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la fondation de la république et le règne du fils de MarieThérèse. L'histoire des Pays-Bas espagnols on autrichiens mériterait certainement d'être traitée un peu plus au long; mais notre plan nous prescrit des limites, et nous devons nous borner à marquer les institutions politiques introduites par les souverains, et les démembremens successifs sanctionnés par les traités.

La situation des Pays-Bas était remarquable à cette époque. Des influences diverses yagissaient constamment en sens divers. Les états-généraux considéraient encore la pacification de Gand comme loi du pays, et ils portaient à la tête des affaires tantôt un archiduc Mathias, de la maison d'Autriche, tantôt un duc d'Anjou, du sang des Valois. D'une autre part, TEspagne avait toujours une armée dont les vicissitudes marquaient celles de sa domination dans ces provinces. Presque tous les états de l'Europe s'intéressaient à la querelle. Les calvinistes venaient de toutes parts pour chasser Philippe II d'un pays que son absurde tyrannie avait soulevé; et les catholiques accouraient pour maintenir le monarque, principal appui de cette vaste ligue, qui avait juré l'extermination des sectaires. Des ambitions particulières se mêlaient aux vues générales. Un chef, une ville, une province, cessaient d'agir dans le sens de l'union, pour créer une influence individuelle. La confusion était générale, et les campagnes opprimées par les Espagnols, dévorées par les étrangers et ravagées par les calvinistes, demandaient au ciel le terme de tant de calamités.

Après de longs combats et de lentes négociations, le prince de Parme réussit enfin à ramener à peu près les dix provinces sous le joug espagnol. Ce grand homme de guerre étant mort en 1592, trois gouverneurs généraux qui lui succédèrent ne firent que soutenir sa fortune. En 1596, le cardinal-archiduc Albert fut investi de ce poste par la cour d'Espagne : les Pays-Bas respirèrent alors. Bientôt la paix de Vervins, conclue par Philippe II avec Henri IV, vint les dé

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livrer des hostilités fâcheuses de la France. Quatre jours' après la conclusion de ce traité, le roi fit cession des PaysBas à sa fille, l'infante Isabelle-Claire-Eugénie, en la donnant pour épouse au cardinal-archiduc. L'acte daté de Madrid; 4 mai 1598, porte que le roi y a été déterminé par la con» sidération du bien et du repos des Pays-Bas, pour parvenir à une solide paix ; et parce que le plus grand bonheur qui » leur puisse advenir est de se trouver régi et gouverné à la » vue et par la présence de son prince et seigneur. Dieu est » témoin, ajoute le roi, des peines et soins qu'avons eus sou¬ » vent de ne l'avoir ainsi pu faire personnellement par delà, » comme, en vérité, l'avons grandement désiré (1), » Ceci est un édit de Philippe II!

Ainsi commença le règne d'Albert et d'Isabelle. Tant dè sang n'avait pas été tout-à-fait infructueusement versé. L'exemple de la France pacifiée agissait d'ailleurs sur tous les esprits. Les principes d'une sage tolérance remplacèrent donc dans le gouvernement les maximes sanguinaires du conseil de Madrid. Le résultat fut cette mémorable trève de douze ans, où prirent tant de part Henri IV et le président Jeannin. Cette trève, signée le 9 avril 1609, consolidait la république des Provinces-Unies, et suspendait des troubles religieux qui duraient depuis près d'un demi-siècle.

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La guerre des Pays-Bas recommença à l'expiration de la trève, et elle dura vingt-sept ans, soutenue avec plus ou moins de vigueur de part et d'autre; le traité de Munster', en 1648, entre l'Espagne et la Hollande, termina enfin ce long différent. Ce traité abandonnait aux Provinces-Unies le pays de Limbourg et diverses places du Brabant et de la Flandre dont ils étaient saisis; il fermait définitivement l'Escaut, et cet article mérite d'être remarqué, car il ruinait Anvers et détruisait le commerce maritime des Pays-Bas espa gnols. Deux mondes, les Indes-Orientales et Occidentales,

(1) Mémoires historiques.

étaient au contraire livrés au génie aventureux des Hollandais.

La position des Pays-Bas devait naturellement en faire le théâtre de la guerre, toutes les fois qu'elle éclaterait entre la France et la maison d'Autriche. Les vicissitudes des combats pouvaient donc à chaque instant amener des démembremens partiels, et renverser même tout-à fait cet état qui semblait n'être placé là que pour servir d'aliment à l'ambition des monarques de l'Europe. Le traité des Pyrénées, en 1659, acquit à la France plusieurs districts et diverses places fortes des provinces limitrophes; il signala formellement la prépondérance de ce royaume dans les affaires du continent. La guerre éclata de nouveau en 1667, entre l'Espagne et la France. Louis XIV entra dans les Pays-Bas à la tête d'une forte armée, pour s'emparer de quelques provinces qui devaient, suivant lui, revenir à sa couronne par droit de dévolution. Selon ce droit, la propriété des biens passait aux enfans du premier lit, lorsqu'un des époux contractait un second mariage.

Comme donc Marie-Thérèse, reine de France, était fille du premier lit de Philippe IV, et que Charles II, qui venait de succéder à ce monarque, était fils du second lit, Louis prétendait que la reine devait entrer en possession de divers pays où ce droit paraissait spécialement en vigueur (1). La cour d'Espagne répondait que ce principe de dévolution ne pouvait s'appliquer qu'à la succession des particuliers, et qu'on ne pouvait l'opposer avec justice aux lois fondamentales qui établissaient l'indivisibilité de l'état des Pays-Bas. Ces raisons étaient bonnes, sans doute, mais les légions de Louis XIV valaient mieux encore, et la campagne de 1667 fut presque une marche triomphale. Ses armes allaient sans doute faire d'autres conquêtes, quand l'Europe allarmée

(1) Traité des Droits de la Reine très-chrétienne, réfuté par d'état et de justice, etc.

le bouclier

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arrêta, par la fameuse triple alliance, le cours de ses prospérités. Ce traité entre la Grande-Bretagne, la Hollande et la Suède, obligea la France à consentir à la paix : elle fut signée en 1668, à Aix-la-Chapelle. Louis XIV y rendait la Franche-Comté qu'il venait de conquérir, mais il conservait Lille, Charleroi, Douai, Courtrai, etc., avec leurs dépen dances. Quatre ans après, la guerre ayant éclaté de nouveau, elle fut terminée en 1678 par le traité de Nimègue, qui livra à la France, outre la Franche-Comté, plusieurs villes de Flandre et du Hainaut, telles que Valenciennes, Condé, Bouchain, etc. Enfin, la chambre dite des Réunions, instituée par Louis XIV, pour faire revenir à la couronne toutes les terres qu'on croirait avoir anciennement dépendu de l'Alsace, des trois évêchés, et des villes des Pays-Pas cédées, ayant donné lieu à de nouvelles hostilités, elles furent terminées en 1697 par la paix de Riswick, qui laissait les choses dans l'état où le traité de Nimègue les avait placées. 994) Le faible règne de Charles II avait été fatal aux Pays-Bas: il se termina en 1700, et le nouveau siècle s'ouvrit guerre fameuse, dite de la Succession, qui causa un embrâsement presque général. Les victoires d'Eugène et de Marlborough chassèrent les Français des Pays-Bas, qu'ils avaient d'abord occupés au nom du petit-fils de Louis XIV, nouveau souverain d'Espagne sous le nom de Philippe V. Ces contrées devinrent alors le théâtre d'une révolution qui y changea les formes constitutives. La Grande Bretagne et la Hollande, réunies par le traité fameux appelé de la grandealliance, établirent dans ces provinces un nouveau gouvernement. Ces deux puissances créèrent un conseil composé de Flamands, et qui était investi de la souveraineté au nom de Charles III, compétiteur de Philippe V. Mais ce n'était qu'en apparence qu'il gouvernait, car il était dans le fait subordonné à une commission de députés anglais let hollandais qui portait le titre de la Conférence. Cette eommission transmettait au conseil les désirs des puissances alliées, et

TOME III.

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par cette

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ees désirs étaient changés en lois après un simulacre de délibération. Telle était la situation de ce conseil, qu'il ne put même pas se refuser à rapporter certaines ordonnances récentes favorables au commerce et à l'industrie des Pays-Bas. Ces contrées apprenaient alors combien est déplorable la domination de l'étranger, surtout quand cet étranger est un rival jaloux.

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La paix d'Utrecht, en 1715, avec les traités qui la suivirent de près, termina la guerre de la Succession. La couronne d'Espagne fut conservée au prince français; mais les Pays-Bas en furent alors détachés et cédés à l'empereur, pour être possédés à titre héréditaire dans sa maison: cet empereur (Charles VI) était l'archiduc, qui avait long-temps disputé à la France l'héritage de Charles II. Il était déclaré par l'art. 7, que les Pays-Bas seraient livrés par le roi de France et ses alliés, avec les limites établies par le traité de Riswick. Ce fut ainsi que ces provinces se trouvèrent placées au nombre des états de la branche impériale d'Autriche. Par cet arrangement était conservée une barrière contre la France et l'Espagne, naturellement réunies par les liens du sang, et qui eussent menacé la Hollande et l'Empire, si l'une d'elles eût possédé les Pays-Bas, Comme ensuite l'esprit des anciens pactes formait, de ces provinces, un état particulier qu'on ne pouvait nullement considérer comme adhérent à la monarchie espagnole, et dont les princes de la maison d'Autriche étaient les souverains naturels et légitimes, on peut dire que la transaction était politique et juste à la fois, ce qui n'est pas sans doute indigne d'être remarqué.

L'état des Pays-Bas avait donc été transformé en une souveraineté placée sous la domination de l'Autriche. Il devint partie intégrante même de la monarchie autrichienne, héréditaire et indivisible, par la pragmatique-sanction de Charles VI, adoptée successivement comme loi fondamentale par les états des diverses provinces, et publiée à Bruxelles en 1725 dans une assemblée générale des députés de tous

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