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colonnes, aussi en marbre, ont leurs bases et leurs chapiteaux en cuivre doré.

Dans une niche, entre deux grandes portes, dit le Mercure, est une statue du Roi en relief, vêtu à la romaine; elle est de feu M. Varin1. »

Les lambris, entre les portes et les fenêtres, sont ornés de peintures par Rousseau, célèbre peintre de perspectives, et continuent l'architecture du salon. « Deux de ces peintures, dit Félibien, entre les portes des bouts de la salle, représentent des édifices et des jardins en perspective. Les deux autres, entre les trois fenêtres, font voir comme des niches enrichies de coquilles et de bas-reliefs d'or, avec des statues de Méléagre et d'Atalante; mais peintes avec tant d'art et dans un jour si favorable, qu'on a peine à croire qu'elles ne soient pas de relief, et même quatre pilastres peints de marbre et d'ordre ionique, aux côtés de ces niches, semblent si vrais, que les yeux y sont trompés de près comme de loin. »

Deux grands lustres d'argent et huit girandoles de cristal portées par des guéridons dorés éclairaient la salle. Les portières et les tabourets étaient de velours vert galonné d'or. Tout cela a disparu aujourd'hui quatre vases d'albâtre à godrons contournés, du temps de Louis XIV, et des appliques de l'époque de Louis-Philippe se remarquent seulement dans ce salon.

« Cette salle, dit le Mercure, étant destinée pour la collation, on voit tout autour plusieurs tables sur lesquelles elle est dressée. Ces tables sont couvertes de flambeaux d'argent et de corbeilles de filigrane, rondes, longues et carrées. Les fruits crus, les citrons, les oranges, les pâtes et les confitures sèches de toutes sortes, accompagnées de fleurs, les remplissent en pyramides. Comme toute cette collation n'est servie que pour être entièrement dissipée, elle demeure exposée pendant les quatre heures que durent les divertissemens, et

1 Cette statue est placée aujourd'hui sur le palier du premier étage de l'escalier des Princes. On mit d'abord à sa place un Cincinnatus antique, qui est au Louvre, et enfin le groupe des Trois Grâces de Pradier.

*Ces peintures existent encore.

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Ou pillée, comme l'on disait alors. Chacun avait le droit d'emporter ce qu'il pouvait prendre.

chacun choisit et prend soi-même ce qui est le plus de son goût. 2

Salle de Diane ou salle de Billard (108).

Comme la précédente, toute la salle de Diane est revêtue de marbre avec de grands ornements en cuivre ciselé et doré.

Le plafond, peint par Blanchard, représente Diane, entourée du Sommeil et des Songes agréables. Les Nymphes qui l'accompagnent préparent des filets pour la pêche et la chasse. Quatre tableaux cintrés représentent, dans les côtés de la voûte, les princes qui ont le mieux réussi dans la navigation ou qui se sont le plus adonnés à la chasse1. Des ornements, en rapport avec le sujet principal, enrichissent les bordures, les angles et la frise. Les bas-reliefs de cuivre doré qui sont au-dessus des portes représentent Diane et Actéon; Diane protégeant Aréthuse; une offrande de fleurs et un sacrifice faits à Diane.

Le sujet du tableau de la cheminée, peint par Delafosse, était Iphigénie que Diane enlève lorsqu'elle est prête à être sacrifiée'. Vis-à-vis, Blanchard avait représenté Diane et Endymion'. Ces deux tableaux étaient encadrés dans des bordures de marbre campan-vert accompagnées de guirlandes en cuivre doré, qui existent encore.

« Vis-à-vis des fenêtres, dit Félibien, il y a dans l'enfoncement du milieu un piédouche avec des trophées de bronze en bas-relief posés ensemble sur un grand socle. C'est là que le buste du Roi fait en marbre par le chevalier Bernin (en 1665), est placé sous une couronne portée par des enfants ailés de bronze doré. »

« Quatre grands lustres d'argent, lit-on dans le Mercure, et quatre chandeliers de même matière, et de 2 pieds de haut, posés sur des guéridons dorés de 6 pieds, sont aux angles

Les sujets des voussures sont : Cyrus à la chasse du sanglier (Audran); César envoyant une colonie romaine à Carthage (Audran);

Jason et

les Argonautes (Delafosse); — Alexandre à la chasse du lion (Delafosse). Il y a aujourd'hui un portrait de Marie-Thérèse, attribué à Beaubrun.

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Il y a aujourd'hui une répétition du portrait de Louis XIV par Rigaud, dont l'original est au Louvre.

d'un billard couvert d'un grand tapis traînant à terre, de velours cramoisi garni d'une frange d'or au bas. Quatre formes1 du même velours galonné d'or, posées sur deux estrades couvertes de tapis de Perse rehaussés d'or et d'argent, servent aux dames quand elles veulent s'asseoir pour regarder jouer au billard. Quatre caisses d'orangers d'argent, de 3 pieds de haut et de 2 de diamètre, posées sur des bases de même matière, hautes d'un pied, et 4 girandoles d'argent portées par des guéridons dorés, sont aux côtés des formes. Une grande cassolette, 4 grands vases et 4 plus petits parent le bord de la cheminée, et 2 chenets d'argent, de 2 pieds de haut, sont au foyer. »>

La plaque de la cheminée est elle-même une œuvre d'art, car rien n'était négligé dans l'ornementation de ces salons. La tablette de la cheminée est décorée d'un petit bas-relief en marbre blanc représentant la Fuite en Egypte. Il a été exécuté par Van Opstal, sur le dessin de Sarrasin'.

On doit citer enfin la belle table en bois sculpté-doré, avec dessus en mosaïque de Florence, exécutée aux Gobelins; c'est un des rares meubles du temps de Louis XIV qui se voient encore à Versailles.

Salon de Mars ou salle de bal et des concerts (109).

Le plafond, peint par Audran, a pour sujet le Dieu des batailles, dont le char est traîné par des loups. Les deux tableaux des extrémités montrent Hercule soutenant la Victoire, par Jouvenet, et la Terreur s'emparant des Puissances de la terre, par Houasse.

Quatre bas-reliefs ronds et deux ovales sont aux côtés de ces trois tableaux et représentent des héros marchant à la guerre. Les bordures, les angles et la frise sont enrichis de

1 Grands bancs sans dossier.

Je donne ici l'opinion de M. le comte Clément de Ris.

3 Ces six tableaux, peints en manière de bas-reliefs d'or, ont pour sujet : César passant en revue ses légions (Audran); Cyrus haranguant ses soldats (Jouvenet); Démétrius Poliorcète prenant une ville (Audran); le triomphe de Constantin (Houasse); Alexandre-Sévère dégradant un officier (Houasse); — Marc-Aurèle faisant consul Albinus (Jouvenet).

trophées d'armes, en relief doré. Six portraits du Titien étaient sur les quatre portes et sur deux cabinets de marqueterie dont on vantait le fini du travail.

Ce salon a eu deux destinations. Il fut d'abord, selon Monicart1, une salle des Gardes. On en fit ensuite une salle pour le jeu, le bal et les concerts, et on construisit alors, au fond de la salle, à droite et à gauche de la cheminée, deux tribunes en marbre destinées aux musiciens, lesquelles furent supprimées vers 1750 o.

Avant la construction des tribunes, il y avait, sur la cheminée, une Sainte-Famille de Paul Véronèse; à droite de la cheminée, les Pèlerins d'Emmaüs du même peintre, et, à gauche, la Famille de Darius par Lebrun3.

Le Mercure nous décrit l'ameublement du salon de Mars, devenu salle de jeu et de concerts:

« Six groupes de figures d'argent, 4 statues et 4 buires du même métal, hauts d'un pied et demi, ornent les deux cabinets. Deux cuvettes d'argent en ovale, de 4 pieds de haut sur 6 de large, portent des vases de 2 pieds, et 4 seaux de même hauteur les accompagnent. Quatre grands buires, de 6 pieds de haut, sont aux angles; et 2 grands lustres, le tout d'argent, pendent aux deux bouts de la chambre. Deux grands miroirs, avec des bordures d'argent à cartouche, sont au-dessus de deux tables, sur lesquelles posent 2 grandes corbeilles, 4 grands chandeliers et 4 petits, aussi d'argent, ainsi que les tables. Des girandoles portées par 4 guéridons de même richesse accompagnent ces deux tables et parent les entredeux des fenêtres. Des chenets et des vases d'argent ornent la cheminée.

» Un trou-madame* de marqueterie, posé sur une table de velours vert, entouré de pentes de velours cramoisi à frange d'or, est au milieu de la chambre. Une table carrée, 4 en

1 Versailles immortalisé.

2 BLONDEL.

On voit dans le journal de Dangeau que les tribunes existaient dès le 6 janvier 1685.

3 Les tableaux que l'on voit actuellement sont un portrait équestre de Louis XIV jeune, le sacre et le mariage de Louis XIV.

* Le trou-madame se jouait avec de petites boules d'ivoire, qu'on poussait dans des ouvertures en forme d'arcades, marquées de différents chiffres.

triangle et 6 à pans sont autour. Toutes ces tables sont couvertes de velours vert, galonné d'or et garnies de flambeaux d'argent à tous leurs angles, posés sur de petits guéridons. On joue sur ces tables à plusieurs sortes de jeux de cartes, ainsi qu'à divers jeux de hasard. La bassette et le hoca en sont bannis, la prudence du Roi l'ayant ainsi jugé à propos pour le bien de ses sujets. On voit encore dans la même chambre des tables pour plusieurs autres jeux nouvellement inventés, et qui selon toutes les apparences n'ont point de quoi engager les joueurs à se servir d'une adresse qui n'est pas permise pour gagner. »

De nombreuses peintures du XVIIe siècle décorent aujourd'hui le salon de Mars; parmi elles nous citerons la prise de Luxembourg, par Van der Meulen et les portraits de Mazarin et de la duchesse de Longueville.

Salon de Mercure ou chambre du lit (110).

Le salon de Mercure a conservé sa décoration primitive, qui est toute de marbre; la cheminée seule a été détruite.

Le plafond, peint par J.-B. de Champagne, représente Mercure sur un char traîné par deux coqs; le dieu est accompagné de la Vigilance, du Soin, de l'Adresse, de la Science, de l'Industrie et de la Musique. Quatre grands tableaux flanquent ce milieu1.

« La tapisserie, dit le Mercure, est d'un velours cramoisi, enrichi d'un gros galon d'or. Le lit, de même étoffe et de même parure, est entouré d'une grande campane d'or en relief et doublé d'or plein. Quatre pommes blanches et couleur de feu, garnies de grandes aigrettes blanches, sont audessus des piliers. Les fauteuils, les tabourets, les portières et les paravens sont comme la tapisserie. Une Assomption et un saint Sébastien d'Annibal Carrache parent le fond de l'alcôve. Au côté droit pend une Musique du Dominiquin, et au gauche une Vierge du Titien. Une Descente de croix, sur la

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Les sujets des voussures, peints également par J.-B de Champagne, représentent Alexandre retenant le philosophe Calanus, Ptolémée dans la bibliothèque d'Alexandrie, Auguste recevant une ambassade d'Indiens, et Alexandre et Aristote.

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