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cheminée, et vis-à-vis une Cène du même maître1, montrent jusqu'où peut aller l'effet des couleurs et de la lumière, quand elles sont bien entendues. Sur les portes on voit deux portraits de Van Dyck.

>> Une balustrade d'argent', de 2 pieds et demi de haut, sur laquelle posent 8 chandeliers de même matière et hauts de 2 pieds chacun, entoure l'estrade, qui est de marqueterie. Deux scabellons d'argent portent dans les angles 2 cassolettes de 5 pieds. Quatre bassins d'argent de 3 pieds de haut, avec des bassins de 3 pieds 2 pouces de diamètre, portent aux côtés de la cheminée et à l'opposite des vases de 2 pieds et demi. Deux chenets d'argent, de 4 pieds de haut, parent le foyer. La corniche de la cheminée est enrichie de vases et de cassolettes de même matière. Un très-grand lustre d'argent à 6 branches, portant chacune 3 bougies, pend au milieu de la chambre. Entre les fenêtres, au-dessus d'une grande table, on voit un miroir de 9 pieds de haut. L'Abondance et la Magnificence soutiennent dans les côtés un manteau royal qui fait la bordure. Sur le fronton sont posées deux Renommées qui portent les armes du Roi et en publient la grandeur. Deux Amours soutiennent la couronne. La table est garnie d'une grande corbeille et de chandeliers, deux grands et deux petits. Aux deux côtés sont des girandoles à 7 branches, portées par des guéridons, posés sur des brancards; le tout d'argent, et a 7 pieds de haut. Une table pentagone, une carrée et une en triangle sont dans le long de la chambre et servent pour le jeu du Roi, de la Reine et de toute la maison royale ; mais, quoique ces tables soient marquées pour eux, ils ont la bonté de se mêler avec tous ceux qui jouent dans les chambres suivantes. >>

Quand Louis XIV donna à Philippe V, après sa reconnaissance comme roi d'Espagne, les grands appartements pour les habiter jusqu'à son départ de Versailles, ce fut le salon de Mercure qui servit de chambre à coucher au nouveau roi.

1 Ces deux tableaux du Titien sont probablement le Christ porté au tombeau et les Pèlerins d'Emmaüs du Louvre.

La balustrade d'argent était l'oeuvre d'Alexis Loir et de François de Villiers; elle coûta 142,196 livres (Comptes des Bâtiments de 1680).

Salon d'Apollon ou chambre du trône (111).

Du salon de Mercure on entre dans le salon d'Apollon, où le Roi donnait audience aux ambassadeurs.

Sa tapisserie, dit le Mercure, est aussi d'un velours cramoisi, enrichi d'un gros galon d'or. La table, les guéridons, la garniture de cheminée et le lustre sont d'argent. Au fond de la chambre s'élève une estrade couverte d'un tapis de Perse à fond d'or, d'une richesse et d'un travail particuliers. Un trône d'argent, de 8 pieds de haut, est au milieu. Quatre enfans portant des corbeilles de fleurs soutiennent le siège et le dossier, qui sont garnis de velours cramoisi, avec une campane d'or en relief. Sur le haut du cintre que forme le dossier, Apollon est en pied, ayant une couronne de laurier sur la tête, et tenant sa lyre. La Justice et la Force sont assises sur les deux tournans. Le dais est de même que la tapisserie. Aux deux côtés du trône, sur l'estrade, deux scabellons d'argent portent des carreaux aussi de velours. Aux deux angles sont posées des torchères de 8 pieds de haut. Quatre girandoles portées par des guéridons d'argent de 6 pieds de haut parent les quatre coins de la chambre. Un David du Dominiquin est à la droite du trône. On voit à la gauche une Thomyris qui trempe la tête de Cyrus dans le sang; elle est peinte par Rubens. Dans les côtés on a mis quatre grands tableaux du Guide, les Travaux d'Hercule. Apollon est dans le milieu du plafond, entouré des Saisons et des Mois". Quatre tableaux cintrés par le haut accompagnent le rond. Des festons peints et en relief doré ornent les bordures, les angles et la frise. Sur les deux portes sont deux tableaux de Van Dyck: l'un

1 On retrouve sur le parquet les traces des clous qui fixaient l'estrade à la place marquée sur le plan de Blondel.

On voit ce trône d'argent sur le tableau n° 2107 (Salle 117) représentant le Doge de Gênes à Versailles.

On voit encore les trois pitons dorés qui servaient à suspendre ce dais.
Ces six tableaux sont au Louvre.

5 Ce plafond, très-beau de couleur, est de Delafosse, ainsi que les peintures des voussures, qui représentent Coriolan et Véturie, Vespasien faisant construire le Colisée, Auguste faisant bâtir le port de Misène, et Porus devant Alexandre.

représente le Prince Palatin et son frère, et l'autre une Vierge, un David et une Madeleine. »>

Le trône, symbole de la majesté royale, était placé dans cette salle, mais on en faisait rarement usage en cet endroit; où cependant, le 13 août 1745, Louis XIV donna son audience de congé à l'ambassadeur de Perse. Ce fut le dernier acte public de son règne. Déjà très souffrant, le vieux roi se tint debout durant toute l'audience, qui fut longue. « Cela le fatigua fort, dit Dangeau; il eut même envie de se coucher en rentrant chez lui. » Mais il eut le courage de résister, de tenir le conseil de finances et de dîner comme à son ordinaire.

En 1742, on porta le trône dans la galerie pour la réception des ambassadeurs du Grand Seigneur; en 1778, dans le salon d'Hercule, pour la réception des envoyés de Tippou-Saïb; et, en 1789, dans la salle des Etats généraux, pour la cérémonie de l'ouverture de l'assemblée.

Nous avons encore à dire sur ce salon, qu'on a détruit sa cheminée; que ses serrures en cuivre doré, probablement ciselées par Cucci, sont très-belles; que beaucoup de ses vitres sont encore des glaces à biseau du temps de Louis XIV, comme on en voit aussi au salon de la Guerre, à la Galerie, etc., mais que les fermetures des fenêtres sont, comme dans presque tous les grands appartements, de laids ouvrages du temps de l'Empire, ce qui permet de croire, les fenêtres et les vitres ayant été conservées, que les fermetures anciennes ont été détruites par quelque enragé classique de l'école de David.

On a vu précédemment qu'il ne restait du pavage de marbre des salons que quelques parties conservées dans les ébrasements des fenêtres, et à l'état de bande étroite régnant tout autour de la salle, et que d'abord ils avaient été entièrement pavés de marbre.

La Martinière nous fait connaître pourquoi on fut obligé d'enlever ces « riches compartimens » de marbre en 1684. « Comme on étoit obligé, dit-il, de jeter de l'eau pour en entretenir la propreté, on remarqua que l'eau, en pénétrant dans les joints, pourrissoit les bois des planchers et qu'il n'y avoit point de sûreté dans les appartemens situés au-dessous.

Louis XIV se détermina à faire changer ce pavé pour y substituer un parquet de menuiserie. »>

En même temps que ces salons étaient revêtus et pavés des marbres les plus beaux, leurs portes étaient de bronze travaillé à jour. Caffieri en avait fait le modèle 1. Ce système de décoration, bon peut-être pour des salons d'apparat destinés à être le théâtre de quelques fêtes, ne pouvait convenir à des pièces habitées constamment, même en hiver. Seul, le tempérament de fer de Louis XIV pouvait supporter le froid qu'il faisait dans ces salles; il fallut renoncer aux portes à jour et mettre à leur place des portes de bois pleines, dont les sculptures sont dues à Caffieri, à Temporiti, à Taupin et à Lemaire. Les ornements de stuc ont été en général exécutés par Caffieri, et la sculpture décorative par Coy zevox *.

En 1687, on plaça dans divers salons « de grandes tables de marbres de rapport » avec ornements en bronze doré aux pieds, ouvrages de Pierre Le Nerve". Les tentures et rideaux étaient faits d'étoffes les plus riches. En 1685, on acheta 407 aunes de brocart de Venise, fond d'or, à 80 livres l'aune, soit 400 fr. d'aujourd'hui 6; mais la plus grande partie des velours et brocarts employés dans les ameublements des salons du Roi avait été fabriquée à Lyon par Renon'; c'étaient des brocarts à fond d'argent broché de fleurs d'or, ou des brocarts d'or et d'argent à fond violet. Les broderies de point d'Espagne se faisaient aux Gobelins, quelquefois sur les dessins du peintre Bailly 8. Il y avait aussi des brodeuses à Noisy 9.

1 Comptes des Bâtiments, 1673. Philippe Caffieri, sculpteur ébéniste, employé aux Gobelins, était né à Rome et fut naturalisé en 1665; il mourut en 1716 (Voir les Caffieri de M. J. GUIFFREY).

Joseph-François Temporiti, sculpteur de Milan, naturalisé en 1671, mort en 1674, à quarante ans. Il était aussi attaché à la manufacture des Gobelins (Nouvelles Archives de l'art français).

3 Comptes des Bâtiments, 1673, 1688.

Idem, 1688, 1686.

Idem, 1687.

6 Idem, 1685.

7 Idem, 1666, 1667, 1670.

8 Idem, 1678.

9 Idem, 1685.

Etaient-ce les demoiselles de Saint-Cyr établies à

Les Comptes des Bâtiments, avec lesquels on peut reconstituer en partie le mobilier des grands appartements, mentionnent un tapis représentant une noce de Picardie, exécutée par Hinard, maitre de la manufacture de Beauvais, et payé 2722 livres. Les miroirs venaient d'Allemagne et de Venise'; leurs bordures étaient en argent ciselé. Partout et toujours, les fleurs et les orangers abondaient dans tous ces salons, grâce aux soins de Le Bouteux, jardinier de Trianon.

Les clavecins étaient faits par Louis Denis et placés dans des buffets d'orgues en marqueterie garnie d'ornements de bronze, exécutés par Dominique Cucci et Boulle. Dominique Cucci fit aussi (de 1670 à 1676) presque toutes les fermetures des portes et des fenêtres, en cuivre ciselé et doré. Ce qui reste de ces beaux cuivres serrures, boutons de porte, crochets, espagnolettes, atteste l'excellent goût de cet artiste, qui a eu une part trop importante dans la décoration du Versailles de Louis XIV pour ne pas avoir ici quelques lignes de biographie. Il était né à Todi près de Rome, fut naturalisé en 46646 et attaché aux Gobelins. Il vivait encore en 1699. Cucci était fondeur, ciseleur et ébéniste. Nous pouvons encore admirer quelques-uns de ses cuivres; mais que sont devenus ses grands cabinets d'ébène décorés de sculptures, de miniatures, de pierreries, d'orfévrerie et autres ornements?

Pour compléter la décoration de ces somptueux salons, le Roi avait fait l'acquisition de nombreux tableaux des maîtres les plus célèbres: Léonard de Vinci, les Carraches, le Guide, l'Albane, le Dominiquin, Paul Véronèse, Bassan, le Guerchin, le Mole, Rubens, Van Dyck, etc. Toujours amateur des bonnes choses françaises, en peinture comme en littérature, Louis XIV acheta aussi six tableaux du Poussin : l'Arcadie

Noisy avant l'achèvement de la maison royale de Saint-Louis, où elles n'allèrent que le 29 août 1686 ? (Dangeau).

1 Idem, 1670.

Idem, 1685. Cette année, l'ambassadeur de France à Venise envoie six glaces, coûtant 3400 livres.

3 Idem, 1687.

Idem, 1681 et 1687.

Idem, 1680.

Ces buffets étaient payés 8000 livres.

Nouvelles Archives de l'art français, II, 242, et Dictionnaire de JAL.

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