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On voit les Bataves et les Frisons confondus vers le quatrième siècle; quelques historiens ont nommé rois les chefs qui les gouvernaient alors, mais c'étaient des rois dont le sceptre se courbait dévant l'épée d'un lieutenant du prétoire; et ceux de leurs noms barbares qui nous sont parvenus, ne méritent pas d'être rappellés. Il faut croire que la plus grande partie des provinces belgiques se trouvèrent soumises aux Francs, lors de l'établissement solide de ceux-ci dans la Gaule, et c'est ce que divers passages des plus anciennes annales semblent confirmer; mais ces peuples cherchèrent à s'affranchir pendant les guerres qui suivirent les partages de la monarchie. Charles-Martel et ses successeurs les battirent plusieurs fois. Charlemagne les soumit enfin définitivement à son vaste empire. Il divisa le pays en un certain nombre de cantons, à chacnn desquels il préposa un Comte (1); ces comtes étaient subordonnés à un duc, et amovibles comme lui. Ce duché de Frise, ducatum Frisia, ainsi le nomment les anciens annalistes, s'étendait jusqu'à la Meuse. L'autre partie des provinces belgiques avait été comprise, dès les premiers temps dans le royaume d'Austrasie. Toutes deux subirent après Charlemagne la destinée commune d'amovibles, : délégués de la couronne devinrent partout inamovibles et héréditaires. Dans la Frise, le duc disparut entre les troubles où la faiblesse des monarques et l'ambition de leurs officiers jettèrent alors l'empire. Les comtes devinrent des souverains dont le nombre fut successivement réduit par des guerres ou par des alliances. Il n'y en eut enfin qu'un seul, et cela eut lieu, suivant les auteurs les plus accrédités, vers la fin du neuvième siècle, époque marquée aussi par une grande révolution physique dans ces contrées; au reste le titre de comte de Hollande paraît pour la première fois dans un diplôme donné par l'empereur Henri IV, en 1064; et c'est par anticipation que quelques écrivains ont ainsi désigné 'ces seigneurs de la

(1) D. Bouquet, tom. V.

les

Frise institués deux siècles avant; le mot Hollande signifiait terre-basse ou marécageuse, et il ne fut d'abord que celui d'un petit canton,

Mais ce pays s'offrait dès-lors sous un aspect fort remarquable la féodalité n'y avait pas pris les caractères qu'elle présentait partout ailleurs; dès les premiers temps les comtes avaient reconnu qu'on ne pouvait gouverner ce peuple qu'avec justice et modération. Son humeur indépendante menaçait trop souvent leur faible puissance pour qu'ils osassent en abuser. Il arriva delà que les premières chartes et concessions du pouvoir, furent fécondes en résultats pour la masse de la nation. Elle prit rang dans la communauté, ses vœux durent-être entendus; ses droits durent-être représentés; c'est-à-dire que le parlement féodal (1) du souverain, composé primitivement de la noblesse et du clergé, se trouva changé dès les premiers temps en assemblée d'états par la présence de députés du peuple. L'origine de ces assemblées est, en effet, fortancienne dans la Frise comme dans les autres provinces, et leur influence sur les affaires publiques est signalée par un grand nombre de pièces. On voit en 1203, pour ne citer que ce seul trait, une comtesse de Frise ou de Hollande, douzième souveraine de ce pays, détrônée pour s'être mariée sans le consentement des états.

Les princes célébraient ordinairement leur avènement par des priviléges qu'ils accordaient aux villes, et la moindre atteinte qu'ils y portaient ensuite, devenait la source de longues dissentions. Chaque année en ajoutant aux développemens du commerce et de l'industrie, surtout dans les provinces méridionales, ajoutait aussi à l'énergie nationale, car si, dans l'état social, les richesses avilissent quelquefois les hautes classes, il n'est certainement pas de plus sûr auxiliaire de la tyrannie, que les misères du peuple.

Il faut voir aussi que la noblesse intermédiaire était beau

(1) Voyez Précis historique de la France (Parlement).

coup moins nombreuse, et n'avait jamais eu l'influènce dont elle jouissaît encore dans la plupart des contrées de l'Europe. Là, les barons étaient sous une foule de rapports assimilés aux autres sujets du suzerain, et les terres s'étaient presqu'en totalité maintenues en frane-alleux. On peut trouver dans l'histoire la raison de cet état politique.

Les habitans de ces provinces avaient en effet conservé long-temps, comme on l'a vu, leur antique existence; ils avaient fait une guerre opiniâtre aux tribus germaniques qui voulaient occuper leur sol. On peut donc penser qu'ils n'avaient subi que fort peu de mélange jusqu'à la grande révolution qui renversa l'empire romain. Quand cette révolution fut accomplie, quand la digue opposée aux Barbares fut franchie, tout fut soumis, les peuples des Pays-Bas comme eeux de la Gaule. Mais il arriva alors que le torrent dévastateur suivit les voies qui lui avaient été précédemment ouvertes, et se lança tout entier vers les parties australes et méridionales de la Gaule. C'était, en effet, dans ces contrées, si long-temps protégées contre leurs aggressions* par les Romains, que les Barbares brûlaient d'assouvir leur soif de pillage et de destruction. Là donc se porta presque toute l'action de la conquête. Les contrées voisines de l'Océan, et dont l'accès, surtout vers le Nord, était plus difficile, se trouvèrent ainsi moins exposées; il s'y établit une quantité moins considérable des vainqueurs; c'est-à-dire que les effets de la victoire n'y furent pas tout-à-fait aussi sensibles, et par suite, que les antiques habitudes d'indépendance purent dès les premiers temps s'y manifester avec un peu plus d'énergie qu'ailleurs, et mettre quelques bornes à l'autorité exercée par les comtes au nom des rois ou des empereurs Francs.

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Ainsi donc, tandis qu'en Angleterre les communès et la noblesse se réunissaient contre la couronne pour fonder la liberté; qu'en France, au contraire, la couronne et les com

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‚214-87A9 27 PRÉCIS DE L'HISTOIRE munes luttaient de concert contre l'aristocratie; que l'Alle magne subissait toutes les conséquences de la féodalité et voyait les feudataires de tous les degrés, s'arracher les frac tions de son sol et les lambeaux de sa couronne, un petit coin de terre donnait un grand exemple: les communes plus éclairées, plus industrieuses, plus énergiques entraient seules dans la lice avec la chevalerie; fondaient et maintenaient leurs droits, et préparaient une révolution qui devait exercer une haute influence sur les destinées de l'Europe. Tels sont les aspects divers sous lesquels se présente l'histoire à l'époque du régime féodal; aspects trop peu médités sans doute par les écrivains modernes, et que nous ne pouvons qu'indiquer simplement dans cette esquisse.

On n'entreprendra pas ici de tracer l'histoire de ces divers comtés, jusqu'à l'époque où ils tombèrent tous successives ment sous le joug d'une maison puissante. Ce serait une énumération fastidieuse de princes, dont plusieurs, à la vérité, ont reçu de leurs contemporains, les titres de grand et de magnanime; mais sur l'existence desquels la postérité n'en a pas moins jeté le voile de l'oubli. Le seul comté de Hol lande compte vingt-six souverains dans un espace de cinq siècles, depuis les premiers dont on connaisse d'une manière un peu claire l'institution, jusqu'à cette comtesse Jacqueline, qui fut obligée de livrer sa souveraineté au duc de Bourgogne. Au reste, l'histoire n'offre ici, quoique dans un cadre moins vaste, que ce qu'elle offrait alors partout: des guerres sanglantes pour la possession ou la suzeraineté de quelques baillages, des rivalités funestes entre les grands, des cala→ mités déplorables souffertes par les peuples, des fables absurdes sans cesse répétées par les anciens écrivains, telles par exemple, que celle qui est relative à une certaine com, tesse, laquelle enfanta d'une seule portée, le jour des palmes, trois cent soixante-cinq enfans, lesquels furent tous baptisés dans deux bassins de cuivre ; ( qu'on montre encore, dit-on,

dans l'églige de Losdunen, près de La Haye), pour avoir refusé avec dureté l'aumône à une vieille femme (1). Voilà quelle est l'ancienne histoire de ces provinces. Passons à l'exposé plus intéressant de leur réunion.

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C'est ce qu'on appelle l'histoire de Bourgogne, que nous avons à tracér dans ce chapitre, et nous nous efforcerons d'autant plus de l'exposer avec clarté, qu'il y a sans doute pour le plus grand nombre des lecteurs, quelque confusion ́dans ces diverses dynasties de rois, comtes ou ducs de Bourgogne, dont l'histoire nationale fait si souvent mention. C'est là le motif qui nous fait reprendre un peu plus haut, qu'il ne serait absolument nécessaire.

Les Bourguignons, nation d'origine germanique, habi taient vers les bords du Rhin, à l'époque de la grande révolution qui changea la face du monde civilisé. Le christianisme prospérait parmi les hordes qui composaient ce peuple. On est fondé à croire que leur caractère était en général, un peu moins farouche que celui des autres nations voisines.

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On était depuis long-temps dans l'usage d'armer les Barbares entre eux, et de se servir des uns pour détruire les autres. C'était une pratique sans danger dans des temps de prospérité, où ces auxiliaires ne pouvaient être que d'aveugles instrumens d'une force supérieure; mais sous des princes faibles et divisés, ils devaient contribuer à la chute de l'empire. C'est ce qui eut lieu lorsque le perfide Stilicon appela les Bourguignons dans la Gaule, au commencement du cinquième siècle. Il reçut, l'année sui

(1) Histoire des comtés de Hollande, in-18. La Haye, 1664.

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