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craignoit les Goths (1): il avoit marié son fils avec la fille du roi des Goths; et, lui ayant ensuite fait couper le nez, il l'avoit renvoyée : il s'unit donc avec Attila. Les deux empires, comme enchaînés par ces deux princes, n'osoient se secourir. La situation de celui d'occident fut sur-tout déplorable: il n'avoit point de forces de mer; elles étoient toutes en orient (2), en Egypte, Chypre, Phénicie, Ionie, Grece, seuls pays où il y eût alors quelque commerce. I.es Vandales et d'autres peuples attaquoient par-tout les côtes d'occident. Il vint une ambassade des Italiens à Constantinople, dit Priscus (3), pour faire savoir qu'il étoit impossible que les affaires se soutinssent sans aucune réconciliation avec les Vandales.

Ceux qui gouvernoient en occident ne manquerent pas de politique : ils jugerent qu'il falloit sauver l'Italie, qui étoit en quelque façon la tête et en quelque façon le cœur de l'empire. On fit passer les barbares aux extrémités, et on les y plaça. Le dessein étoit bien conçu, il fut bien exécuté. Ces nations ne demandoient que la subsistance: on leur donnoit les plaines; on se réservoit les pays montagneux, les passages des rivieres, les défilés, les places sur les grands fleuves; on gardoit la souveraineté. Il y a apparence que ces peuples auroient été for

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(1) Voyez Jornandès, de Rebus geticis, c. 36.(2) Cela parut sur-tout dans la guerre de Constantin et de Licinius. (3) Priscus, 1. 2.

cés de devenir Romains; et la facilité avec laquelle ces destructeurs furent eux-mêmes détruits par les Francs, par les Grecs, par les. Maures, justifie assez cette pensée. Tout ce systême fut renversé par une révolution plus fatale que toutes les autres: l'armée d'Italie, composée d'étrangers, exigea ce qu'on avoit accordé à des nations plus étrangeres encore: elle forma sous Odoacer une aristocratie qui se donna le tiers des terres de l'Italie; et ce fnt le coup mortel porté à cet empire.

Parmi tant de malheurs on cherche avec une curiosité triste le destin de la ville de Rome. Elle étoit pour ainsi dire sans défense; elle pouvoit être aisément affamée; l'étendue de ses murailles faisoit qu'il étoit très difficile de les garder; comme elle étoit située dans une plaine, on pouvoit aisément la forcer; il n'y avoit point de ressource dans le peuple, qui en étoit extrêmement diminué. Les empereurs furent obligés de se retirer à Ravenne, ville autrefois défendue par la mer, comme Venise l'est aujourd'hui.

Le peuple romain, presque toujours abandonné de ses souverains, commença à le devenir et à faire des traités pour sa conservation (1); ce qui est le moyen le plus légitime

(1) Du temps d'Honorius, Alaric, qui assiégeoit Rome, obligea cette ville à prendre son alliance, même contre l'empereur, qui ne put s'y opposer. Procope, Guerre des Goths, 1. 1. Voyez Zosime, 1.6.

d'acquérir la souveraine puissance. C'est ainsi que l'Armorique et la Bretagne commencerent à vivre sous leurs propres lois. (1)

Telle fut la fin de l'empire d'occident. Rome s'étoit agrandie parcequ'elle n'avoit eu que des guerres successives, chaque nation, par un bonheur inconcevable, ne l'attaquant que quand l'autre avoit été ruinée. Rome fut détruite, parceque toutes les nations l'attaquerent à la fois et pénétrerent par-tout.

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1. Des conquêtes de Justinien. 2. De son gou

vernement.

Сомм COMME tous ces peuples entroient pêle-mêle dans l'empire, ils s'incommodoient réciproquement; et toute la politique de ces temps-là fut de les armer les uns contre les autres; ce qui étoit aisé à cause de leur férocité et de leur avarice. Ils s'entre-détruisirent pour la plupart avant d'avoir pu s'établir; et cela fit que l'empire d'orient subsista encore du temps.

D'ailleurs le nord s'épuisa lui-même, et l'on n'en vit plus sortir ces armées innombrables

qui parurent d'abord; car, après les premieres invasions des Goths et des Huns, sur-tout depuis la mort d'Attila, ceux-ci et les peuples qui les suivirent attaquerent avec moins de forces.

Lorsque ces nations, qui s'étoient assemblées en corps d'armée, se furent dispersées en peuples, elles s'affoiblirent beaucoup; répandues dans les divers lieux de leurs conquêtes, elles furent elles-mêmes exposées aux invasions. Ce fut dans ces circonstances que Justinien entreprit de reconquérir l'Afrique et l'Ita lie, et fit ce que nos François exécuterent aussi heureusement contre les Wisigoths, les Bourguignons, les Lombards, et les Sarrasins.

Lorsque la religion chrétienne fut apportée aux barbares, la secte arienne étoit en quelque façon dominante dans l'empire. Valens leur › envoya des prêtres ariens, qui furent leurs premiers apôtres. Or, dans l'intervalle qu'il y eut entre leur conversion et leur établissement, cette secte fut en quelque façon détruite chez les Romains: les barbares ariens ayant trouvé tout le pays orthodoxe n'en purent jamais gagner l'affection; et il fut facile aux empereurs de les troubler.

D'ailleurs ces barbares dont l'art et le génie n'étoient guere d'attaquer les villes et encore moins de les défendre en laisserent tomber les murailles en ruine. Procope nous apprend que Bélisaire trouva celles d'Italie en cet état.

Celles d'Afrique avoient été démantelées par Genséric (1), comme celles d'Espagne le furent dans la suite par Vitisa (2), dans l'idée de s'assu rer de ses habitants.

La plupart de ces peuples du nord, établis dans les pays du midi, en prirent d'abord la mollesse, et devinrent incapables des fatigues de la guerre (3). Les Vandales languissoient dans la volupté; une table délicate, des habits efféminés, des bains, la musique, la danse, les jardins, les théâtres, leur étoient devenus nécessaires.

Ils ne donnoient plus d'inquiétude aux Romains (4), dit Malchus (5), depuis qu'ils avoient cessé d'entretenir les armées que Genséric tenoit toujours prêtes, avec lesquelles il prévenoit ses ennemis, et étonnoit tout le monde par la facilité de ses entreprises.

La cavalerie des Romains étoit très exercée à tirer de l'arc; mais celle des Goths et des Vandales ne se servoit que de l'épée et de la lance, et ne pouvoit combattre de loin (6): c'est à cette différence que Bélisaire attribuoit une partie de ses succès.

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-(2) Maria

(1) Procope, Guerre des Vandales, 1. 1. — na, Histoire d'Espagne, I. 6, ch. 19. (3) Procope, Guerre des Vandales, 1. 2.-( -(4) Du temps d'Honoric.(5) Histoire byzantine, daus l'Extrait des ambassades.— (6) Voyez Procope, Guerre des Vandales, l. 1, et le même auteur, Guerre des Goths, 1. 1. Les archers goths étoient à pied; ils étoient peu instruits.

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