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hollandaise de sortir du Texel, et d'opérer sa jonction avec l'escadre française à Brest. Deux ans après, il chercha à entraver les négociations par lesquelles les états-généraux, suivant les principes d'une politique éclairée, voulaient fonder une alliance durable avec la France. Le traité de Versailles 1785 fut conclu malgré ses sourdes manœuvres, et les mécontentemens publics en recurent une nouvelle force. à

La lutte entre le stathouder et la nation ne tarda pas s'engager. Les provinces où ses droits étaient plus étendus par le règlement de 1674, dont nous avons parlé précédemment, donnèrent le signal. Utrecht commença d'abord par abolir cet acte. Il y eut pour arriver à ce résultat plusieurs assemblées de la bourgeoisie; mais pas un acte de violence. Car on peut remarquer qu'en général les séditions, chez les peuples sensés et phlegmatiques de la Hollande, ont eu un caractère tout particulier. La province de Gueldres suivit l'exemple d'Utrecht. Mais Guillaume, fort de l'appui des états qui lui étaient dévoués dans cette province, chercha à y comprimer le vœu public les armes à la main. La province de Hollande suspendit alors provisoirement le prince dans ses fonctions de capitaine-général, ainsi qu'elle l'en avait menacé précédemment. On se prépara de part et d'autre à la guerre civile, la Hollande avec les troupes à sa répartition (1), Guillaume avec les régimens de Gueldres seulement, car la Frise, Groningue, Over-Yssel et Zélande avaient défendu au stathouder d'employer leurs forces dans ces démêlés intérieurs; et il y avait scission dans les états de la province d'Utrecht depuis les derniers troubles : le clergé et la noblesse siégeaient à Amersford, et la ville d'Utrecht refusait de solder les troupes de la province.

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Dans cet état de choses, les états-généraux n'avaient plus qu'une faible influence, et l'intervention étrangère de la

(1) C'est-à-dire la portion de l'armée de la république qu'elle était chargée d'entretenir.

TOME III.

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On

France, de l'Angleterre et de la Prusse augmentait encore la confusion. Cette dernière puissance avait pris dans les derniers temps une part plus marquée aux affaires de la république. Elle envoya alors un ministre, avec le titre de médiateur, mais ce mot même déplut vivement aux états de Hollande, car il n'y a lieu à médiation qu'entre deux souverains, et la république seule souveraine ne pouvait souffrir qu'on lui assimilât celui qui n'était que son premier sujet. put bientôt facilement reconnaître quatre partis. 1° Celui du stathoudérat : on y comptait les états de Gueldres et les états-généraux où la province de Hollande, comptant trop sur elle-même, n'avait pas assez travaillé à se conserver la majorité. 2° La faction aristocratique, portée à unir ses efforts à ceux des autres partis contre le stathoudérat, pourvu qu'on respectât son ordre, et qu'on l'enrichît même de tout ce qu'on enleverait au stathouder. 3° Les patriotes de première origine qui consentaient à conserver le stathoudérat, mais en détruisant tous les abus. 4° Enfin la faction populaire qui voulait tout renverser, et dont la violence inconsidérée favorisait déjà les vues ennemies du véritable patriotisme.

Des séditions éclatèrent dans plusieurs villes; alors, comme aux époques antérieures, l'argent anglais aida les intrigues stathoudériennes pour soulever la populace contre les patriotes. Elle se livra en divers lieux à tous les excès. Les états de Hollande créèrent pour les réprimer une espèce de commission dictatoriale qui siégea à Woerden. Cette commissión fut aussi chargée de pourvoir à la défense du pays.

La Prusse ne s'était mêlée jusque là à ces déplorables 'différends que d'une manière insignifiante. Une circonstance changea tout-à-coup la nature de ses relations avec la république. La princesse d'Orange s'étant présentée, le 28 juillet 1777, à la frontière de la province de Hollande, manifestant l'intention de se rendre à La Haye, pour y travailler au rétablissement de la paix, elle fut arrêtée par le

commandant du poste, escortée respectueusement jusqu'à Schonhaven, d'où elle fut obligée de retourner à Nimègue, la commission souveraine lui refusant l'entrée en Hollande, où l'on jugea que sa présence ne pouvait qu'exaspérer plus encore les esprits.

Toute l'Europe retentit de ce prétendu attentat, et le nouveau roi de Prusse (Frédéric-Guillaume II) demanda satisfaction de l'insulte faite à sa sœur. Une négociation qui s'entama à ce sujet n'eut point de résultat. La Hollande, croyant pouvoir compter sur l'appui de la France, ne voulut pas adhérer aux volontés orgueilleusement exprimées du prince allemand. Mais déjà le gouvernement français, inquiet sur l'intérieur et vacillant dans sa marche, perdait de vue les grands intérêts de sa politique extérieure. Il livra honteusement l'allié que ses promesses avaient exposé. Le patriotisme de quelques hommes se trouva alors en présence de l'Angleterre et de la Prusse, de la populace et du stathouder. Il dut succomber, et il succomba. Vingt mille Prussiens, qui n'attendaient qu'un prétexte, entrèrent en Hollande sous les ordres de Brunswick; les stathoudériens se soulevèrent aussitôt de toutes parts. Une insurrection violente éclata à La Haye, et le stathouder y rentra en triomphe. Tandis que les armes prussiennes achevèrent de lui soumettre le pays, ses décrets consommèrent la révolution. Il changea les régences, et les régences envoyèrent de nouvelles députations aux états. Il eut bientôt de la sorte une majorité qui révoqua toutes les mesures arrêtées précédemment contre lui, et lui rendit sa dignité, décorée de toutes les prérogatives que ses ancêtres et lui, avaient conquises sur la république.

La France assista pacifiquement à ce spectacle; elle se concerta même avec la cour britannique pour effectuer un désarmement réciproque (1), et déclara qu'elle ne conser

(1) Hertzberg, tom. 11.

vait aucun ressentiment de ce qui avait été fait. Il n'y eut plus alors le moindre obstacle aux vues des puissances protectrices du stathouder. Les états-généraux furent déterminés facilement à abandonner une alliance qui leur avait été aussi fatale, pour adopter celle que leur imposait la nécessité. Des traités conclus avec la Grande-Bretagne et la Prusse, en 1788, placèrent donc l'existence de la république ( si ce terme est encore permis) sous la garantie des deux puissances. Au surplus, la Prusse avait simplement rempli dans cette affaire le rôle que la politique anglaise lui avait destiné, et elle l'avait aidée à en venir à ce résultat dès longtemps médité.

Telle fut cette révolution. Les armes françaises en opérèrent une nouvelle quelques années après. La Hollande fut envahie et conquise en 1795. Le stathouder fut obligé de fuir, Sa dignité fut abolie, et une république batave prit

naissance.

Guillaume renonça en 1802, par un traité avec la France, à son titre de stathouder héréditaire moyennant une indemnité en Allemagne, qui fut enlevée à son fils GuillaumeFrédéric lors de la formation de la confédération du Rhin. Il mourut en 1806. C'est l'époque où Napoléon ceignant son front de la couronne de Charlemagne, voulut aussi préposer un monarque aux Bataves. Le prince de sa famille qu'il fit roi de Hollande essaya de faire, le bien, et descendit de son trône quand il eut reconnu qu'il ne pouvait être que l'aveugle instrument d'un bras de fer (1). La Hollande fit alors partie du grand empire.

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Ce grand empire succomba sous son propre poids. Les princes confédérés avaient à peine traversé le Rhin en 1813, qu'une sourde agitation se manifesta dans les provinces qui avaient composé l'ancienne république, de même que dans

(1) Mémoires et documens, etc., par Louis Bonaparte, 3 vol., 1820.

celles du midi où avait régné l'aigle autrichienne. Le parti stathoudérien se réveilla de nouveau, et Guillaume-Frédéric, soutenu par les monarques étrangers dans les rangs desquels il avait combattu, parut à Amsterdam, et y fut proclamé, le 3 décembre, prince souverain des Pays-BasUnis. L'année suivante, ce même prince signa une convention, par laquelle les puissances alliées lui faisaient cession des anciens Pays-Bas-Autrichiens, pour être réunis à sa première souveraineté; et former avec elle un état portant le titre de Royaume des Pays-Bas.

Ainsi furent réunies les dix-sept provinces, dont le fanatisme de Philippe II avait causé la dissolution; ainsi fut définitivement détruite une ancienne république; ainsi fut introduite une nouvelle monarchie parmi les états européens.

On a beaucoup écrit dans ces dernières années sur cette création. On a traité d'ineptie politique cette combinaison bizarre qui unissait deux portions, anciennement associées, à la vérité, mais depuis long-temps divisées par la religion, la langue, les mœurs et les intérêts; qui plaçait un stathouder protestant à Bruxelles, et couronnait à Amsterdam le premier officier des hautes puissances. Il nous semble que ce qui précède jette de vives clartés sur cette combinaison toute britannique. Il fallait à-la-fois dépouiller la France de ses conquêtes belgiques, comprimer le développement industriel de ces provinces elles-mêmes, enfin maintenir la Hollande dans une situation maritime et commerciale qui ne pût pas exciter d'ombrages; et l'on verra, pour peu qu'on réfléchisse, que tout cela était obtenu en couronnant le stathouder.

y

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