Henriette: obtenir ta main . . . tous deux nous conviennent .. mais nous ne voulons pas contrarier ta volonté, et nous avons résolu de te laisser l'entière liberté du choix. Comment! Madame Perrichon: L'un de ces jeunes gens est M. Armand Desroches. Henriette: Ah! Perrichon (vivement): N'influence pas! . . . Madame Perrichon: L'autre est M. Daniel Savary. . Perrichon: Un jeune homme charmant, distingué, spirituel, et qui, je ne le cache pas, a toutes mes sympathies. Madame Perrichon: Mais tu influences. 5 ΤΟ 15 fille.) Maintenant te voilà éclairée . . . choisis.. Henriette: Mon Dieu! . . . vous m'embarrassez beaucoup... et je suis prête à accepter celui 20 que vous me désignerez. Perrichon: Non! non! décide toi-même ! Madame Perrichon: Parle, mon enfant! Henriette: Eh bien! puisqu'il faut absolument faire un choix, je choisis . . . M. Armand. Madame Perrichon: Là! Perrichon: Armand! Pourquoi pas Daniel? Henriette: Mais M. Armand t'a sauvé, papa. Perrichon: Allons bien! Encore? C'est fatigant, ma parole d'honneur ! 1 Pas du tout. 25 330 Perrichon: Ah! mais permets, chère amie, un père ne peut pas abdiquer. Je réfléchirai, je Daniel: C'est vous. (A part.) Pauvre gar Mon pauvre ami! Quoi donc ? Dans la campagne que nous venons de faire, vous avez commis fautes sur fautes. Armand (étonné): Moi? 25 Daniel: Vous aimez trop à rendre service. . . c'est une passion malheureuse !1 Armand (riant): Ah! par exemple! 1 C'est une passion, un goût, qui ne vous réussit pas. Daniel: Croyez-moi j'ai vécu plus que vous,1 et dans un monde . . . plus avancé! Avant d'obliger un homme, assurez-vous bien d'abord que cet homme n'est pas un imbécile. 5. Armand: Daniel: Armand: Pourquoi? Parce qu'un imbécile est incapable de suppor- Et pourtant vous lui avez sauvé la vie. Vous 1 Je connais mieux la vie que vous. pas monter à cheval; secundo, qu'il a eu tort de mettre des éperons, malgré l'avis de sa femme; tertio, qu'il a fait en public une culbute ridicule. D'où je conclus que ledit Perrichon vous déteste; votre présence l'humilie, il est votre obligé, votre inférieur ! vous l'écrasez, cet homme! ... Mais c'est de l'ingratitude! . . . L'ingratitude est une variété de l'orgueil. C'est l'indépendance du cœur, a dit un aimable philosophe. Or, monsieur Perrichon est le carrossier le plus indépendant de la carrosserie française! J'ai flairé cela tout de suite. . . . Aussi ai-je suivi une marche tout à fait opposée à la vôtre. Laquelle ? .. Vous ne comprenez pas? Donner à un carrossier l'occasion de sauver son semblable, sans danger pour lui, c'est un coup de maître! Aussi, depuis ce jour, je suis sa joie, son triomphe, son fait d'armes! Je le tiens, comme la vanité tient l'homme! Je l'imprime dans le journal . . . à trois francs la ligne! Ah bah ! c'est vous? Parbleu! Demain je le fais peindre à l'huile ... en tête-à-tête avec le mont Blanc ! J'ai demandé un tout petit mont Blanc et un immense Perrichon! Enfin, mon ami, retenez bien ceci . . . et surtout gardez moi le secret: les hommes ne s'attachent point à nous en raison des services que nous leur rendons, mais en raison de ceux qu'ils nous rendent ! Les Mêmes, Perrichon, Madame Perrichon, Henriette Perrichon (entrant accompagné de sa femme et de sa fille; il est très grave): Messieurs, je suis heureux de vous trouver ensemble . vous m'avez 5 fait tous deux l'honneur de me demander la vous allez connaître 10 main de ma fille . ma décision. Armand (à part): Voici le moment. Perrichon (à Daniel, souriant): Monsieur Daniel . . . mon Armand (à part): Je suis perdu ! Daniel (remerciant): Ah! monsieur ! pour vous . . . je 15 moins haut quand vous serez près d'une porte. Daniel (étonné): Ah bah! Perrichon: Oui . . . je vous remercie de la leçon. (Haut.) moins, mais vous me plaisez davantage . . . je vous donne ma fille. Armand: Ah! monsieur! . . . Perrichon: Et remarquez que je ne cherche pas à m'ac quitter envers vous je désire rester 30 votre obligé . . . (regardant Daniel) car |