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Lorsque Constantius envoya Julien dans les Gaules, il trouva que cinquante villes le long du Rhin 'avoient été prises par les barbares; que les provinces avoient été saccagées; qu'il n'y avoit plus que l'ombre d'une armée romaine, que le seul nom des ennemis faisoit fuir.

Ce prince, par sa sagesse, sa constance, son économie, sa conduite, sa valeur, et une suite continuelle d'actions héroïques, rechassa les barbares 2; et la terreur de son nom les contint tant qu'il vécut 3.

La brièveté des règnes, les divers partis politiques, les différentes religions, les sectes particulières de ces religions, ont fait que le caractère des empereurs est venu à nous extrêmement défiguré. Je n'en donnerai que deux exemples. Cet Alexandre, si lâche dans Héro

furent entièrement abolis sous Honorius, comme il paroît par Théodoret et Othon de Frisingue. Les Romains ne retinrent de leurs anciens spectacles que ce qui pouvoit affoiblir les courages, et servoit d'attrait à la volupté. (M.) Dans les temps précédents, avant que les soldats partissent pour l'armée, on leur donnoit un combat de gladiateurs pour les accoutumer à voir le sang, le fer et les blessures, et à ne pas craindre l'ennemi. (JULES CAPITOLIN, Vie de Maxime et de Balbin.) (Edit de 1734.) vant le chap. II.

1 AMMIEN MARCELLIN, liv. XVI, XVII, XVIII. (M.) 2 AMMIEN MARCELLIN, ibid. (M.)

Voyez ci-de

3 Voyez le magnifique éloge qu'Ammien Marcellin fait de ce. prince, liv. XXV; voyez aussi les fragments de l'Histoire de Jean d'Antioche. (M.)

dien, paroît plein de courage dans Lampridius; ce Gratien, tant loué par les orthodoxes, Philostorgue le compare à Néron.

Valentinien sentit plus que personne la nécessité de l'ancien plan; il employa toute sa vie à fortifier les bords du Rhin, à y faire des levées, y bàtir des châteaux, y placer des troupes, leur donner le moyen d'y subsister. Mais il arriva dans le monde un événement qui détermina Valens, son frère, à ouvrir le Danube, et eut d'effroyables suites.

Dans le pays qui est entre les Palus-Méotides, les montagnes du Caucase et la mer Caspienne, il y avoit plusieurs peuples qui étoient la plupart de la nation des Huns ou de celle des Alains; leurs terres étoient extrêmement fertiles; ils aimoient la guerre et le brigandage; ils étoient presque toujours à cheval, ou sur leurs chariots, et erroient dans le pays où ils étoient enfermés; ils faisoient bien quelques ravages sur les frontières de Perse et d'Arménie; mais on gardoit aisément les portes Caspiennes, et ils pouvoient difficilement pénétrer dans la Perse par ailleurs. Comme ils n'imaginoient point qu'il fût possible de traverser les Palus-Méotides ', ils ne connoissoient pas les Romains; et, pendant que d'autres barbares ravageoient l'empire, ils restoient dans les limites que leur ignorance leur avoit données.

1 PROCOPE, Histoire mêlée. (M.)

1

Quelques uns ont dit que le limon que le Tanaïs avoit apporté avoit formé une espèce de croûte sur le Bosphore cimmérien, sur laquelle ils avoient passé; d'autres 2, que deux jeunes Scythes, poursuivant une biche qui traversa ce bras de mer, le traversèrent aussi. Ils furent étonnés de voir un nouveau monde; et, retournant dans l'ancien, ils apprirent à leurs compatriotes les nouvelles terres, et, si j'ose me servir de ce terme, les Indes qu'ils avaient découvertes 3.

D'abord des corps innombrables de Huns passèrent; et, rencontrant les Goths les premiers, ils les chassèrent devant eux. Il sembloit que ces nations se précipitassent les unes sur les autres, et que l'Asie, pour peser sur l'Europe, eût acquis un nouveau poids.

Les Goths effrayés se présentèrent sur les bords du Danube, et, les mains jointes, demandèrent une retraite. Les flatteurs de Valens saisirent cette occasion, et la lui représentèrent comme une conquête heureuse d'un nouveau peuple qui venoit défendre l'empire et l'enrichir *.

Valens ordonna qu'ils passeroient sans armes; mais, pour de l'argent, ses officiers leur en laissèrent tant qu'ils voulurent 5. Il leur fit distribuer des terres;

1 ZOSIME liv. IV. (M.)

2 JORNANDÈS, de Rebus geticis; Histoire mêlée de Procope. (M.) 3 Voyez SOZOMÈNE, liv. VI. (M.)

4 AMM. MARCELLIN, liv. XXIX. (M.)

5 De ceux qui avoient reçu ces ordres, celui-ci conçut un

mais, à la différence des Huns, les Goths n'en cultivoient point; on les priva même du blé qu'on leur avoit promis ils mouroient de faim, et ils étoient au milieu d'un pays riche; ils étoient armés, et on leur faisoit des injustices. Ils ravagèrent tout depuis le Danube jusqu'au Bosphore, exterminèrent Valens et son armée, et ne repassèrent le Danube que pour abandonner l'affreuse solitude qu'ils avoient faite 2.

amour infame; celui-là fut épris de la beauté d'une femme barbare; les autres furent corrompus par des présents, des habits de lin, et des couvertures bordées de franges on n'eut d'autre soin que de remplir sa maison d'esclaves, et ses fermes de bétail. (Histoire de Dexipe.) (M.)

1

Voyez l'Histoire gothique de Priscus, ou cette différence est bien établie.

On demandera peut-être comment des nations qui ne cultivoient point les terres pouvoient devenir si puissantes, tandis que celles de l'Amérique sont si petites. C'est que les peuples pasteurs ont une subsistance bien plus assurée que les peuples chasseurs.

Il paroît, par Ammien Marcellin, que les Huns dans leur première demeure ne labouroient point les champs; ils ne vivoient que de leurs troupeaux dans un pays abondant en pâturages, et arrosé par quantité de fleuves, comme font encore aujourd'hui les petits Tartares, qui habitent une partie du même pays. Il y a apparence que ces peuples, depuis leur départ, ayant habité des lieux moins propres à la nourriture des troupeaux, commencèrent à cultiver les terres. (M.)

2 Voyez Zosime, liv. IV; voyez aussi Dexipe, dans l'Extrait des ambassades de Constantin Porphyrogénète. (M.)

CHAPITRE XVIII.

Nouvelles maximes prises par les Romains.

Quelquefois la lâcheté des empereurs, souvent la foiblesse de l'empire, firent que l'on chercha à apaiser par de l'argent les peuples qui menaçoient d'envahir'. Mais la paix ne peut pas s'acheter, parceque celui qui l'a vendue n'en est que plus en état de la faire acheter encore.

Il vaut mieux courir le risque de faire une guerre malheureuse que de donner de l'argent pour avoir la paix; car on respecte toujours un prince lorsqu'on sait qu'on ne le vaincra qu'après une longue résis

tance.

D'ailleurs ces sortes de gratifications se changeoient en tributs, et, libres au commencement, devenoient nécessaires : elles furent regardées comme des droits acquis; et lorsqu'un empereur les refusa à quelques peuples, ou voulut donner moins, ils devinrent de

'On donna d'abord tout aux soldats; ensuite on donna tout aux ennemis. (M.)

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