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les armées romaines eurent porté le ravage en Asie, lorsque Pompée eut soumis cette vaste contrée située entre la mer Caspienne et le Pont-Euxin; les Scythes qui l'habitaient se précipitèrent vers le nord et l'occident de l'Europe, soumettant tout ce qui se trouvait sur leur passage. La Russie, la Saxe, la Westphalie, la Suède, la Norvège, le Danemarck subirent le joug. Les habitans de ces contrées refluèrent en partie vers le midi, le reste ne forma plus qu'une même population avec les vainqueurs. Voilà ce qui explique cette diversité de mœurs, de lois, de langages, qui distingue la population du nord de celle de l'occident de l'Eu

rope.

Cette vaste émigration d'Asie était conduite par ce fameux Odin, divinisé dans la suite, par les peuples du nord, sous le titre de Dieu des armées, de Père du carnage, de dépopulateur, d'incendiaire; mais qui fut en effet le premier législateur, si l'on peut du moins donner ce titre au père du carnage. Quoiqu'il en soit, les institutions de ce chef terrible prévalurent dans le nord, jusqu'au moment où une religion plus douce, venant corriger l'apreté de celle d'Odin, modifia en même temps les mœurs et les lois des peuples septentrionaux, et leur donna ce caractère qu'elles ont conservé dans la suite. Ces observations devaient naturellement trouver place ici, et précéder l'histoire des divers gouvernemens que nous allons analyser. Renfermons-nous, quant à présent, dans ce qui touche plus particulièrement à l'histoire du Danemarck.

SI.

Du Danemarck, jusqu'au règne de Marguerite, en 1387.

On sait que ce sont des hordes de ces peuples venus d'Asie, dont nous venons de parler, qui se précipitèrent sur l'empire romain, ouvert de toutes parts à leur dévastation A l'époque de leur invasion, la Norwège et le Danemarck

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snrtout restèrent à peu près sans habitans. Dans la suite, ces deux pays se peuplèrent peu à peu, et, vers le commencement du huitième siècle, les Danois commencèrent, sous le nom général de Normands, ces expéditions d'un autre genre, qui rendirent, pendant des siècles entiers, leur nom formidable aux puissances maritimes d'Europe.

On connaît les conquêtes de ce fameux Harald, qui vécut au dixième siècle, et qui soumit à sa puissance, non-seulement tout le Danemarck, mais encore la Suède, le pays des Saxons, la Russie et l'Angleterre. Harald fut réellement le premier roi de Danemarck; c'est de son règne, que date l'introduction du christianisme dans le pays. Les vastes possessions des rois danois, plusieurs fois perdues et reconquises, avec l'adoption du christianisme, voilà les faits les plus importants que nous offre la période que nous parcou rons ici; aussi ne nous astreindrons-nous ni à retracer les courses lointaines de ces terribles Normands, ni les guerres presque continuelles des Danois avec leurs voisins; encore moins à dire, avec quelques auteurs, comment l'ancienne dynastie des rois de Danemarck descendait directement, selon la tradition, du belliqueux Odin; pourquoi ces premiers rois portèrent le nom de Skioldungs, et ceux qui leur succédèrent, celui de Estrithides; qu'il nous suffise de jeter un coup-d'œil sur la forme du gouvernement de Danemarck, avant le règne de Marguerite.

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Ici, nous trouvons un des caractères qui semblent plus particuliers aux gouvernemens du Nord, mais que nous avous cependant déjà remarqué, en traitant des premières époques du gouvernement de la France, le principe d'élection du souverain dans la maison régnante (1). De même que ceux

(1) Quelques écrivains, et particulièrement J.-B. Destoches, ont cherché à prouver que, jusqu'en 1250, la couronne fut héréditaire; tous les monumens contredisent cette opinion; Saxon le grammairien, et les auteurs danois qui l'ont suivi, s'accordent sur ce point. Puffendorf, Vertot, Molesworth, l'auteur des Lettres sur le Danemarck, Williams, etc., se rangent à cet avis, qui ne peut plus être combattu aujourd'hui.

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de Suède, de Norwege et de Pologne, le royaume de Danemarck était électif, mais de manière que la préférence était ordinairement accordée aux descendans des rois, et parmi ceux-ci au fils aîné de la maison royale, lorsqu'il était jugé digne de commander, S'il arrivait que le choix du peuple (car tout le peuple, les paysans mêmes, avaient dans ce cas, voix délibérative), tombât sur une personne reconnue par la suite indigne ou incapable de tenir les rênes du gouvernement; ou si le souverain man quait à ses promesses, les sujets se trouvaient affranchis du serment de fidélité, et pouvaient établir l'administration qui leur convenait le roi pouvait être déposé, même banni, quelquefois aussi condamné à perdre la vie. Avant de revêtir le roi de l'autorité suprême, on l'obligeait à signer une capitulation, où il promettait qu'il suivrait les Jois déjà établies, et qu'il maintiendrait les droits et les priviléges du peuple. Il rendait compte de sa conduite devant ceux qui représentaient la nation.

Du reste, l'autorité royale était extrêmement restreinte; le roi, réduit au seul commandement des armées, au droit de présider le sénat et au soin de veiller à l'administration de la justice, ne pouvait entreprendre aucune affaire importante sans le consentement des états et la participation lu sénat, c'est-à-dire des grands du royaume; il était même obligé, par la capitulation, de prendre, dans les affaires qui n'exigeaient pas le concours du sénat, l'avis de quatre grands officiers de la couronne, qui gouvernaient l'état conjointement avec lui dans l'intervalle d'une diète à Tautre. C'était un chef de guerre plutôt qu'un monarque.

Les états étaient convoqués chaque année; leur fréquente assemblée était une des bases essentielles de la constitution du Danemarck. C'est dans ces assemblées que se traitait tout ce qui regardait le gouvernement; c'est là qu'on fesait Les lois, qu'on arrêtait la paix, la guerre, les alliances; qu'on disposait des grandes charges; qu'on s'occupait des mariages des princes, etc. Nous ne parlerous pas des impôts,

jamais on ne levait de tribut fixe, mais quelquefois seulement une taxe extraordinaire pour subvenir à quelques frais imprévus, comme à l'entretien d'une guerre, Le roi vivait de ses propres revenus.

Nous arrivons au règne de Marguerite, surnommée la Sémiramis du Nord.

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S II.

Regne de Marguerite ;-Union de Calmar (1387-1412).

Ce n'est guère que sous ce règne, c'est-à-dire, vers la fin du quatorzième siècle, que le Danemarck commença réellement à prendre un rang stable, parmi les états européens; nous avons vu ses premiers rois sans cesse occupés à faire des conquêtes, presque aussitôt perdues que formées. Marguerite s'occupa d'étendre et de consolider la puissance de ses successeurs: les Danois ne furent plus un peuple d'aventu riers; mais une nation digne de figurer parmi les principaux états européens. C'est une remarque à faire, que tous les états du nord n'ont pris que très-tard ce caractère de stabilité, qui distinguait depuis long-temps ceux du midi de l'Europe; sans doute il faut pour en trouver la cause, remonter à l'origine des peuples qui s'établirent dans le nord, et avoir égard aux mœurs et aux inclinations qu'ils y apportèrent.

Elüe reine des Danois, Marguerite acquit la Norvége par mariage, et la Suède par le succès de ses armes. C'est ainsi qu'après avoir été long-temps en proie à d'affreuses dissensions, les trois royaumes du nord, tous trois électifs, tous trois gouvernés par un roi, par un sénat et par des étatsgénéraux, se virent réunis en un même corps politique.

La force, autant que le vœu des peuples, avait secondé les projets de Marguerite, elle voulut que sa puissance fût'encore fondée sur un droit incontestable : les états des trois royaumes furent convoqués en conséquence et portèrent cette loi fameuse dans le nord sous le nom d'Union-de

Calmar, loi qui avait pour but de réunir à jamais les intérêts des trois pays, et d'en confier, après la mort de la reine, le gouvernement à son petit-neveu Eric, fils d'un duc de Poméranie.

Cette loi se composait de trois articles principaux.

1o Les états-unis n'auront à perpétuité qu'un seul et même roi, élu d'un commun accord par les sénateurs et les députés des trois royaumes. Dans le cas où le roi Eric, héritier présomptif, laisserait une descendance, le roi sera choisi dans sa famille.

2o Le souverain partagera sa résidence entre les trois états, et consommera dans chacun le revenu de chaque couronne. La diète générale composée des états des trois royaumes, se tiendra à Helmstadt.

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3o Enfin chaque état conservera sa constitution, son sénat et ses lois particulières; les gouverneurs, les magistrats seront pris de chaque pays, sans que le roi puisse jamais employer d'étrangers dans aucun des trois états.

Ce règlement est de 1397.

On voit que les peuples du nord se départaient déjà de cette liberté absolue qui présidait à l'élection de leurs souverains, en déclarant que le roi ne pourrait désormais être choisi que dans la famille d'Eric; mais ce n'est pas le seu fait de ce genre que nous avons à remarquer ici, car plus tard les magistrats du royaume voyant les progrès que fesait le gouvernement absolu, sous l'administration de Marguerite, et voulant un jour lui rappeler les sermens qu'elle avait prêtés à son avènement au trône, elle leur demanda s'ils en avaient les chartes?« Oui, répondirent-ils, et nous les conservons avec le plus grand soin.-Je vous conseille en effet de les bien garder, reprend Marguerite, pendant que je garderai moi les châteaux et les villes de mon royaume, et les droits de ma dignité. » On a eú raison de dire qu'un grand monarque coûte toujours cher aux peuples: le despotisme d'une femme affaiblissait déjà chez ceux-ci toute idée

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