5 ΙΟ Près de lui je me troublai; Il me dit: Bonjour, ma chère, «Il vous a parlé, grand'mère ! «L'an d'après, moi, pauvre femme, A Paris étant un jour, Je le vis avec sa cour: Il se rendait à Notre-Dame. Chacun disait: Quel beau temps ! D'un fils Dieu le rendait père, Le rendait père.» «Quel beau jour pour vous, grand'mère ! Quel beau jour pour vous !» «Mais, quand la pauvre Champagne Fut en proie aux étrangers, Oh! quelle guerre !» «Il s'est assis là, grand'mère ! Il s'est assis là !» 5 ΙΟ 15 20 25 «J'ai faim, dit-il; et bien vite Même à dormir le feu l'invite. «Vous l'avez encore, grand'mère ! «Le voici. Mais à sa perte Lui, qu'un pape a couronné, Fut bien amère !» «Dieu vous bénira, grand'mère, Dieu vous bénira.» BÉRANGER. LA DERNIÈRE CLASSE RÉCIT D'UN PETIT ALSACIEN Ce matin-là j'étais très en retard pour aller à l'école, et j'avais grand'peur d'être grondé, d'autant que1 M. Hamel nous avait dit qu'il nous interrogerait sur les participes, et je n'en savais pas le premier mot. Un moment l'idée me vint de manquer la classe et de prendre ma course à travers champs. Le temps était si chaud, si clair. 5 On entendait les merles siffler à la lisière du bois, et dans le pré Rippert, derrière la scierie, les Prussiens qui faisaient l'exercice. Tout cela me tentait bien plus que 10 la règle des participes; mais j'eus la force de résister, et je courus bien vite vers l'école. En passant devant la mairie, je vis qu'il y avait du monde arrêté près du petit grillage aux affiches. Depuis deux ans, c'est de là que nous sont venues toutes les mau- 15 vaises nouvelles, les batailles perdues, les réquisitions, les ordres de la commandature; et je pensai sans m'arrêter: «Qu'est-ce qu'il y a encore?>> Alors, comme je traversais la place en courant, le forgeron Wachter, qui était là avec son apprenti en train de lire 20 l'affiche, me cria: «Ne te dépêche pas tant, petit; tu y arriveras toujours assez tôt à ton école !» 1 Surtout parce que. 2 Les annonces officielles sont placées, sur le mur de la mairie, derrière un grillage. 3 * vastεir. ΙΟ Je crus qu'il se moquait de moi, et j'entrai tout essoufflé dans la petite cour de M. Hamel. D'ordinaire, au commencement de la classe, il se faisait un grand tapage qu'on entendait jusque dans la rue, les 5 pupitres ouverts, fermés, les leçons qu'on répétait très haut tous ensemble en se bouchant les oreilles pour mieux apprendre, et la grosse règle du maître qui tapait sur les tables: «Un peu de silence!» Je comptais sur tout ce train pour gagner mon banc sans être vu; mais justement ce jour-là tout était tranquille, comme un matin de dimanche. Par la fenêtre ouverte je voyais mes camarades déjà rangés à leurs places, et M. Hamel, qui passait et repassait avec la terrible 15 règle en fer sous le bras. Il fallut ouvrir la porte et entrer au milieu de ce grand calme. Vous pensez, si j'étais rouge et si j'avais peur ! 20 Eh bien, non. M. Hamel me regarda sans colère et me dit très doucement: «Va vite à ta place, mon petit Frantz: nous allions commencer sans toi.»> J'enjambai le banc et je m'assis tout de suite à mon pupitre. Alors seulement, un peu remis de ma frayeur,1 je remarquai que notre maître avait sa belle redingote 25 verte, son jabot plissé fin et la calotte de soie noire brodée qu'il ne mettait que les jours d'inspection ou de distribution de prix. Du reste, toute la classe avait quelque chose d'extraordinaire et de solennel. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de voir au fond de la salle, sur les bancs qui 30 restaient vides d'habitude, des gens du village assis et 1 Calmé, rassuré. |