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Condamine font revenus, chargés, pour ainfi dire, des témoigna ges du génie de Newton, & il a été démontré que la terre, en vertu de fa viteffe de rotation & de l'attraction mutuelle de fes parties, a quitté lá figure d'un globe parfaitement fphérique, pour prendre celle d'un fphéroïde, c'est-à-dire, d'un globe plus élevé vers l'Equateur & plus abaiffé vers les pôles. Ce voyage de nos favans Académiciens, envoyés par Louis XV dans les climats les plus oppofés de la terre, pour en dreffer la mesure exacte, nous invite à parler de l'étendue du globe fur laquelle les Anciens & les Modernes femblent avoir épuifé leur curiofité. Et

Tome I.

C

quel fujet plus noble & plus im portant méritoit mieux en effet les efforts & la hardieffe de l'induftrie humaine! Jettés fur ce globe, où nous tenons fi peu d'efpace, fur ce globe qui femble s'aggrandir à nos yeux de notre petiteffe; il eft curieux, il eft intéreffant de nous voir nous agiter pour parvenir à une connoiffance précife des dimenfions de notre féjour, fur-tout fi l'on réfléchit que ne pouvant d'abord le parcourir phyfiquement, c'est par F'intelligence feule que nous en avons faifi la circonférence. Tel eft le premier fondement de la gloire due aux efforts des anciens peuples, qui tentèrent cette mefure, & parvinrent à une approximation

qui nous étonne. Interrogeons les traditions Chaldéennes que le tems nous a confervées. On affuroit dans l'antique Babylonie, au rapport d'Achilles Tatius, que la révolution d'une feule année fuffiroit, pour faire le tour du monde, à un homme qui, toujours en mouvement comme le foleil, pourroit fournir aux fatigues de cette longue marché, à raifon d'une lieue par heure. Cet homme effectivement, à la fin d'une année composée de trois cens foixante-cinq jours & fix heures, fe trouveroit avoir parcouru huit mille sept cens foixante-fix lieues; réfultat furprenant, lorfqu'on le rapproche des neuf mille lieues de circonférence qu'on affigne aujour

d'hui à la terre. Dans des tems poftérieurs, les monumens hiftoriques nous montrent l'homme cherchant & trouvant dans la correfpondance du ciel avec la terre la méthode de mesurer le monde, fans fortir de chez lui, comme Voltaire l'a dit de Newton. Il vit que la voûte célefte étoit abfolument femblable à la surface fphérique du globe. Il mefura donc à la fois un degré du ciel & refpace corref pondant fur la terre, & cette mesure déterminée lui donna bientôt la dimenfion de fa demeure.

Les noms d'Eratofthènes, de Ptolémée, de Poffidonius, de Cléomède & d'Ariftote nous rappellent encore que l'Antiquité a connu

einq tableaux différens où là véri table étendue de la terre se trouve exprimée sous le nom général de ftades. Ces ftades, à la vérité, varient en nombre, mais auffi varientils en longueur; & rapprochés les uns des autres, ils donnent le même réfultat, parce qu'ils ne font dans la réalité qu'une feule & même me, fure rapportée & traduite en ftades différens. Quelqu'étonnante que foit une pareille conformité, il eft aifé de fe convaincre de fon existence. Dans un degré de la terre qu'on mesure aujourd'hui, l'observation retrouve toutes les dimenfions anciennes. Les Modernes n'ont donc fait que répéter les Anciens, lorfqu'ils fe font vantés de donner aux hommes

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