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fat terminée par la paix de Nimègue, en 1678. La république y recouvra Maestricht, la seule des villes con quises que la France eût conservées jusque-là.

... L'abolition de l'édit perpétuel et l'hérédité du stathoudérat proposée annonçaient, de fait, un grand changement dans la constitution de la république. Il était clair qu'elle allait dégénérer en une sorte de monarchie représentative. Guillaume sut mettre à profit la reconnaissance publique, pour donner de solides bases à l'existence politiqué dont il venait d'être investi. Sous prétexte de punir les provinces qui semblaient avoir manifesté la disposition de se détacher de l'union, par l'accueil qu'elles avaient fait aux Français lors de l'invasion, il parvint, par adresse ou par violence, à les dépouiller du droit d'élire leurs magistrats, età en faire une prérogative du stathoudérat. Ces provinces étaient Gueldre, Utrecht et Over-Yssel. Ce que nous avons dit précédemment fait comprendre qu'il se trouvait avoir par là, outre une véritable souveraineté sur les trois septièmes de la république, une portion considérable des états-généraux, qui lui était dévouée parce qu'elle y siégeait en quelque sorte par son influence. L'acte par lequel lé prince fut investi de ces hautes prérogatives dans ces trois provinces est ce qu'on appelle le Règlement de 1674. Enfin, une année avant la paix de Nimègue, Guillaume épousa Marie d'Angleterre, fille du duc d'Yorck. Il cherchait, comme on voit, ainsi que ses prédécesseurs, à fonder sa puissance sur une alliance avec la couronne britannique. Mais de plus profondes considérations déterminèrent sans doute le stathouder à un acte fait pour déplaire aux Hollandais. Il est probable qu'il vit dans ce mariage le germe d'une haute fortune, et une union qui devait plus tard changer tous les rapports politiques en Europe.

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Ses espérances se réalisèrent en 1688. Il fut appelé au trône d'Angleterre par le vœu national. Deux états, souvent ennemis et toujours rivaux, se trouvèrent ainsi régis

par le même sceptre. Cet accroissement de puissance dut, comme on pense bien, augmenter la prépondéránce de Guillaume dans les affaires de la république; aussi dit-on qu'il était roi en Hollande et stathouder en. Angleterre, où son règne était fort agité.

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La guerre de la succession éclata, et le stathouder y trouva une nouvelle occasion d'accroître ses prérogatives d'un privilége plus redoutable encore que le règlement de 1674. Les mouvemens principaux des troupes devaient, d'après la constitution, être soumis par le capitaine-général à leurs HH. PP.; et, il en faut bien convenir, cette règle devait avoir de graves inconvéniens, puisqu'elle empêchait de mettre dans les opérations une célérité souvent si nécessaire à la guerre. Guillaume sut faire ressortir ces inconvéniens, et il obtint des états-généraux de pouvoir disposer de l'armée comme bon lui semblerait, et sans en référer préalablement à leur décision.

Cette concession avait été faite pour une campagne seulement; la nécessité la maintint en vigueur pendant les campagnes suivantes, et elle devint ensuite un droit dit de patentes, qui resta attaché au stathoudérat jusqu'à l'extinction de cette dignité.

Guillaume mourut en 1702, et le parti patriotique, qui avait frémi pour la république pendant le gouvernement dé ce stathouder-roi, eut encore assez de crédit pour remettre en vigueur l'édit perpétuel et faire abolir le stathoudérat. La direction générale des affaires fut donc de nouveau confiée aux HH. PP., et cette direction ne fut pas moins brillante que celle qui avait eu lieu avant l'avénement de Guillaume III; la guerre vaillamment soutenue se termina par la paix d'Utrecht, et deux années après, en 1715, les états-généraux conclurent ce fameux traité de la Barrière, que les uns ont représenté comme une transaction de la plus profonde politique, et les autres comme un acte d'une insignifiance complète.

La seconde guerre de la Succession, celle qui eut lieu en 1740, à la mort de l'empereur Charles VI, donna lieu à un nouveau changement dans le gouvernement de la république. La fortune n'ayant point alors favorisé les armes hollandaises, les partisans du stathoudérat crurent avoir une heureuse occasion d'agiter les esprits. De vives déclamations contre le gouvernement se firent entendre partout, et le peuple, toujours mobile dans ses vœux, y répondit comme précédemment, en demandant à grands cris un stathouder. La Zélande imprima une impulsion que toutes les provinces suivirent successivement, et, dans l'espace de quinze jours, la révolution fut consommée.

Le stathoudérat fut donc rétabli, et il le fut avec toutes les prérogatives que le dernier stathouder s'était arrogées. On alla même plus loin, et ce qu'on avait simplement pro→ posé pour Guillaume III, fut formellement décrété en faveur de Guillaume IV : la dignité de stathouder fut déclarée héréditaire dans la maison de Nassau-Orange, dans la branche cadette au défaut de la branche aînée, et affectée même aux femmes en cas d'extinction de la ligne mascu→ line. Cette loi constitutive, qui est de 1747, fut portée, par les états de Hollande et Westfrise, sur la proposition du corps des nobles (1). Elle complétait le système d'envahissement qui constitue l'histoire même du stathoudérat ; il n'y avait plus qu'un titre à changer. Au surplus, on peut juger de quel œil ceux dont le cœur conservait les principes de Barneveld et de Jean de Witt virent une résolution qui appendait l'épée de capitaine- général de la république au berceau d'une petite fille : celui qui fut Guillaume V n'était pas encore né.

La cour des stathouders prit alors tous les dehors de la royauté. Le peuple avait oublié le temps où ces grands pensionnaires, devant lesquels s'abaissait la fierté des mo

(1) Abrégé de l'Histoire de Hollande, par M. Kerrent, t. Iv.

narques, n'avaient pour toute escorte qu'un valet (1), et il applaudissait à toutes les innovations de son premier magistrat ce magistrat, roi par le fait, voyait dans son titre même le gage d'une popularité qui pouvait lui être encore nécessaire. C'est ce qui faisait dire au grand Frédéric, donnant sa nièce pour épouse à Guillaume V : « Vous êtes heureuse, ma nièce, vous allez vous établir dans un pays où vous trouverez tous les avantages attachés à la royauté sans aucun de ses inconvéniens. »

Le règne de Guillaume IV fut marqué par de nouveaux efforts pour diriger l'élection des régences dans les villes. Parmi les moyens que le stathouder imagina pour arriver » à ce résultat, il s'arrêta à celui d'écrire aux villes vers le » temps des élections, des lettres dans lesquelles il leur » recommandait les sujets qu'il croyait les plus attachés à ses » intérêts. L'usage de ces lettres s'établit, et après un cer »tain nombre d'années fut appelé par le parti stathoudé» rien, le droit de recommandation (2). » Toutefois plusieurs provinces. opposèrent une vive résistance à ces tentatives de despotisme; l'on put dès-lors prévoir que si le stathouder comblait la mesure, il s'établirait une lutte où succomberait le stathoudérat...

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Guillaume IV mourut en 1751. Le fils qui lui succéda sous le titre de Guillaume V n'avait encore que trois ans. Sa mère exerça d'abord la tutelle; puis à sa mort, le duć de Brunswick - Wolfenbuttel en fut chargé. Ainsi done c'étaient une princesse anglaise et un prince allemand qui dirigeaient alors successivement les destinées de la répu blique de Hollande. Le jeune prince apprit à leur école à considérer son gouvernement comme essentiellement sou mis à une influence étrangère.

Cependant l'opinion patriotique se manifestait chaque

(1) Le chevalier Temple, remarques sur les Provinces-Unies.
(2) Mémoire de M. Caillard, etc.

année avec d'autant plus d'énergie, que les prétentions da stathoudérat étaient plus clairement exprimées. Elle cut assez de force pour expulser le duc de Brunswick, lequel avait essayé de se maintenir à la tête des affaires, même après la déclaration de majorité du prince, en lui faisant signer un acte dit de consultation. Elle s'apprêta à opposer une vive résistance à ce jeune stathouder, qui paraissait disposé à franchir toutes les limites qu'avaient respectées ses prédé

cesseurs.

Les projets d'envahissement des stathouders avaient toujours eu, comme nous l'avons montré, les Anglais pour auxiliaires. Cette disposition de la Grande-Bretagne fut plus formellement manifestée à cette époque; il y eut des liaisons plus suivies entre les deux cabinets. C'est à Londres que fut tracée la conduite politique de Guillaume V; ce fut de Londres que partit l'impulsion qui le porta à laisser dépérir la marine militaire, pour ne s'occuper que de l'armée de terre, et l'on conçoit facilement le but de cette direction. L'Angleterre, en effet, en rendant absolu un stathouder qui lui était dévoué, pouvait se promettre de gouverner par lui les Provinces - Unies, et elle n'ignorait pas que ruiner sa marine c'était, en dernière analyse, ruiner aussi

son commerce.

La France devait, au contraire, désirer que la marine et le commerce hollandais prospérassent, pour avoir, dans la république, une rivale de la puissance britannique. Tout devait donc porter le parti patriotique à se rapprocher de cette nation, où commençait d'ailleurs à poindre l'aurore d'une régénération politique; telle était la situation des choses: tous les vœux du peuple hollandais étaient tournés vers la France, et tous les intérêts du stathouder s'appuyaient sur la couronne britannique.

On ne peut guère disculper Guillaume d'une coupable connivence avec le gouvernement anglais, pendant la guerre qui se termina en 1783. Il empècha ostensiblement la flotte

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