Page images
PDF
EPUB

faveur de l'aristocratie et du sacerdoce contre des innovations révolutionnaires; maintenant les esprits, se trouvaient entraînés par d'autres personnages que l'empereur, vers des innovations plus révolutionnaires encore. Mais il était naturel que les mains plébéïennes qui les offraient en changeassent la nature aux yeux d'un peuple peu éclairé, et qu'il renversât, guidé par eux, la constitution pour laquelle il s'était armé une année avant. Ces fluctuations rapides dont on retrouve des exemples dans l'histoire de toutes les socié tés, méritent d'être remarquées.

[ocr errors]

Dès-lors, toutefois, par une conséquence nécessaire, il y eut une division entre les patriotes: une portion ne voulut pas aller en avant, et garda ses positions. Les hommes qui se rattachaient à cette faction voulaient simplement une réforme constitutive et administrative; tout le reste, eut par-dessus tout en vue l'indépendance absolue du pays. Les premiers, moins éloignés du joug de l'Autriche, devinrent le parti aristocratique, quand les autres, faibles émules de la France, eurent fait la faute de vouloir être le parti républicain. Tels furent les caractères principaux de cette révolution. Il faut bien comprendre, au surplus, que la presque totalité des Belges se trouva partagée entre ces deux seules factions; car la cour impériale ne pouvait avoir un parti. Les premiers avaient pour chefs l'avocat Vonk et le duc d'Aremberg; les seconds étaient dirigés par un autre avocat nommé Van-der-Noot, et par le pénitencier Van-Eupen.

[ocr errors]

Van-der-Noot, dit M. de Ségur (1), avocat sans lumières, > intrigant sans génie, mais orateur verbeux et hardi, ins>>trument docile du prêtre Van-Eupen, hypocrite profond » et politique adroit, enflamma les esprits au nom de la religion et de la liberté.

[ocr errors]
[ocr errors]

Une conspiration se forma, et les deux partis y entrèrent d'abord également. Il parait que le plan en, fut arrêté

(1) Tableau politique, tome I.

par

1

dix personnes seulement, au nombre desquelles se trou→ vaient Van Der Noot. Chacune de ces dix personnes dut simplement engager dix autres conspirateurs, et ainsi de suite; quand on jugea qu'il y avait un assez grand nombre d'associés, on prit les armes en plusieurs endroits à la fois pour chasser les Autrichiens (+).

.. Une politique habile commanda de laisser d'abord toute l'influence aux modérés. Ce fut done dans le parti de Vonk que fut choisi le général des corps fédérés pour l'indépendance; un colonel nommé Van-Der-Mersch reçut ce titre. Il eut de rapides succès. Les Autrichiens furent successivement obligés d'évacuer toutes les places. Van-Der-Noot fit, le 18 décembre 1789, une entrée triomphale à Anvers, et, le 26 du même mois, l'empereur Joseph II fut déclaré par les états déchu de la souveraineté, pour avoir violé la joyeuse entrée. L'exemple du Brabant fut imité par les autres provinces.

Une assemblée de députés de toutes les provinces belgiques s'étant formée à Bruxelles, signa, le 11 janvier 1790, un acte par lequel ces provinces se confédéraient sous le titre d'Etats-Belgiques-Unis. Des députés de ces provinces formaient par cette constitution un congrès souverain; mais chacune conservait son indépendance, ainsi que l'exercice du pouvoir législatif. L'existence de cette république ne fut pas longue; des intrigues étrangères et des fautes intérieures la renversèrent au bout d'une année; après avoir éprouvé une réaction, suite des divisions que nous avons exposées plus haut, ce pays ne se sentit pas assez fort pour maintenir sa liberté. Le congrès traita avec l'empereur Léopold, qui venait de succéder à Joseph II. Cet empereur s'engagea à gouverner d'après les anciennes constitutions du pays, et à annuler tout ce que son prédécesseur y avait fait de contraire. Il accorda une amnistie. On déposa suc

(1) Denina. rivoluzioni del imperio, etc.

cessivement les armes. Les principaux patriotes prirent la fuite, et les impériaux entrèrent dans Bruxelles le 2 dé cembre. Tel fut le bizarre dénouement de cette révolution.

Cependant la France marchait à pas rapides dans cette carrière où la Belgique se trouvait arrêtée. Bientôt la guerre éclata entre la nouvelle république et les rois de l'Europe. Les Pays-Bas devinrent le théâtre de ses premiers triomphes, et tombèrent successivement au pouvoir de ses armes. Enfin, le 1 octobre 1795 (an III), fut solennellement prononcée la réunion de la Belgique et du pays de Liége au territoire français. Après vingt ans d'une pareille existence, la fortune des armes changea ce qu'elle avait opéré. Les monarques unis, vainqueurs à Leipsick, s'étant emparés des départemens composant les anciens Pays-Bas autrichiens, recurent une députation de ces provinces qui réclamait pour elles l'indépendance. Déjà était conçu le projet exécuté un peu plus tard. En conséquence, cette députation n'obtint qu'une réponse peu satisfaisante. Les Belges virent, avec plus de déplaisir encore, la nomination d'un gouverneur général laissée à l'empereur d'Autriche; mais bientôt leur sort fut définitivement fixé par la création du royaume des Pays-Bas ; acte de la politique européenne, sur lequel nous reviendrons.

[merged small][merged small][ocr errors]

Nous avons tracé les principales circonstances de la révolution religieuse et politique qui introduisit une nouvelle puissance sur la face du globe, jusqu'à l'acte de confédération

d'Utrecht, qui la constitua. Il nous reste maintenant à reprendre de ce point pour examiner rapidement l'existence de la république hollandaise jusqu'à nos jours.

Le prince d'Orange avait fait beaucoup pour l'indépendance des provinces, en les unissant fortement contre l'oppresseur commun par un lien constitutif; mais il restait encore beaucoup à faire. L'union naissante était assaillie de toutes parts, et elle n'avait que de faibles moyens à opposer à une puissance colossale. Les Espagnols avaient rétabli leurs: affaires dans les provinces méridionales; ils rentraient successivement dans les places. Ils préparaient des armemens considérables. Les calvinistes de France ne pouvaient qu'à peine se suffire à eux-mêmes; l'Allemagne ne fournissait alors des soldats qu'à ceux qui pouvaient donner beaucoup, d'or; et la politique anglaise, comme si elle eût prévu les; destinées, futures de la nouvelle république, ne semblait disposée qu'à l'empêcher de succomber. On pouvait donc avoir de justes appréhensions pour l'avenir, et c'était avec raison que les états firent frapper une médaille, dans laquelle on voyait un vaisseau exposé à la merci des vagues, sans voile et sans gouvernail, avec cette inscription; Incertum quo fata ferant (1).

Mais le génie du pilote devait suppléer à tout ce qui semblait menacer le vaisseau du naufrage. Sa grande âme embrasa celle de ses compagnons d'armes. Les succès du prince de Parme furent balancés, et le développement prodigieux que reçut l'activité intérieure de la nation ouvrit bientôt d'inépuisables ressources. L'Europe eût de la sorte un second exemple de cette incalculable puissance de l'esprit de liberté, qui devait plus tard lui offrir un tableau plus imposant encore.

[ocr errors]

Cependant Philippe, indigné du démembrement que

`(1) Puffendorf, introduction à l'Histoire de l'Univers, tome III, chapitre VI.

subissait sa souveraineté ne crut plus devoir garder de mesures. Il proscrivit le libérateur des Provinces-Unies, et promit vingt-cinq mille écus à celui qui lui apporterait sa tête. Les états répondirent à cet acte de violence par une déclaration formelle d'affranchissement c'était en l'année 181; tout s'était fait encore jusque-là au nom du roi d'Espagne.

L'appel fait au fanatisme par Philippe fut entendu. Guillaume tomba, peu d'années après, sous le poignard d'un assassin suscité par quelques moines; grand homme, qu'on ne peut sans doute pas laver entièrement du reproche d'avoir mêlé quelques vues d'ambition particulière aux élans du plus noble patriotisme!

Sa mort répandit la consternation dans toute la république, mais elle contribua peut-être à augmenter encore l'horreur que faisait éprouver le nom de Philippe II, et par conséquent à accroître l'énergie de la nation pour se soustraire à son joug. Une union plus étroite fut effectuée avec la reine Elisabeth, et ses secours furent obtenus au moyen de l'importante cession des ports de la Brille, de Raemkens et de Flessingue. Enfin, cette princesse envoya aux états un gouverneur général, choisi parmi ses favoris: c'était ce brillant Dudley, comte de Leicester, qu'elle fut, disent quelques écrivains, tentée de couronner. Ce choix fut heureux pour la république, car lá légéreté du seigneur anglais révéla facilement les vues secrètes et intéressées de sa cour, L'attention des Hollandais fut éveillée par ses intrigues; ils pressentirent que, soustraits au joug des Espagnols, ils allaient avoir à en redouter un autre. Ils observèrent sa conduite avec défiance, et bientôt ses nombreuses inconséquences donnèrent lieu à leurs murmures d'éclater hautement. Le comte fut rappelé, et le commandement général fut confié au jeune Maurice de Nassau, digne fils de Guillaume, et qui lui avait déjà succédé dans quelques-unes de ses charges.

[ocr errors]

TOME III.

4

[ocr errors]
« PreviousContinue »