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putes de religion y étoient inconnues; pourvù qu'on allât adorer au temple, chaque citoyen étoit grand pontife dans sa famille.

Les Romains étoient encore plus tolérants que les Grecs, qui ont toujours gâté tout: chacun sait la malheureuse destinée de Socrate.

Il est vrai que la religion égyptienne fut toujours proscrite à Rome : c'est qu'elle étoit intolérante, qu'elle vouloit régner seule, et s'établir sur les débris des autres; de maniere que l'esprit de douceur et de paix qui régnoit chez les Romains fut la véritable cause de la guerre qu'ils lui firent sans relâche. Le sénat ordonna d'abattre les temples des divinités égyptiennes ; et Valere-Maxime (1) rapporte à ce sujet qu'Emilius-Probus donna les premiers coups, afin d'encourager par son exemple les ouvriers, frappés d'une crainte superstitieuse.

Mais les prêtres de Sérapis et d'Isis avoient encore plus de zele pour établir ces cérémonies qu'on n'en avoit à Rome pour les proscrire. Quoiqu'Auguste, au rapport de Dion (2), en eût défendu l'exercice dans Rome, Agrippa, qui commandoit dans la ville en son absence, fut obligé de le défendre une seconde fois. On peut voir dans Tacite et dans Suétone les fréquents arrêts que le sénat fut obligé de rendre pour bannir ce culte de Rome.

Il faut remarquer que les Romains confondirent les Juifs avec les Egyptiens, comme on

(1) Liv. 1, chap. 3, art. 3. —(2) Liv. 34.

sait qu'ils confondirent les chrétiens avec les Juifs ces deux religions furent long-temps regardées comme deux branches de la premiere, et partagerent avec elle la haine, le mépris et la persécution des Romains. Les mêmes arrêts qui abolirent à Rome les cérémonies égyptiennes mettent toujours les céré monies juives avec celles-ci, comme il paroît par Tacite (1), et par Suétone, dans les vies de Tibere et de Claude. Il est encore plus clair que les historiens n'ont jamais distingué le culte des chrétiens d'avec les autres. On n'étoit pas même revenu de cette erreur du temps d'Adrien, comme il paroît par une lettre que cet empereur écrivit d'Egypte au consul Servianus (2): « Tous ceux qui en Egypte adorent Sérapis sont chrétiens, et ceux même qu'on appelle évêques sont attachés au culte de Sérapis. Il n'y a point de Juif, de prince de « synagogue, de Samaritain, de prêtre des chrétiens, de mathématicien, de devin, de

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(1) Annal., lib. 2, c. 85. — (2) Illi qui Serapin colunt, christiani sunt; et devoti sunt Serapi, qui se Christi episcopos dicunt. Nemo illic archi-synagogus Judæorum, nemo Samarites, nemo christianorum presbyter, non mathematicus, non aruspex, non aliptes, qui non Serapin colat. Ipse ille patriarcha (Judæorum scilicet) cùm Aegyptum venerit, ab aliis Serapin adorare, ab aliis cogitur Christum. Unus illis deus est Serapis : hunc Judæi, hunc christiani, hunc omnes venerantur et gentes (Flavius Vopiscus, in vita Saturnini. Vid., Historice augustæ scriptores, in-fol. 1620, page 245; et in-8°, 1671, tom. 2, page 719.)

GR. DES ROM.

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<< baigneur, qui n'adore Sérapis. Le patriarche « même des Juifs adore indifféremment Séra

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pis et le Christ. Ces gens n'ont d'autre dieu « que Sérapis: c'est le dieu des chrétiens, des Juifs, et de tous les peuples ». Peut-on avoir des idees plus confuses de ces trois religions, et les confondre plus grossièrement ?

Chez les Egyptiens, les prêtres faisoient un corps à part, qui étoit entretenu aux dépens du public: de la naissoient plusieurs inconvénients; toutes les richesses de l'état se trouvoient englouties dans une société de gens qui, recevant toujours et ne rendant jamais, attiroient insensiblement tout à eux. Les prêtres d'Egypte, ainsi gagés pour ne rien faire, languissoient tous dans une oisiveté dont ils ne sortoient qu'avec les vices qu'elle produit: ils étoient brouillons, inquiets, entreprenants; et ces qualités les rendoient extrêmement dangereux. Enfin un corps dont les intérêts avoient été violemment séparés de ceux de l'état étoit un monstre; et ceux qui l'avoient établi avoient jeté dans la société une semence de discorde et de guerres civiles. Il n'en étoit pas de même à Rome: on y avoit fait de la prêtrise une charge civile; les dignités d'augure, de grand pontife, étoient des magistratures; ceux qui en étoient revêtus étoient membres du sénat, et par con, séquent n'avoient pas des intérêts différents de ceux de ce corps. Bien loin de se servir de la superstition pour opprimer la république, ils l'employoient utilement à la soutenir, « Dans

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