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mieux travaillé et de plus agréable. » Quelques semaines après, le 21 février 1685, Mme de Montespan donna chez elle une dernière fête.

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« Après souper, lisons-nous dans le journal de Dangeau, Monseigneur suivit le Roi chez Mme de Montespan, où il y avoit des marionnettes et une foire fort jolie; toutes les boutiques étoient tenues par des masques. Milos de Nantes et de Blois, M. le duc du Maine étoient marchands, fort joliment habillés. La fête fut fort jolie et fort galante, et le Roi y fut assez longtemps. C'est avec le Mercure, toujours prolixe, que l'on complète Dangeau, souvent trop court. « Il y a eu encore, dit le Mercure en parlant des fêtes du carnaval de cette année, un divertissement qui, pour n'avoir pas été du nombre des mascarades qui se sont faites chez le Roi, n'a pas laissé d'être un des plus agréables dont on ait jamais entendu parler. Le Roi, étant entré un soir chez Mme de Montespan, fut surpris de voir que tout son appartement représentoit la foire de Saint-Germain. Ce n'étoit partout que boutiques remplies de marchands, et l'on voyoit même des compagnies entières de personnes qui se promenoient dans cette foire, et qui faisoient conversation ou entre elles ou avec les marchands ou marchandes. Enfin tout ce que l'on a coutume de voir à la foire y paroissoit dépeint au naturel 3. >>

La Petite-Galerie avait un salon à chaque extrémité; le salon de l'ouest joignait les cabinets de l'appartement du Roi. Le parquet de la galerie étoit de compartiments de bois de diverses couleurs et avait été fait par Oppenord *.

La voûte était peinte en marbre de différentes couleurs, avec l'or répandu partout. Au milieu, Mignard avait peint Minerve et Apollon distribuant des récompenses aux sciences et aux arts. La corniche était décorée de figures peintes en bronze et représentant la Science, la Paix, la Justice, la Vertu héroïque, la Renommée, l'Histoire, la Rhétorique et la Perfection. Dans le salon de l'ouest, on voyait à la voûte,

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Prométhée dérobant le feu, et Apollon sur son char accompagné des Heures. Dans le salon de l'est, Vulcain créant Pandore, et les Dieux et les Déesses admirant la beauté de Pandore 1.

En 1686, Mignard reçut 33,000 livres pour les peintures à fresque qu'il venait de terminer à la Petite-Galerie et qui lui firent beaucoup d'honneur 2.

C'est dans la Petite-Galerie que Mignard fit, en 1694, le portrait de Jacques II, roi d'Angleterre, et de la reine son épouse. « Le bonhomme Mignard, qui a quatre-vingts ans, dit Dangeau, n'a point voulu aller les peindre à Saint-Germain, parce qu'il croit qu'il y a des maladies 3. »

La galerie de Mignard a été détruite par Louis XV. En 1736, quand on construisit, au second étage, l'appartement des maitresses, la voûte et ses peintures disparurent d'abord, et en 1750, on acheva la démolition. La galerie fut transformée en trois salons plus larges que l'ancienne galerie, parce que l'on prit pour faire cet élargissement une partie du vestibule de l'escalier des Ambassadeurs, qui à son tour fut démoli en 1752.

Aujourd'hui les trois salles qui remplacent l'ancienne galerie de Mignard portent les numéros 432, 133 et 134.

La salle 132, décorée de charmantes sculptures dorées, était le salon de musique de Madame Adélaïde, et devint sous Louis XVI le cabinet des Bijoux.

La salle 433 était la chambre à coucher de Madame Adélaïde; sous Louis XVI, elle fut transformée en bibliothèque.

La salle 134, salle à manger de Madame Adélaïde, prit sous Louis XVI le nom de salon des Porcelaines, parce qu'on y exposait, au 1er janvier, les produits de la manufacture de Sèvres.

Vestibule de l'escalier des Ambassadeurs (135, 136).

Le splendide vestibule de l'escalier des Ambassadeurs est

Les peintures des salons ont été gravées pour l'ouvrage de Monicart (T. II, fig. 11 et 12); celles de la galerie l'ont été par G. Audran (Chalcographie, n 949, 950, 951).

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Comptes des Bâtiments de 1686.

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remplacé aujourd'hui par un escalier construit par LouisPhilippe et appelé à tort l'escalier des Ambassadeurs (135), et par la salle no 136, qui fut à l'origine une antichambre de l'appartement de Madame Adélaïde. Cette antichambre devint sous Louis XVI une salle de billard.

Salon Ovale (131).

Le salon Ovale n'existe plus; il a été détruit vers 1750 et remplacé par trois cabinets, un grand et deux petits. Le grand cabinet servait à Louis XV à serrer ses papiers; c'était aussi son cabinet particulier pour écrire et dessiner '.

Cabinet des Agates et des Bijoux (130)

et cabinet des Pendules (127).

Sous Louis XIV, ces deux pièces n'étaient séparées l'une de l'autre que par des arcades. Toutes les deux formaient une grande salle décorée de nombreux tableaux et d'objets d'art.

Les Comptes des Bâtiments nous apprennent que le parquet de marqueterie et les chaises du cabinet des Agates avaient été faits par Boule. Nous croyons que c'est pour les miroirs et les tableaux de ce cabinet que furent exécutées les bordures en argent ciselé par Bonnaire 3, et celles en argent doré avec ornements d'argent blanc ciselées par Loir et Dubel".

Louis XIV acheta beaucoup de curiosités et de raretés pour son cabinet des Médailles et pour le cabinet des Agates, pendant les années 1684, 1685 et 1686. Ses principaux fournisseurs furent Louis Alvarez, fameux joaillier", Silves

Il existe aux Archives nationales (Carton O1 1773, liasse intitulée Petits appartements, cote E) un très-joli dessin lavé à l'encre de Chine, représen

tant le salon Ovale.

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tre Bosc, autre joaillier, Gérard, orfèvre, Patriarche, marchand vénitien, et Carolo Pompia Carcano, marchand de Milan. On achetait à Constantinople, dans le Levant, à Augsbourg, partout où l'on trouvait de belles choses. On acquérait des héritiers de l'électeur de Mayence les plus belles pièces de son cabinet. Aussi la liste des objets mentionnés dans les Comptes serait-elle trop longue pour être reproduite ici. Nous nous contenterons de signaler un vase d'agate d'Allemagne en forme de coupe et godronné, garni de trois cercles d'or et enrichi d'améthystes, de topazes, de turquoises et d'ornements émaillés, avec son couvercle '; un vase de jade vert en forme de coquille avec un aigle aussi enrichi de pierreries et de quatre camaïeux de corail rouge; un vase de cristal en forme de galère garni d'or émaillé; un vase d'héliotrope garni d'or émaillé; une tasse d'onyx garnie de vermeil; des glaces de Venise à pans avec bordures garnies de cristaux de couleur et d'agates; des vases de cristal garnis d'or ou de perles; des vases d'agate d'Orient, d'agate-onyx garnis d'or, de jaspe oriental, de jade blanc oriental, de jade sculpté de feuillages et de mascarons; des vases d'améthyste, de prime-d'émeraude, de grenat; des aiguières de cristal; des tasses d'agate d'Orient; des flacons de cristal de roche garnis d'or; un taureau en agate-onyx; un vase de cristal de roche en forme d'oiseau, etc.

Alvarez fournit aussi au Roi deux grandes tables en albâtre oriental, dix grandes tables de marbre et pierre de Florence, des colonnes de porphyre et d'albâtre, des bustes de porphyre et des bassins de marbre noir et jaune.

L'inventaire des diamants de la Couronne mentionne tous ces objets et bien d'autres encore; c'est là qu'on trouve la liste complète des aiguières, bénitiers, burettes, bustes et termes, calices, cassolettes, coffrets, corbeilles, coupes, crucifix, cuvettes, écritoires, flacons, jattes, soucoupes, statuettes, tasses, urnes, vases en cristal de roche, en jaspe fleuri, violet, vert ou rouge, en sardoine, améthyste, jade, agate d'Allemagne et d'Orient de toutes couleurs, en albâtre, lapis,

1 Cette pièce et les quatre suivantes furent achetées à Augsbourg, en 1685. Publié par ordre de l'Assemblée nationale, en 1791, 2 vol. in-8°.

prase, cornaline, calcédoine, grenat syrien, décorés de sujets gravés et de rinceaux, ou d'ornements d'or émaillé, de diamants, de pierreries, de perles, etc. 1.

Ni Félibien, ni Piganiol, qui écrivaient à la fin du règne de Louis XIV, ne parlent du cabinet des Agates et de ses richesses. Avait-on transféré au cabinet des Médailles les objets précieux qu'il contenait? Je l'ignore. Ce qu'il y a de certain, c'est que le cabinet des Agates fut détruit sous Louis XV et devint d'abord une salle à manger, puis un cabinet de jeu, et que l'autre partie du cabinet, qui en était séparée par des arcades, en fût complètement isolée par un mur et devint la salle du conseil de Louis XV. On lui donna le nom de cabinet de la Pendule, en 1749, quand on y plaça la célèbre pendule de Passemant.

Cabinet du Billard (126).

Le cabinet du Billard sous Louis XIV était décoré de 17 girandoles de bronze doré faites par Boule. C'est dans ce cabinet que Chamillart, conseiller au Parlement, fit sa fortune.

« C'étoit, dit Saint-Simon, un grand homme, qui marchoit en dandinant, et dont la physionomie ouverte ne disoit mot que de la douceur et de la bonté, et tenoit parfaitement parole.... Il aimoit le jeu, mais un jeu de commerce, et jouoit bien tous les jeux. Cela l'initia un peu hors de sa robe; mais sa fortune fut d'exceller au billard. Le Roi, qui s'amusoit fort de ce jeu, dont le goût lui dura fort longtemps, y faisoit presque tous les soirs d'hiver des parties avec M. de Vendôme et M. le Grand, et tantôt le maréchal de Villeroi, tantôt le duc de Gramont. Ils surent que Chamillart y jouoit fort bien, ils voulurent en essayer à Paris. Ils en furent si contens

Une partie des objets d'art du cabinet des Agates et du cabinet des Médailles se retrouve aujourd'hui dans la collection des gemmes de la galerie d'Apollon. A la galerie de Trianon, au cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale, à la salle des bronzes modernes et à la salle des bronzes anciens au Louvre, se retrouvent les bronzes, groupes, statuettes et bustes qui décoraient les deux cabinets dont nous nous occupons et sans doute quelques autres pièces du palais (Note de M. le comte Clément de Ris). Comptes de 1684.

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