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Vignaud

12-31-26

CHRISTIANISME

ET

LIBRE EXAMEN

CHAPITRE XII

PROPAGATION DU CHRISTIANISME.

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Loi commune à l'établissement des religions positives. Progrès de l'Évangile. Caractère des apôtres. -Leur témoignage opposé à celui des prêtres juifs. Explication de leur conduite. - Influence de saint Paul. Prédication chez les Gentils. Circonstances favorables au christianisme. Doctrines populaires de l'Évangile. Scepticisme et incrédulité des Romains. Tolérance du gouvernement impérial. Premières persécutions.

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Prosélytisme

chrétien.
du christianisme. Constance des martyrs.

Conversion de Constantin. — Triomphe et intolérance

Martyrs juifs et

protestants.

Les apologistes rangent d'ordinaire parmi leurs preuves extrinsèques ou historiques les progrès merveilleux et le triomphe définitif de l'Évangile. Nous

allons voir que si jamais religion positive a conquis sa place au soleil péniblement et à la sueur de son front, c'est à coup sûr le christianisme. La protection surnaturelle dont il se glorifie ne lui a ni frayé une voie facile, ni abrégé ses jours d'épreuves. Il est vrai que, suivant une des lois de l'ordre moral aussi bien que de l'ordre physique, cette extrême lenteur d'accroissement lui promet une longévité exceptionnelle, et c'est le vœu de la philosophie comme l'espérance de la foi.

L'établissement du christianisme offre, sans aucune exception, toutes les phases communes aux institutions humaines : une origine humble et obscure; une marche graduelle, souvent interrompue; de continuelles divisions intérieures, de grandes vertus et de grands caractères suivis d'une corruption hâtive; une longue alternative de succès et de revers, selon le caprice des empereurs; une supériorité décisive, après trois siècles d'enfantement, et, après trois autres siècles un échec irréparable devant les conquêtes de l'islamisme; bientôt un démembrement fatal par le célèbre schisme d'Orient; plus tard encore un nouveau morcellement par l'invasion de la réforme ; une vie de labeurs et de combats sans trêve avec les hérésies, les sectes et le libre examen; un affaiblissement presque général en Europe, au dix-huitième siècle, et, après des épreuves accablantes, un retour inespéré de crédit et de fortune dans le nôtre. Au point de vue philosophique, il n'y a rien là qui ne s'explique naturellement, sans recours à une intervention miraculeuse;

rien qui ne rentre dans le cours habituel des enseignements de l'histoire.

Quand on suit attentivement la longue lutte du christianisme avec le polythéisme, et plus tard celle de la réforme avec la papauté, on s'aperçoit que les avantages et les disgrâces, les victoires et les défaites, les conquêtes et les revers, sont constamment en raison directe des efforts, de l'activité, de l'industrie des parties belligérantes; et cette grande loi devient tellement manifeste qu'elle dispense de recourir à l'hypothèse d'une interposition surnaturelle. On ne voit nulle part de nouveau culte s'élever et grandir, sinon au prix de son sang et par le sacrifice de la vie ou du repos de ses fondateurs. La Providence n'en favorise aucun d'une manière visible ou ne lui ménage des succès faciles. Il n'en est pas un seul non plus dont l'avénement n'ait quelque chose d'imprévu et en apparence d'inexplicable. Quoi de plus étrange, sans doute, que l'influence morale de quelques pauvres pêcheurs et artisans, prédicateurs de l'Évangile? Mais quoi de plus étonnant aussi que la rapide fortune d'un simple conducteur de chameaux, tout à fait illettré; ou bien que la lutte corps à corps et le triomphe durable d'un moine obscur sur les souverains pontifes, qui avaient tant de fois humilié l'Empire et toutes les puissances temporelles? Si l'on voit dans une seule de ces révolutions « le doigt de Dieu, » comme le disent volontiers les théologiens, il faut bien le reconnaître également dans toutes les autres du même genre.

Les apologistes raisonnent exactement comme si

aucun culte fondé sur l'imposture ne s'était établi dans le monde, n'avait réussi, grâce à la crédulité d'une portion du genre humain, et ne s'était perpétué, durant une longue suite de siècles, sans protection surnaturelle. En même temps, ils proclament que toutes les religions positives sont fausses, hormis une seule; ils ne trouvent pas le moindre sujet d'étonnement dans la propagation et la durée de ces fausses religions; et ils sont prêts à expliquer tout cela de la manière la plus simple et la plus rationnelle. « Il n'y a jamais eu d'autre religion que le christianisme, dit Daniel Wilson, qui ait eu des titres légitimes à la confiance de ses disciples 1. » S'il en est ainsi, que penser des duperies de la foi dans le monde presque tout entier?

L'évêque Sumner s'exprime ainsi, au début de son livre : « On peut rejeter l'hypothèse d'une révélation extérieure; on peut déclarer incroyable une intervention spéciale dans l'ordre de la nature; mais il reste encore un miracle qui défie tous les doutes et résiste à tous les sophismes. La religion chrétienne existe, et comment se fait-il qu'elle existe, à moins qu'on n'admette la réalité des événements qui expliquent son origine et sa propagation 2? » Deux pages plus loin, il fournit lui-même une réponse catégorique à sa propre objection: « Je sais que quelques-unes des circonstances favorables au christianisme militent également pour d'autres religions. Les anciens habitants

1. The Evidences of christianity, lect. XXV. 2. Evidence of christianity, préface, p. vii.

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