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lequel s'établit Louis XIII se composait surtout de terres labourables, de prés et de friches.

Les actes d'achat de terres faits par Louis XIII à Versailles ' confirment ce que dit Héroard sur la date de la construction du château, et nous apprennent enfin le nom du propriétaire sur la terre duquel Louis XIII bâtit sa maison.

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Un auditeur de la Cour des comptes, nommé Lebrun, possédait à Versailles une assez grande étendue de terres; sa fille, Marguerite Lebrun, était mariée à Jean Martin, contrôleur général de la Maison de Gaston, duc d'Orléans, frère du Roi. Ce fut à Jean Martin que Louis XIII acheta, le 5 juin 1624, & divers héritages situés dans le terroir de Versailles et des environs 1». Au mois d'août de la même année, le Roi acheta encore 142 arpents aux héritiers de Lebrun; il en prit possession et ne paya pas, ce qui paraît avoir été une habitude chez le fondateur du château de Versailles. Hâtonsnous d'ajouter que, le 27 septembre 1632, il signa un acte important qui régularisait cette situation, et qui apporte en même temps les renseignements les plus précieux à l'histoire du château.

Le Roi achète, dit l'acte (exactement le Roi paie), à Marguerite Lebrun, épouse autorisée du sieur Jean Martin, contrôleur général de la Maison de Mer le duc d'Orléans : une maison, sise au bourg de Versailles, près le château de S. M., avec un jardin et un arpent de terre, et 167 arpents de terres, prés et pâtures, sur partie desquels héritages S. M. a fait bâtir sondit château, jardin et parc, moyennant 46,000 livres, y compris les dommages et intérêts de la non jouissance soufferte par lesdits vendeurs desdites maisons et héritages pendant huit ans.

Cet acte confirme d'une façon péremptoire ce qui a déjà été dit dans l'introduction, que ce n'était pas Jean de Soisy qui avait vendu la terre sur laquelle Louis XIII avait bâti son château; et, en effet, la terre des Soisy, vendue en 1561, à

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1 Archives nationales, carton O1 1762. - Nous croyons être le premier qui ait fait connaître ces importants documents.

2 Cet achat est mentionné dans l'Inventaire des titres du domaine de Versailles, manuscrit des Archives nationales (O. 12,795, folio 307). Cité par M. Soulié, dans le journal de Jean Héroard, II, 297.

Martial de Loménie par les demoiselles de Soisy, faisait en 1624 partie du domaine des Gondy.

En 1634, les achats de terre recommencent et deviennent nombreux; Louis XIII veut agrandir son parc, dégager le château et ses approches. Le 23 avril, il achète, au prix de 9856 livres, 17 lots de terres et de prés formant 117 arpents'. Parmi les vendeurs on trouve M. de Gondy, archevêque de Paris, qui reçoit 795 livres pour 6 arpents et 60 perches, et Jean Martin, héritier du sieur Lebrun, qui vend 35 arpents et 28 perches de terres et de prés, au prix de 2646 livres. Les 26 et 27 juin, les 2, 6 et 12 juillet, le Roi achète encore 10 lots de terre formant 30 arpents et 34 perches. On voit combien la propriété était déjà divisée, car pour constituer son domaine, d'assez petite étendue, Louis XIII ne fit pas moins de 46 achats.

Le 8 avril 1632, huit ans après la construction du château royal de Versailles, Louis XIII acquit de M. de Gondy, archevêque de Paris, la terre et le château de Versailles avec son annexe la Grange-Lessart, au prix de 66,000 livres; c'est-àdire que, pendant huit ans, de 1624 à 1632, il a existé à côté l'un de l'autre deux châteaux de Versailles : l'un, le château construit par Louis XIII; l'autre, le vieux château, le manoir féodal du fief de Versailles, démoli par Louis XIII.

L'acte de vente nous apprend en quoi consistait la nouvelle acquisition du Roi. La terre de Versailles se composait d'un château, désigné comme vieux et en ruines, et contenant cinq grandes travées de logis, trois autres travées à côté, deux tourelles sur le portail, colombier, bergerie, grange et étables, deux cours, un jardin et un clos, le tout contenant 4 arpents; de 183 arpents en terres labourables, vignes, prés, bois taillis et châtaigneraies, de 4 étangs, d'une grande ferme, d'un moulin à vent et d'une petite maison

1 Soit 40 hectares, ce qui met l'hectare à 247 francs. Aujourd'hui l'hectare vaut, aux environs de Versailles, de 2000 à 2500 francs.

2 On nous reprocherait de ne pas raconter ici une historiette consacrée. On dit, mais le fait est-il bien certain, que Louis XIII, se promenant un jour sur la terrasse de son château avec le comte de Gramont, lui demanda s'il se souvenait d'avoir vu là un moulin à vent. Oui, Sire, répondit le spirituel courtisan. Le moulin n'y est plus, mais le vent y est toujours.

le joignant. La terre de Versailles comprenait encore 68 arpents de terres labourables, prés, bois taillis, avec maisons, jardins, mare et fontaine au lieu de Mortamer 1, et la GrangeLessart. La Grange-Lessart était une grande ferme qui contenait : granges, écuries, cours, deux clos de 3 arpents, bois taillis d'un arpent, 173 arpents de terres de labour, de bois taillis, bruyères, prés et pâtis; elle était affermée 1950 livres. - Le Roi devenait aussi possesseur de la grande garenne de Versailles, située sur le chemin de Paris et contenant 5 arpents de bois taillis, de prés et de terres. Enfin, de la seigneurie de Versailles relevait en plein fief celle de Glatigny, affermée 1000 livres par an.

En 1632, Louis XIII acheta 16 lots de terres comprenant 85 arpents et 16 perches, 5 quartiers et une maison. Il résulte des actes, que le Roi, ayant enclos de murs son parc, y avait renfermé diverses terres qu'il n'avait pas encore achetées ou payées. Cette année, il paie 1975 livres 10 sols, 24 arpents et 65 perches appartenant au curé de Versailles. Il indemnise aussi l'église de Versailles pour 2 arpents; le président de la Barre pour 13 arpents et 34 perches; on paie au sieur Claude Gourlier, hôtelier, une maison que S. M. lui avait prise pour loger ses chiens.

A partir de 4632, le domaine est à peu près constitué; aussi les achats deviennent-ils plus rares: en 1634, 4 arpent et 42 perches; en 1644, le 13 avril, 56 arpents de bois taillis, qui lui sont vendus par Jacques Lemaire, sieur des Moulineaux, lequel venait de les acheter, par acte du 22 mars 1644, à Jean Martin, Marguerite Lebrun, sa femme, et Germaine Lebrun, veuve d'Etienne Lemaire, sieur des Couldrais. C'est la dernière acquisition. Le domaine de Versailles a donc été constitué principalement avec les héritages des Lebrun et la terre des Gondy.

Ce fut Lemercier, que Sauval appelle le premier architecte de son siècle, que le Roi employait déjà à ses travaux du

1 Sans doute le lieu dit des Mortemets, situé au sud-ouest de la pièce d'eau des Suisses, et dont une allée du parc, allant de la pièce d'eau des Suisses au bassin de Choisy, porte le nom.

Située sur le plateau de Satory, où sont les docks du génie et de l'artillerie.

T. I.

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Louvre ', qui fut chargé d'élever la nouvelle résidence royale. Le château de Louis XIII, tel que nous le voyons représenté sur le tableau de Van der Meulen et surtout sur le beau tableau de la salle 37, n° 765, ainsi que sur les estampes d'Israël Silvestre, était une œuvre pleine d'élégance et de goût, qui fait le plus grand honneur à son auteur, et qui est certainement l'un des chefs-d'œuvre de l'architecture française du XVIIe siècle.

Le château était bâti en pierre et briques, de forme carrée *, et flanqué de quatre pavillons aux angles. La longueur de chaque côté, en y comprenant les pavillons des angles, était de 48 mètres ; les façades extérieures étaient percées de neuf fenêtres. Le château était entouré d'un large fossé, bordé des deux côtés de balustrades en pierre. Il s'ouvrait à l'est. La cour, appelée aujourd'hui la cour de Marbre', était fermée par un portique en pierre, composé de sept arcades ornées de grilles en fer doré, « où l'or et le vert étoient très-bien mêlés ensemble »; l'arcade du milieu, plus large que les autres, servait de porte. Extérieurement, un balcon, décoré d'une balustrade en fer doré, régnait tout autour du château, en suivant le portique de la cour, et servait à dégager les

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1 Lemercier a construit au Louvre le beau pavillon de l'Horloge et l'aile située à la droite de ce pavillon. Les autres œuvres de Lemercier sont : la Sorbonne, le Palais-Cardinal (aujourd'hui Palais-Royal), le Val-de-Grâce, Saint-Roch, le grand château de Richelieu et le fameux escalier en fer à cheval de la cour du Cheval-Blanc à Fontainebleau. Lemercier mourut en 1654.

Musée de Versailles, salle 34, no 725. Ce tableau a été gravé par Baudouins (Chalcographie du Louvre, n° 545). Voir aussi la planche 544, pour la face antérieure du château.

3 La date de ce tableau est évidemment de 1668, car il représente le grand canal commencé en 1667-68. Le tableau no 765 donne le château, ses dépendances et tout le parc, et est absolument conforme au plan de Silvestre gravé en 1667. Il est regrettable que nous ne connaissions pas le nom de l'auteur de cette peinture si remarquable par son exécution et sa perspective; c'est probablement l'œuvre d'un artiste flamand.

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Voir la gravure Château de Louis XIII du côté de la cour.

7 A cause de son dallage en marbre.

8 Mademoiselle DE SCUDÉRY, La Promenade de Versailles, in-12, 1669. Ce volume est orné d'une jolie vignette, qui représente le château de Louis XIII.

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