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Si le lendemain il doit y avoir quelque ordre extraordinaire pour la messe, S. M. le dit à l'aumônier pour le faire entendre aux chapelains, aux clercs de chapelle et au sommier de la chapelle et oratoire du Roi.

Le Roi se met de l'eau bénite au front, et se lève ensuite de ses prières. Alors le premier valet de chambre, après avoir pris le bougeoir que tenoit l'aumônier, reçoit des mains de S. M. la petite bourse où sont les reliques, et en même temps sa montre, continuant à marcher devant le Roi.

L'huissier de chambre fait encore faire place au Roi jusqu'à son fauteuil, et au moment que S. M. y arrive, le grand chambellan, ou le premier gentilhomme de la Chambre, demande au Roi à qui il veut donner le bougeoir; et S. M. ayant parcouru des yeux l'assemblée, nomme celui à qui il veut faire cet honneur. Le Roi le fait donner plus ordinairement aux princes et seigneurs étrangers quand il s'en rencontre.

Le Roi debout se déboutonne, dégage son cordon bleu; puis le maître de la Garde-robe lui tire la veste, et par conséquent le cordon bleu qui y est attaché, et le juste-au-corps qui est encore par dessus. Ensuite il reçoit aussi la cravate des mains du Roi, remettant toutes ces hardes entre les mains des officiers de la Garde-robe.

S. M. s'assied en son fauteuil, et le premier valet de chambre et le premier valet de garde-robe lui défont ses jarretières à boucles de diamants, l'un à droite, l'autre à gauche. Les valets de chambre ôtent du côté droit le soulier, le bas et le haut-de-chausses; pendant que les valets de garde-robe qui sont du côté gauche lui déchaussent pareillement le pied, la jambe et la cuisse gauche. Les deux pages de la Chambre qui sont de jour ou de service donnent les mules ou pantoufles à S. M. Un valet de garde-robe enveloppe le haut-de-chausses du Roi dans une toilette de tafelas rouge, et le va porter sur le fauteuil de la ruelle du lit avec l'épée de Sa Majesté.

Les deux valets de chambre qui ont été derrière le fauteuil tiennent la robe de chambre à la hauteur des épaules du Roi, qui dévêt sa chemise pour prendre sa chemise de nuit, qu'un valet de garde-robe chauffe s'il en est besoin.

C'est toujours le plus grand prince ou officier qui donne la chemise au Roi, comme nous avons dit ci-devant au lever de S. M. Le premier valet de chambre aide au Roi à passer la manche droite de cette chemise; comme de l'autre côté le premier valet de garderobe aide pareillement à passer la manche gauche, et chacun noue les rubans de la manche de son côté. Un valet de garde-robe prend sur les genoux du Roi la chemise que S. M. quitte.

Le Roi ayant pris sa chemise de nuit, le premier valet de chambre, qui a tiré les reliques de la petite bourse, les présente au grand chambellan ou au premier gentilhomme de la Chambre qui les

donne à S. M. Le Roi les met sur lui, passant le cordon qui les tient attachées en manière de baudrier. Et quand S. M. met une camisole de nuit, le grand maître de la Garde-robe prend cette camisole des mains d'un valet de garde-robe et la vêt au Roi, qui prend ensuite sa robe de chambre et se lève de dessus son fauteuil, qu'un valet de chambre range à l'endroit de la chambre où il a accoutumé d'être. Le Roi debout fait une révérence pour donner le bonsoir aux courtisans. Le premier valet de chambre reprend le bougeoir au seigneur qui le tenoit et le donne à tenir à celui de ses amis à qui il veut faire plaisir, qui demeure au petit coucher. Les huissiers de chambre crient tout haut: Allons, Messieurs, passez. Toute la Cour se retire, et ceux qui doivent prendre l'ordre ou le mot du guet de S. M. le prennent: savoir, le capitaine des Gardes du corps, le capitaine des Cent-Suisses, le colonel du régiment des Gardes françoises, le colonel général des Suisses ou le colonel du régiment des Gardes suisses, le grand écuyer, le premier écuyer, ou même un écuyer de quartier, et c'est là où finit ce qu'on appelle le grand coucher du Roi 1.

Petit coucher du Roi.

Il ne reste pour lors dans la chambre que les personnes suivantes :

Premièrement, tous ceux qui peuvent y être aussi le matin, quand Sa Majesté est encore dans son lit.

En second lieu, ceux de la première entrée.

Les officiers de la Chambre et de la Garbe-robe.

Le premier médecin et les chirurgiens.

Quelques particuliers à qui le Roi a accordé la grâce d'être à son petit coucher.

M. de Chamlay.

La Cour étant sortie, le Roi vient s'asseoir sur un siège pliant, qu'un valet de chambre a préparé proche la balustrade du lit de Sa Majesté avec un carreau dessus. Le Roi s'y étant assis, les barbiers le peignent et lui accommodent les cheveux; Sa Majesté se peigne aussi. Pendant tout ce temps-là un des valets de chambre tient le miroir devant le Roi, un autre éclaire avec un flambeau.

Le Roi étant peigné, un valet de garde-robe apporte sur la salve un bonnet de nuit et deux mouchoirs de nuit unis et sans dentelle, et présente cela au grand maître de la Garde-robe, qui les donne

1

Depuis la fête de Pâques de l'année 1705, dit Dangeau, le 20 décembre de cette année, il n'y a plus de grand coucher; il n'y a plus que le petit coucher; et Saint-Simon ajoute : La longue goutte l'avoit fait supprimer, et cette habitude, qui lui fut commode, ne lui permit pas de le rétablir. L'étiquette finissait par fatiguer Louis XIV lui-même.

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au Roi, ou en son absence au grand chambellan, ou au premier gentilhomme de la Chambre, ou bien au premier valet de garderobe, ou en leur absence il présenteroit tout cela lui-même à Sa Majesté.

Pour donner au Roi la serviette dont il s'essuie les mains et le visage, le grand chambellan ou le premier gentilhomme de la Chambre cèdent cet honneur à tous les princes du sang et légitimés..... En l'absence de tous ces princes, le grand chambellan ou le premier gentilhomme, le grand maître de la Garde-robe, ou le maître de la Garde-robe présente à Sa Majesté cette serviette qui est entre deux assiettes de vermeil, et qui est mouillée seulement par un bout. Le Roi s'en lave le visage et les mains, s'essuie du bout qui est sec, et la rend à celui qui la lui a présentée, lequel la remet ensuite entre les mains de l'officier de la Chambre.

Le Roi dit à quelle heure il se veut lever le lendemain, tant au grand chambellan, où au premier gentilhomme de la Chambre, qu'au grand maître de la Garde-robe, ordonnant encore au grand maître de la Garde-robe l'habit qu'il veut prendre le lendemain.

L'huissier fait sortir toutes les personnes qui étoient au petit coucher et sort lui-même, après que le premier gentilhomme de la Chambre lui a donné l'ordre pour le lever du Roi au lendemain. Un valet de chambre éclaire au grand chambellan ou au premier gentilhomme de la Chambre jusqu'à l'antichambre. Les valets de garde-robe et les garçons reportent les habits de Sa Majesté à la garde-robe; et pareillement un garçon de garde-robe éclaire au grand maître ou au maître de la Garde-robe.

Il ne reste donc plus dans la chambre que le premier valet de chambre, les garçons de la chambre et le premier médecin, pour quelques momens.

Après cela le Roi entre dans son cabinet, y étant encore quelque temps sans se coucher. Quelquefois il s'amuse un moment à flatter ses chiens et à leur donner à manger pour s'en faire mieux connoître et se les rendre plus obéissans quand il va tirer. Le sieur Antoine, porte-arquebuse, qui a soin de ces chiens, s'y trouve d'ordinaire.

Cependant les garçons de la chambre font au pied du lit du Roi le lit du premier valet de chambre, dit le lit de veille. Ils bassinent et préparent le lit de Sa Majesté. Ils préparent aussi la collation du Roi, et apportent au premier valet de chambre, sur une assiette, le verre bien rincé pour présenter à Sa Majesté, et une serviette; puis ils versent du vin et de l'eau tant qu'il plaît au Roi, et pendant que Sa Majesté boit, le premier valet de chambre tient l'assiette sous le verre; le Roi s'essuie la bouche avec la serviette que lui présente, en ce moment, le même premier valet de chambre. Les garçons de la chambre tiennent aussi le bassin à laver devant Sa Majesté qui se lave les mains.

Quelque temps après le Roi se couche, les garçons de la cham

bre allument le mortier dans un coin de la chambre, et encore une bougie; et ces deux lumières brûlent toute la nuit en cas qu'on en ait besoin. Ces garçons de la chambre sortent et vont coucher proche la chambre, ordinairement auprès des coffres de la chambre. Le premier valet de chambre ferme les rideaux du lit du Roi, puis il va fermer en dedans au verrouil les portes de la chambre de Sa Majesté; il éteint le bougeoir et se couche.

Si la nuit le Roi demande quelque chose, aussitôt le premier valet de chambre se lève, et, s'il est besoin de gens, il va appeler les garçons de la chambre.

Le dieu enfin va dormir.

X

APPARTEMENT DE MADAME DE MAINTENON
(141, 142, 143)

Pour être des plus modestes, l'appartement de Mme de Maintenon n'en fut pas moins la partie principale du château depuis 1684. C'est là que se trouvait le centre réel du gouvernement qui régissait la France et le Roi lui-même, gouvernement devenu étranger aux grandes traditions de Henri IV, de Richelieu et de Mazarin, et entièrement dirigé, surtout pour les affaires religieuses, par la nouvelle épouse de Louis XIV. « Mme de Maintenon, dit d'Aguesseau', étoit alors comme la déesse de la Fortune à laquelle on attribuoit, dans le paganisme, tous les effets dont on ne voyoit point de cause apparente. »>

a

L'appartement de Mme de Maintenon occupait les salles actuelles 144, 142 et 143, et une partie de l'espace où l'on a construit l'escalier de stuc. Il est difficile de retrouver dans la disposition actuelle de ces trois pièces celle de l'ancien appartement, Louis-Philippe, M. Vatout, son bibliothécaire', et

T. XII, p. 72, in-4°.

2 M. Vatout faisait faire ses livres par un M. de Saint-Esteben, qui ne se donnait pas la peine de faire aucune recherche sérieuse. Nous tenons ce

T. I.

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M. Nepveu, ayant bouleversé ces pièces historiques par excellence, en ne sachant pas quel appartement ils détruisaient. Louis-Philippe croyait que l'appartement de Mme de Maintenon était de l'autre côté de la cour; et cependant, avec la moindre recherche, avec le moindre travail, on eût trouvé la place de cet appartement marquée sur un plan gravé en 1714 et faisant partie du recueil de Demortain ', et bien indiquée dans Félibien, page 58. Il ne reste rien non plus de la décoration de cet appartement si plein de souvenirs; M. Nepveu a tout fait disparaître. Devant une destruction si inutile, on ne saurait trop s'élever contre le vandalisme de l'architecte, et contre l'ignorance du bibliothécaire, bien plus coupable

encore.

2

Il existe au cabinet des estampes un dessin représentant la cheminée de la chambre de Mme de Maintenon avec la glace et un tableau au-dessus. C'est, je crois, le seul document qui nous permette de reconstituer, par la pensée, une des pièces de l'appartement.

Nous donnons ici un plan de l'appartement de Mme de Maintenon d'après le plan de 1714, dont nous parlions plus haut. En le comparant avec le plan no 14, il devient facile de voir quels changements ont été opérés dans cette partie du palais.

La salle 144 formait, au temps de Mme de Maintenon, deux antichambres entre-solées. La première (141 a) ouvrait sur le vestibule de l'escalier de la Reine; c'est par là que le Roi et la duchesse de Bourgogne entraient chez Mme de Maintenon. Dans cette antichambre, et en face de la fenêtre, se trouvait un petit cabinet (aujourd'hui détruit), dans lequel était un escalier conduisant aux entre-sols destinés aux femmes de Mme de Maintenon et à Nanon, son ancienne servante, devenue Mile Balbien depuis la fortune de sa maîtresse'.

La salle 142 était la chambre de Mme de Maintenon. Comme

renseignement d'un savant ecclésiastique de Versailles, qui le tient luimême de Mlle de Saint-Esteben.

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Les plans, profils et élévations des ville et château de Versailles, dessinés et gravés en 1714 et 1715; Paris, chez Demortain, in-folio.

2 Architecture de De Cotte, H. 2, 18.

3 Voir sur ce personnage, SAINT-SIMON, XIII, 49.

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