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de liberté, et préparait peu-à-peu la révolution étonnante opérée sous Frédéric III.

1 S III.

Successeurs de Marguerite jusqu'à la grande révolution de 1660. (1412-1660.)

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Ce n'est pas le lieu d'examiner ici, si l'union de Calmar pouvait ou non remplir le but qui l'avait dictée; si une fédération de trois monarchies divisées par des intérêts et des rivalités réciproques, par la diversité de lois, de mœurs et d'usages, pouvait être un lien durable. Un fait certain, c'est qu'au lieu de réunir les différentes parties soumises au sceptre de Marguerite, l'union de Calmar ne fit que mettre les rivaux en présence, susciter les haines et les discordes: la Suède fut la première à s'indigner de la préférence trop souvent accordée au Danemarck, sur les deux autres états; et bientôt après la mort de la reine, elle brisa les liens qui l'enchaînaient. On courut aux armes de part et d'autre: de-là ces guerres désastreuses, et, pour ainsi dire, continuelles, qui désolèrent ces malheureux pays, et remplissent seules pendant long-temps, presque toutes les pages de l'histoire de Danemarck: tout le reste disparaît au milieu de ces scènes de carnage; ou du moins est-ce au travers de će voile sanglant, qu'il faut saisir les faits d'une autre nature?

Quatre points principaux doivent toutefois fixer ici notre attention: 1° L'avènement au trône de Christian d'Oldenbourg, en 1448, sous le nom de Christien Ir. 2° L'acquisition qu'il fit des provinces de Slesvic et de Holstein, qui lui furent adjugées par les états de ces pays, à la mort du dernier duc de Holstein. oncle maternel de Christian. 3° La réunion définitive de la Norvège, et l'émancipation de la Suède. 4° L'accroissement excessif de la puissance des nobles. Quelques détails sur tout ceci.

Ce sont les princes de la maison de Christian Ier, qui ont

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occupé jusqu'à nos jours le trône de Danemarck; bien qu'on puisse remarquer quelques interruptions dans l'ordre de succession directe entre ces princes; car les Danois n'avaient pas encore entièrement abjuré leur droit de veiller sur le trône; l'une de ces interruptions mérite surtout de trouver place ici; elle donne une idée de leur ancienne liberté.

Christian ou Christien II, s'était par toutes sortesde vexations,rendu aussi odieux aux Danois, qu'il étaitexécrable à la Suède. Il avait mérité par ses cruautés, le surnom de Néroni du-Nord. Nous avons vu que les Danois, en possession d'élire leurs rois, avaient aussi le droit de déposer un tyran; ils én usèrent dans cette circonstance; les habitans du Jutland, et des duchés de Slesvic et de Holstein, furent les premiers à se déclarer, et firent signifier à Christien sa déposition authentique, par le premier magistrat de Jutland. » Ce chef de justice intrépide, dit Voltaire (1), ose porter à Christien sa sentence dans Copenhague même. Le tyran voyant tout le reste de l'état ébranlé, haï de ses propres officiers, n'osant se fier à personne, reçut dans son palais, comme un criminel, son arrêt, qu'un seul homme désarmé lui signifiait : le Danemarck ratifia l'arrêt, et la révolution fut accomplie.

C'est à la suite de cette déposition, que la Norvège, qui avait pris le parti de Christien, fut enfin, après avoir longtemps été en butte aux mêmes fluctuations que la Suède, déclarée province du royaume de Danemarck; le sénat de Norvège fut supprimé, et ses états ne participèrent plus à l'élection des rois ; la Suède, au contraire, acquérait chaque jour de l'autorité aux dépens du Danemarck; et conclut enfin, avec cette puissance, en 1570, la paix de Stettin, qui déclara son entière indépendance.

Le Danemarck qui se trouvait considérablement affaibli, tant par cette émancipation, que par les longues guerres

(1) Essai sur les Mours, chap. 119.

qui l'avaient précédée, perdit alors l'ascendant qu'il avait eu long-temps dans le nord. C'est dans ces circonstances, que le gouvernement de ce royaume fut encore altéré dans ses bases. Une aristocratie vicieuse, dit Koch (1), s'ëleva sur les débris de la liberté nationale; le sénat composé uniquement de nobles, envahit toute l'autorité; il se rendit maître de l'élection des rois et ne convoquant plus les étatsgénéraux depuis 1536, il en usurpa tous les pouvoirs, empiétant de même sur l'autorité royale, qui fut resserrée de plus en plus, tandis que les prérogatives de la noblesse furent étendues par les capitulations que le sénat prescrivait aux rois, à leur avénement à la couronne. » Voilà le second pas vers l'asservissement de la nation.

L'introduction de la réforme en Danemarck, amena aussi des résultats assez importans; mais qu'il n'entre pas dans notre sujet de développer ici; le luthéranisme fut alors introduit et devint la religion de l'état.

S IV.

Frédéric III;-Révolution de 1660.

Les premiers temps de l'histoire de Danemarck nous montrent, comme les annales des premiers temps chez presque tous les peuples, une nation, jouissant de tous les droits de la liberté, nous avons vu Marguerite porter impunément atteinte à ses institutions. Aujourd'hui nous sommes arrivés au moment où le mot de liberté n'est plus qu'un vain nom pour le peuple, l'aristocratie et le trône. l'ont envahie à l'envi et s'en arrachent les tristes lambeaux. La dispute doit maintenant éclater entre les deux puissances rivales, le peuple est en dehors et ne peut avoir, dans la

(1) Tabl. des Rével, de l'Eur.

mêlée, d'autre intérêt que celui qui résulte du choix d'un maître ; d'autre influence que celle de faire pencher la balance en faveur de l'un des deux. Les choses en sont au point que les intérêts de la couronne et ceux de l'aristocratie se présentent nécessairement en sens inverse; toute tentative d'un côté doit devenir une aggression envers l'autre. L'aristocratie et la couronne ne peuvent donc rester plus long-temps en présence sans une rupture ouverte; or, comme il vaudra toujours mieux avoir un maître que plusieurs tyrans, d'autant plus odieux que le poids de leur chaîne nous serre de plus près et tombe sur un plus petit nombre, on sent quel est le parti que doit prendre le peuple dans cette conjoncture.

Cette révolution, peut-être sans exemple dans les annales des peuples, qui fit en un moment, sans trouble, sans confusion, sans qu'il en ait coûté une seule goutte de sang, du roi d'un peuple libre, un roi aussi absolu que un roi aussi absolu que les monarques d'Asie; et cela, d'une manière si complète, que, quelques années plus tard, il ne restait plus dans le pays la moindre trace de la première liberté (1), mérite d'être rapportée ici avec quelques détails.

Nous venons de voir la Suède grandir aux dépens de ses voisins; l'ascendant qu'elle avait déjà pris dans le nord, avait, plus d'une fois, été funeste au Danemarck. I faillit être bouleversé de fond en comble, et rayé du nombre des états européens; le royaume agité par des jalousies intestines, et attaqué à l'improviste, ne put offrir une forte résistance aux armes des Suédois; Copenhague fut assiégé, et ne dut son salut qu'à la constance de la bourgeoisie, à la valeur avec laquelle elle combattit sur les remparts, et, encore plus peut-être, à l'abandon fait par Frédéric de ses meilleures provinces, telles que la Scanie, la Bleckingie,

(1) Molesworth, Mém., chap. 6.

Halland et le gouvernement de Bahus, cédés à CharlesGustave, par le traité de Copenhague, du 27 mai 1660.

Le pays avait été désolé, l'armée n'était pas payée, la flotte était délabrée et le trésor épuisé; il fallait un prompt remède aux maux de l'état; les états-généraux furent convoqués en conséquence, le 28 septembre 1660.

Dès les premières séances, les nobles manifestèrent, selon leur coutume, l'intention de faire peser sur les deux autres ordres, autant qu'ils le pourraient, le poids de la nouvelle taxe; bien loin de vouloir contribuer de leur côté, à proportion des biens qu'ils possédaient, ils proposèrent, toujours dans la vue de maintenir leurs privilèges et leurs exemptions qui étaient de ne rien payer par voie de taxe, mais seulement par contribution volontaire, d'établir un droit sur toutes les consommations, mais avec de telles restrictions pour eux, que tout le fardeau retombait sur le peuple. D'un autre côté, les ecclésiastiques et le tiers-état qui avaient supporté tout le poids de la dernière guerre, rappelaient ce qu'ils avaient fait de grand, qu'ils avaient sauvé, du joug étranger, non seulement Copenhague, mais tout le royaume, mais ces nobles eux-mêmes, qui les traitaient maintenant avec tant de dureté : ils leur reprochèrent enfin d'avoir contribué aux malheurs de l'état, par le pouvoir tyrannique qu'ils avaient usurpé. Les bourgeois avaient fait l'épreuve de leurs forces; ceux de Copenhague surtout fiers de leurs derniers succès et des privilèges qu'ils leur avaient valus, entre autres le droit de noblesse, qui faisait de la ville comme ún quatrième ordre dans l'état, demandèrent que tous concourussent à l'impôt demandé, à proportion des fortunes, et proposèrent, à cet effet, de donner à ferme au plus offrant, les fiefs de la couronne dont jouissait la noblesse, moyennant des redevances extrêmement modiques ; cette proposition aigrit l'ordre de la noblesse qui la regarda comme une atteinte à ses droits.

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