Rien, c'est-à-dire des prunelles, des mûres dans les ronces des graines de myrtilles, des pousses de fougères. . . . L'aîné des enfants qui semblait comprendre, dit: Le sergent tira de sa poche un morceau de pain de munition et le tendit à la mère. La mère rompit le pain en deux morceaux et les donna aux enfants. Les enfants mordirent avidement. 5 ΤΟ Elle n'en a pas gardé pour elle, grommela le sergent. 15 C'est qu'elle est mère, dit le sergent. Il faut bien. Je cours de toutes mes forces, et 20 puis je marche et puis je tombe. . . . Heureusement, c'est l'été. Les soldats silencieux formaient cercle autour de cette misère. Une veuve, trois orphelins, la fuite, l'abandon, la soli- 25 tude, la guerre, la faim, la soif, pas d'autre nourriture que l'herbe, pas d'autre toit que le ciel. Le sergent éleva la voix. Camarades, de tout ça je conclus que le bataillon va devenir père. Est-ce convenu? Nous adoptons ces trois 30 enfants-là. Vive la République ! crièrent les grenadiers. Le sergent étendit les deux mains au-dessus de la mère et des enfants. Voilà, dit-il, les enfants du bataillon du Bonnet5 Rouge. La vivandière sauta de joie. . . . Vive la République ! répétèrent les soldats. PROVERBES VICTOR HUGO.1 Tous les chiens qui aboient ne mordent pas. Chaque médaille a son revers. Qui casse les verres, les paye. Quand les chats n'y sont pas, les rats dansent sur la table. Il n'y a rien de tel que balai neuf. Qui tend un piège, s'y prend le premier. Les absents ont toujours tort. On ne pense guère à la maison d'autrui quand le feu est à la nôtre. DIDEROT.2 MORT DE MARIE-ANTOINETTE (1793) Trois cent mille hommes ne se sont pas couchés; le reste s'est éveillé avant le tambour. La cour de la Conciergerie, 1 viktɔ:r ygo. 2 didro. 3 mari atwanɛt. Marie-Antoinette (1755-1793), reine de France et épouse de Louis XVI. Elle était fille de Marie-Thérèse, impératrice d'Autriche. [otris.] 'kɔ̃ sjɛrzri. La Conciergerie, fameuse prison de Paris, se trouvait autrefois sous la direction d'un concierge, sorte de gouverneur; de là son nom. le pavé, la fenêtre, le parapet, la grille, la balustrade, le toit: le peuple a tout envahi; il emplit tout et il attend. Onze heures sonnent dans le murmure de cette foule silencieuse. Toutes les têtes, tous les regards, tous les yeux sont en arrêt et dévorent la charrette, ses roues crottées, 5 sa banquette faite d'une planche, son plancher sans paille, son fort cheval blanc, et l'homme, à la tête du cheval. Les minutes semblent longues. Un bruit sourd court parmi la foule, un officier fait un commandement, la grille s'ouvre: c'est la reine, en blanc. ΤΟ Derrière la reine, tenant les bouts d'une grosse ficelle qui lui retire les coudes en arrière, marche Sanson.1 La reine fait quelques pas; elle est à la petite échelle qui monte au marchepied trop court. Sanson s'avance pour la soutenir de la main. La reine le remercie d'un signe, monte 15 seule et veut enjamber la banquette pour se placer en face du cheval, lorsque Sanson et son aide lui disent de se retourner. Le prêtre Girard, en habit bourgeois, monte dans la charrette et s'assied aux côtés de la reine. Sanson se place derrière, le tricorne à la main, debout, laissant, avec 20 un soin visible, flotter les cordes qui tiennent les bras de la reine. La charrette sort de la cour et débouche dans la multitude. Le peuple se rue et se tait d'abord. La reine est vêtue d'un méchant manteau de piqué 25 blanc, par-dessus une robe noire. Un bonnet de linon cache au peuple les cheveux que la Révolution lui a faits, des cheveux tout blancs. La reine est pâle; le sang tache ses pommettes et injecte ses yeux; sa tête est droite, et son regard se promène devant elle, indifférent, sur les 30 1 Sanson, le chef des bourreaux. |