages de sculpture décorative, en bronze et en marbre, chapiteaux, cadres des tableaux, etc., sont l'œuvre du sculpteur Vassé, qui les a exécutés de 1732 à 1734. Les bases des pilastres sont en bronze doré, mais les chapiteaux sont en plomb et en étain. Les sculptures en bois et en stuc sont de Verberckt, un des principaux sculpteurs d'ornements du règne de Louis XV, qui est l'auteur des deux portes placées à droite et à gauche de la cheminée, et des sculptures de la corniche. Les dorures ont été faites par Desauziers 4. La cheminée, qui est splendide avec les bronzes de Vassé, est en marbre d'Antin 3.

1

Registres des Bâtiments du Roi, 1738, 1741.

2 Nouvelles Archives de l'art français, 2o série, I, 149.

3 Registres des Bâtiments du Roi, 1736. Verberckt était né à Anvers en 1704; il mourut à Paris le 9 décembre 1771. Il fut agréé à l'Académie de peinture et de sculpture en 1733. Il a dû exécuter, ou faire exécuter sous sa direction, la plus grande partie des sculptures décoratives faites au château pendant le règne de Louis XV. Les registres des Bâtiments mentionnent les sommes considérables qu'il a touchées : 22,000 livres en 1735, 46,000 en 1736, 43,812 en 1747, etc. Il était très-lié avec Jules Dugoulon, autre sculpteur décorateur émérite (Voir le dictionnaire de Jal).

Registres des Bâtiments du Roi, 1736.

3 Registres des Bâtiments du Roi, 1734.

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