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et une Sainte-Famille (6600 livres), Orphée et Eurydice (3500 livres), Saphira et le Jugement de Salomon (10,100 livres), et une autre Sainte-Famille. Les bordures de ces tableaux étaient en bois sculpté par Charmeton et Vilaine, et doré par Petit; et ajoutons, pour finir, que deux peintures, sans doute les plus précieuses, étaient recouvertes de moire de soie peint et rehaussée d'or '.

II

LA GRANDE GALERIE ET LES SALONS DE LA GUERRE
ET DE LA PAIX

Le salon de la Guerre, où se terminent les grands appartements du Roi, la Grande galerie et le salon de la Paix, où » commencent les grands appartements de la Reine, occupent toute la façade du principal corps du château sur les jardins. On ne pouvait avoir un plus magnifique théâtre pour les cérémonies et les grandes réceptions dont nous donnerons bientôt la relation.

Salon de la Guerre (112).

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Ce salon fut établi sur l'emplacement de trois pièces qui complétaient de ce côté le grand appartement du Roi. « La première, la plus rapprochée du salon d'Apollon, était un grand cabinet du Conseil, dont le plafond, représentant Jupiter, par Noël Coypel, fut ensuite transporté dans la salle des Gardes de la Reine. La seconde pièce était une petite chambre à coucher, et la dernière un cabinet adjacent à

'La plus grande partie des tableaux des appartements est aujourd'hui au Louvre.

2

* Comptes des Bâtiments, 1687.

3 Les salons de la Guerre et de la Paix ne furent achevés qu'en 1686 (Mercure Galant, 1687, avril, p. 15).

la terrasse, sur l'emplacement de laquelle fut construite la Grande galerie '.

Le plafond, exécuté par Lebrun, au moment de la toutepuissance de Louis XIV, représente la France portée sur un nuage. Elle est entourée de Victoires chargées de lauriers ou soutenant des tableaux, sur lesquels sont des inscriptions qui rappellent les triomphes de Turenne et de Créqui sur les Allemands. Les quatre voussures ont pour sujets l'Allemagne, la Hollande, l'Espagne vaincues ou impuissantes, et Bellone en fureur. Toutes ces peintures sont entourées de riches bordures.

La décoration de ce salon est toute de marbre et de trophées en cuivre doré, ou de panneaux de glaces. « Le Roi à cheval, dit le Mercure, grand comme le naturel, est en relief sur la cheminée; ses ennemis vaincus sont renversés sous les pieds de son cheval; et la Victoire, la Valeur et la Renommée l'accompagnent. Dans la fermeture de la cheminée on voit l'Histoire, qui est tout entière occupée à décrire tant de grands événemens. Huit grands brancards d'argent portent des chandeliers de 2 pieds. Deux vases de même hauteur accompagnent chaque brancard et garnissent les entre-deux des fenêtres et des portes. On voit dans les angles des vases d'argent posés sur 4 guéridons, or et azur. Un grand chandelier d'argent ou lustre à huit branches pend au milieu de ce salon. »

Le salon de la Guerre, comme celui de la Paix, communique avec la Galerie par une arcade. L'un et l'autre renferment aujourd'hui six bustes en marbre de couleur et à tête de porphyre, posés sur des piédestaux également en marbre de couleur. Ces bustes sont ceux qui figurent dans l'Inventaire de Mazarin dressé en 1653 par Colbert 3. Les têtes, représentant les douze Césars, sont de travail italien et furent léguées par le Cardinal à Louis XIV. Les Comptes des Bâtiments nous apprennent que Girardon exécuta en marbre les draperies et ornements des corps de ces bustes, sans doute

1 SOULIE, II, 154.

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Le bas-relief, œuvre de Coyzevox, est en stuc et placé sur une cheminée feinte, en campan-vert et entourée de figures en stuc bronzé.

3 Cet inventaire a été publié par M. le duc d'Aumale à Londres, en 1861.

pour remplacer les corps d'albâtre signalés dans l'Inventaire de Mazarin' et qui probablement étaient alors en mauvais état. Le même document nous apprend que ces bustes furent placés par Girardon lui-même dans les deux salons où ils sont encore. Quant aux piédestaux, ce sont certainement les mêmes que ceux signalés dans l'Inventaire de Mazarin '.

La Grande galerie (113).

La Grande galerie, « la plus belle et la plus magnifique qui soit au monde », dit La Martinière, s'élève sur l'emplacement de la terrasse qui se trouvait à la façade de Levau et devant le mur, encore conservé3, de cette façade. La Galerie est comprise entre le salon de la Guerre et le salon de la Paix, avec chacun desquels elle communique par une grande arcade. Sa longueur est de 72 mètres; sa largeur, de 10 mètres; sa hauteur, de 43 mètres.

Elle est éclairée par dix-sept grandes fenêtres cintrées, auxquelles correspondent dix-sept arcades revêtues, dans toute leur hauteur, de glaces à biseau, d'une remarquable blancheur, comme les glaces à biseau qui servent de vitres aux fenêtres. Les glaces des arcades sont réunies par des cuivres dorés d'une grande légèreté et finement ciselés. Trois portes faisant communiquer la galerie avec l'Eil-de-Boeuf sont pratiquées dans autant d'arcades; elles sont couvertes de glaces, de sorte que les arcades dans lesquelles se trouvent les portes ne se distinguent pas des autres.

Toute la galerie est revêtue des plus beaux marbres et de grands trophées de cuivre doré, modelés par Coyzevox. Les

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Un de ces bustes est différent des onze autres et appartient évidemment à une autre série. Le corps est en marbre blanc; la tête est beaucoup plus grosse et d'un travail différent ; le porphyre est d'une autre nuance, et son poli est un peu usé.

Le mur de la façade de Levau, avec tous ses ornements, se voit encore derrière l'extrados de la voûte de la Grande galerie.

* Chaque arcade renferme 18 glaces; donc 306 glaces pour toute la galerie.

* Ces glaces ont été coulées à la manufacture royale établie rue SaintAntoine à Paris (Comptes des Bâtiments).

fenêtres et les arcades sont séparées par des pilastres de marbre, dont les piédestaux et les chapiteaux, d'ordre corinthien, avec des têtes de coq, symbole de la France, des soleils, devises du Roi, et des fleurs de lys, sont en cuivre doré. Ils ont été exécutés par Tuby et Caffieri, et dorés au feu par La Baronnière 1.

Quatre grandes niches renferment des statues de marbre blanc, qui, sous Louis XIV, étaient des antiques.

La corniche, en stuc doré, sculptée en grande partie par Coyzevox, est décorée de couronnes de France, de colliers du Saint-Esprit et de Saint-Michel, et d'autres ornements. La voûte, en forme de berceau en plein-cintre, a été peinte dans toute son étendue par Lebrun, qui a mis quatre ans (1679-82) à exécuter ce vaste travail, composé de 6 grands tableaux dans le grand cintre, de 2 grands tableaux aux extrémités et de 22 petits tableaux placés dans le reste de la voûte entre les grands. Ces peintures, sur toile marouflée, sont renfermées dans de riches bordures de sculpture dorée. Elles représentent l'histoire de Louis XIV, de 4661 à 16782, et constituent l'œuvre principale de Lebrun à Versailles, qui avait 8800 livres de gages » par an et était voituré aux frais du Roi, de Versailles à Paris, où il dirigeait les Gobelins 3.

Encore fort belle, lorsqu'elle est toute nue, comme nous la voyons aujourd'hui, il est difficile de se représenter ce que la Grande galerie devait être avec le somptueux ameublement qui la décorait. Nous allons essayer, à l'aide des Comptes des Bâtiments et des anciennes descriptions, de faire cette restitution.

La galerie était éclairée par 16 grands chandeliers d'ar

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Les ouvrages à consulter sur la Grande galerie sont: Explication des tableaux de la galerie de Versailles et de ses deux salons, par RAINSSANT, 1687, in-4°, ·la Grande galerie de Versailles et les deux salons qui l'accompagnent.... dessinés par J.-B. MASSÉ, etc., 1752, in-folio; MONICART, Versailles immortalisé, etc., 1720, 2 vol. in-4o, l'excellent Catalogue du musée de Versailles, par E. SOULIÉ; les deux belles gravures de COCHIN représentant un bal et le jeu du Roi sous Louis XV.

3 Comptes des Bâtiments.

Avec ses appliques Louis-Philippe, ses espagnolettes Empire et ses banquettes couvertes de housses en calicot rouge.

gent, portés par des guéridons dorés, par deux rangs de 12 beaux lustres de cristal, et, aux deux bouts, par deux lustres d'argent à huit branches'. Les rideaux étaient de gros damas blanc, brochés d'or, au chiffre de S. M.; ils avaient 3 aunes de large, et sortaient de la fabrique de Marcelin Charlier, au prix de 1050 livres pièce. Le parquet était couvert de deux grands tapis de la Savonnerie'. Les tabourets qui n'étaient pas en argent, étaient recouverts de velours vert entouré d'une bande de brocart d'or avec une frange de même. D'autres meubles étaient ornés de broderies exécutées sur les dessins de Bonnemer". Le billard était aussi orné de velours vert à franges d'or, et accompagné de 21 formes de velours vert à franges d'or. Des tables d'albâtre à bordures de bronze ciselées par Devaux', des vases de porphyre apportés de Romes, des vases et des navicelles d'albâtre artistement travaillés ornaient encore la galerie. Mais ses plus grandes richesses étaient les meubles en argent massif et ciselé, ou en argent doré, dont elle était remplie. Ce mobilier somptueux se composait de tables, de grands guéridons, de candélabres à huit branches, ornés de cupidons et de satyres, de chandeliers dont la décoration représentait les mois, les saisons ou les travaux d'Hercule 10, de girandoles, de torchères, de caisses et de vases pour y mettre des orangers, et de scabellons pour les porter, de bancelles valant 16,000, 24,000 et 35,000 livres, de grandes bancelles de 10 à 12 pieds de long ", de tabourets valant 6000

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Comptes des Bâtiments.

DANGEAU, 1685, 11 avril. Nous croyons que ce sont les beaux vases qui se trouvent actuellement dans la salle des Gardes de la Reine (118).

'LA MARTINIÈRE.

Nous croyons que les quatre vases d'albâtre qui

sont encore dans la galerie sont ceux qui y étaient autrefois. Quant aux navicelles, elles n'y sont plus.

10

1o Les douze chandeliers représentant les Forces d'Hercule furent payés 31.153 livres à Cousinet et à Merlin.

"FÉLIBIEN.

T. I.

11

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