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la chasse dans l'instant et revint ici à toute bride en pleurant 1. Après l'opération, le Roi continua, dans son lit, à vivre. comme auparavant : il se confessait au P. de la Chaise, entendait la messe, recevait les courtisans et les ambassadeurs, et travaillait avec ses ministres. « Il chantoit tout le jour et étoit d'une gaieté surprenante », et ne se plaignait que d'une chose, c'était « d'avoir grand faim et d'être las de ne vivre que de bouillons ». Le 17 décembre, il se levait et se promenait plus d'une heure dans sa galerie. Le 24, il allait à l'appartement. Le 25, jour de Noël, il entendait la messe à la chapelle; le 31, il touchait les malades. Complètement guéri, il donna à son premier chirurgien, Félix, pour sa vie durant, la terre des Moulineaux contenue dans le parc de Versailles, et qui était très-bien bâtie. Daquin, son premier médecin, reçut 80,000 livres, et Fagon, premier médecin de la feue Reine, qui était passé au service du Roi, eut 100,000 livres.

En 1696, au mois d'août, Louis XIV fut encore gravement malade dans cette chambre; il souffrait cruellement d'un anthrax, dont les soins de Fagon et de Félix parvinrent à triompher. Pendant les longues nuits d'insomnie, Racine lisait au Roi les Vies de Plutarque, dans la traduction d'Amyot. Louis XIV y prenait grand plaisir; la vie d'Alexandre surtout l'avait fort intéressé3.

Enfin, c'est dans cette chambre que Louis XIV passait quelquefois la journée à écrire. Dangeau ne dit pas et ne sait pas ce que le Roi écrivait; mais nous croyons que c'était à la rédaction de ses Mémoires, destinés au Dauphin, que Louis XIV consacrait ces journées de travail.

Je ne crois pas qu'il reste autre chose de la première chambre de Louis XIV, que deux dessins de Noël Coypel exposés, en 1880, au musée des arts décoratifs et représentant des projets de plafonds pour la chambre à coucher et l'alcôve du Roi. Louis XIV avait fait faire de grands travaux

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à sa chambre à coucher, en 4684 ; le balustre en bois doré fut refait à cette époque, et il est possible que Coypel ait peint alors le plafond de la chambre.

Antichambre du Roi ou chambre où le Roi mange (121).

C'est dans cette chambre que l'on dressait la table quand le Roi mangeait chez lui en public, et où l'on servait le diner et le souper en cérémonie 2.

Dans l'antichambre du Roi, dit l'Etat de la France de 1708, tous les lundis, ver sles onze heures et demie du matin, les garçons de la chambre dressent ou font dresser une table qu'ils couvrent d'un tapis de velours vert et mettent un fauteuil devant pour le Roi. M. de Chamillart, secrétaire d'Etat, se tient debout à la gauche de ce fauteuil, et après le conseil, environ à midi et demi, avant que le Roi descende à la chapelle pour y entendre la messe, s'il ne l'a déjà entendue, toutes les personnes qui ont des placets à présenter au Roi, les viennent poser avec respect sur cette table. Ces placets sont tous recueillis par un commis de M. de Chamillart, qui rapporte le rôle au Roi, qui le lit avec attention, marquant de sa main à la marge à quel ministre ou secrétaire d'Etat chaque placet doit être renvoyé.

Il ne reste de l'ancienne décoration de cette salle que la cheminée en marbre de Languedoc et en campan-vert, l'entablement avec ses sculptures dorées, les chambranles des portes et des fenêtres en bois sculpté, et doré autrefois. Tous les lambris ont été peints en imitation de marbre sous Louis-Philippe. Parmi les tableaux de Van der Meulen qui ornent cette salle, nous citerons la vue du château de Versailles sous-Louis XIII et au commencement du règne de Louis XIV.

Salle des Gardes du Roi (120).

L'ancienne décoration de la salle des Gardes ne se retrouve que çà et là. Les chambranles des fenêtres et des portes en

1 P. BOITEAU, Moniteur universel, 3 et 11 janvier 1855. Ces articles sont extraits de la correspondance de Louvois conservée au Dépôt de la Guerre. Voir, pour les détails, le chapitre du Grand-Commun.

bois sculpté ont été peints en couleur de marbre sous LouisPhilippe, ainsi que les lambris. La corniche a conservé ses sculptures dorées représentant des sujets de guerre, et la cheminée, avec sa plaque, existe encore. Comme la précédente, cette salle renferme des tableaux de batailles, et surtout une représentation fort curieuse du grand carrousel de 1662.

Il est presque superflu de dire que la salle des Gardes était la pièce d'entrée de l'appartement particulier de Louis XIV; mais c'est ici qu'il convient de parler de la garde de la personne du Roi et de sa Maison militaire.

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Le Roi était gardé par les 4 compagnies des Gardes du corps, les 25 gentilshommes gardes de la manche, les Cent-Suisses, les 50 gardes de la porte, la compagnie des gardes de la prévôté de l'hôtel, les cent gentilshommes au bec de corbin.

La Maison militaire, l'une des plus belles troupes de cavalerie qui ait jamais existé, comprenait, outre les Gardes du corps, appelés les Bleus, à cause de la couleur de leur uniforme, les 4 compagnies rouges, c'est-à-dire les gendarmes, les chevau-légers, les mousquetaires gris et les mousquetaires noirs 2; venaient enfin les grenadiers à cheval.

L'infanterie de la Maison militaire comprenait les deux régiments des Gardes françaises et des Gardes suisses'.

Le capitaine des Gardes du corps en quartier se tenait et marchait toujours immédiatement après le Roi et proche de sa personne, quelle que part qu'il fût hors de sa chambre, comme à table, où il était derrière le fauteuil, à cheval, en chaise, en carrosse, et partout ailleurs. Personne ne pouvait passer entre le Roi et lui. Le capitaine des Cent-Suisses

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Les chevau-légers avaient leur étendart dans la chambre du Roi.

Les uns et les autres tiraient leur nom de la couleur de la robe de leurs chevaux.

La bibliothèque de Versailles possède un exemplaire de l'ouvrage intitulé Nouveau recueil des troupes qui forment la Garde de la Maison du Roi, 1756, in-folio. Les dessins sont d'Eisen et ont été gravés par Lebas. L'exemplaire dont nous parlons se compose de gravures en noir et de gravures coloriées. On peut voir aussi au Musée, à la salle des gouaches, la Revue de Marly par Lepaon. Avec ces deux sources on a tous les uniformes de la Maison du Roi, et on y voit tous ces corps vêtus de rouge, de bleu et de blanc, couleurs des Bourbons.

ou un lieutenant des Gardes marchait presque toujours devant le Roi 1.

Louis XIV s'occupait avec beaucoup de soin de sa Maison militaire et était fort sévère dans l'exécution des règlements. Il en passait souvent la revue. Le 7 novembre 1691, à Marly, il passa la revue de ses Gardes du corps homme par homme, et se fit montrer, pour les récompenser, ceux qui s'étaient distingués au combat de Leuze, le plus brillant combat qu'ait jamais livré la Maison militaire. Il inspecta les nouvelles recrues; il passa ensuite en revue 8 compagnies du régiment des Gardes françaises, homme par homme, et cassa tous ceux qui n'avaient pas la taille de 5 pieds 4 pouces (1,73) fixée par lui. « Il est plus sévère, ajoute Dangeau, qu'aucun commissaire des guerres >>

IX

SERVICE DU ROI

Onze grands services étaient affectés à la personne du Roi: Le service religieux, dirigé par le grand aumônier; La Maison du Roi avec les sept offices pour la Bouche du Roi, dirigée par le grand maître de la Maison du Roi, avec un premier maître d'hôtel, un grand pannetier, un grand échanson et un grand écuyer tranchant;

La Chambre, l'Antichambre et le Cabinet, service placé sous les ordres du grand chambellan;

La Garde-robe, avec un grand maître de la Garde-robe;
L'Ecurie, avec un grand écuyer et un premier écuyer;
La Vénerie, sous la direction du grand veneur;

Les logements et les bâtiments, confiés au surintendant des Bâtiments;

Ce service, fait comme tant d'autres, avec négligence, n'empêcha pas Louis XV d'être blessé par Damiens.

Les voyages, dirigés par le grand maréchal des logis et le capitaine des guides;

La garde du Roi, attribuée à la Maison militaire du Roi;
La police, dirigée par le grand prévôt de France;

Les cérémonies, toujours compliquées de difficultés sur les rangs et les préséances, dirigées par le grand maître des cérémonies, dont les fonctions exigeaient beaucoup de tact et de connaissance des précédents.

Le service religieux sera décrit à la chapelle. On trouvera au Grand-Commun tout ce qui concerne la Bouche et les sept offices. A la Grande et à la Petite-Ecurie, nous donnerons tous les détails de ce service, et nous avons placé au chapitre de la Vénerie ce qui regarde la chasse. Nous ne parlerons ici que des services de la Chambre, de la Garde-robe et du Cabinet, en analysant l'Etat de la France en 1712.

Le service de la Chambre était dirigé par le grand chambellan, dont la charge valait 800,000 livres, bien qu'il n'eût que 3600 livres de gages; le reste du revenu provenait de profits et de droits divers. Au-dessous de lui venaient premiers gentilshommes de la Chambre, 24 gentilshommes de la Chambre, et 24 pages de la Chambre employés au service du Roi avec les pages des Ecuries.

Il y avait ensuite premiers valets de chambre ', 16 huissiers, 32 valets de chambre, 12 porte-manteaux, 2 porte-arquebuses, 4 porte-mail, 8 barbiers valets de chambre, 8 tapissiers, 3 horlogers, 3 renoueurs, 4 opérateur pour la pierre, 1 opérateur pour les dents, 6 garçons ordinaires, 2 porte-chaise d'affaires, 4 porte-table, 9 porte-meubles, 1 frotteur, 4 capitaine des mulets; enfin, des peintres, des sculpteurs, des vitriers, des serruriers, des coffretiers et des menuisiers.

L'Etat de la France mentionne ensuite les services acces

Moreau,

'Parmi ces premiers valets de chambre ou de garde-robe, on doit citer Bontemps, intendant ou gouverneur de Versailles, homme de bien, dit Saint-Simon, excellent serviteur et confident du Roi, Blouin, Niert, Joyeux, premier valet de chambre de Monseigneur, d'abord premier valet de la garde-robe du Roi, devenu premier valet de chambre du duc de Bourgogne, né pour être un vrai seigneur, dit Saint-Simon. Moreau avait une belle collection de portraits et de tableaux (Lettres de la Palatine, édition Jaeglé, I, 291).

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