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vante, sur l'échafaud, le prix de sa trahison; mais les Bouguignons, qui s'étaient répandus à sa voix dans tout l'est de la Gaule, s'y maintinrent malgré tous les efforts de ses successeurs.

Ainsi fut fondé le royaume de Bourgogne. Gondicaire, simple chef des Bourguignons, quand ils avaient passé le Rhin en 407, fut proclamé roi en 413 ou 414. Ce royaume embrassa dans sa plus grande étendue, la Bourgogne moderne, la Suisse presqu'entière, la Savoie, le Dauphiné et une partie de la Provence. La race du fondateur règna 120 ans. Elle s'éteignit alors, et le royaume devint la proie de ces monarques francs, qui se disputaient sans cesse, le glaive à la main, les misérables portions de la Gaule, qui leur étaient dévolues en partage. Il y eut néanmoins un interrègne de vingt-sept ans, depuis la mort du dernier monarque jusqu'à Gontran, premier souverain de la race de Clovis; puis après le troisième monarque de cette race, le royaume devint en quelque sorte une annexe de celui de France, tantôt divisée, tantôt possédée intégralement. Le titre même de cette royauté se perdit entre les divers partages que subit le territoire, et d'autres le remplacèrent.

En 855, Lothaire fils du faible empereur qui succéda à Charlemagne, ayant partagé ses états entre ses trois fils, Charles, le troisième, eut la plus grande partie de l'ancien royaume de Bourgogne, sous le titre de royaume de Provence. une autre fraction peu considérable, et qui s'étendait vers la Suisse, forma en 888, pendant les troubles excités par la déposition de Charles-le-Gros, le royaume de la Bourgogne transjurane. La réunion de ces deux états en composa un nouveau qu'on appella royaume d'Arles. Rodolphe, deuxième roi de la Bourgogne transjurane, fut en 933 le premier roi d'Arles. Telles étaient à peu près partout les couronnes dans ces siècles malheureux: posées sur le front des chefs les plus vaillans, par la main tremblante des évêques, elles suivaient les chances de la fortune. La violence renversait toujours

l'œuvre de la violence; et l'huile sainte ne garantissait pas toujours du glaive. Il faut dire néanmoins qu'on aperçoit toujours, dans la courte existence de ces états, des traces de ce principe respecté en France sous les deux premières races, et que Montesquieu nous paraît avoir établi, le premier, d'une manière formelle. La couronne était à la fois héréditaire et élective, c'est-à-dire qu'on élisait le monarque, mais qu'il devait être élu dans la dynastie régnante; et il y a là sans doute une combinaison, fort remarquable pour ces âges, du principe d'hérédité, qui est une nécessité de la Monarchie à Jaquelle ces peuples avaient cru devoir se soumettre et du droit d'élection, qui était une conséquence naturelle, de la liberté absolue dont ils avaient joui long-temps.....

Un siècle s'était à peine écoulé, que déjà il s'était formé, au sein même du royaume d'Arles, plusieurs souverainetés héréditaires sous la simple mouvance de l'empire; le nombre en augmenta tellement dans la suite, que cet état se trouva réduit enfin à un vain titre dont les empereurs décoraient leur majesté. Voici comment s'effectua ce démembrement: la plupart des prélats, soit par commission des monarques, soit par abus introduits à la faveur des troubles, se trouvèrent successivement investis des droits régaliens dans la ville de leur résidence. C'est de là que l'archevêque de Lyon tira son titre d'Exarque, ainsi que l'archevêque de Besançon et d'autres évêques de France ou de Suisse, ceux de princes ou de comtes de l'empire. Les princes qui portaient le titre de rois d'Arles, ne conservèrent pas même la souveraineté sur les débris de leur monarchie; quelques portious furent incorporées à la couronne de France. Une autre partie adhéra aux ligues de l'Helvétie, le reste, composé de la Savoie, du comté de Montbeillard, et de l'évêché de Bâle fut admis au rang des états de l'empire (1).

Revenons maintenant à une portion de cet antique

(1) Pfeffel, etc.

royaume de Bourgogne, plus anciennement démembrée. Depuis le partage fameux que les fils de Louis-le-Débonnaire firent entre eux, en 843, la partie du royaume de Bourgogne, située en deçà du Rhône et de la Saône, et qui fut réunie à la France comme portion des états de Charles, n'en fut plus distraite. Elle resta donc sous la couronne de France, avec titre de Duché de Bourgogne; les rois la cédèrent d'abord comme fief à des princes de leur maison, puis simplement ensuité comme apanages reversibles à la couronne, à défaut de postérité directe.

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Le duché de Bourgogne fut donné par les monarques à divers princes, depuis un Richard-le-Justicier, le premier que l'histoire fasse connaître, et qui vivait à la fin du neuvième siècle. Mais Robert Ier, dit le Vieux, fils de Robert, roi de France, fut en 1032 le chef d'une race qui posséda ce fief héréditairement. Il n'avait été jusque là en quelque sorte qu'un bénéfice conféré aux princes de la maison royale. Ge Robert fut la souche de ce qu'on appelle la première race des ducs de Bourgogne. Le duc Eudes IV hérita, en 1330, par sa mère, du comté d'Artois et du comté de Bourgogne; c'était à-peu-près l'ancienne Séquannaise ou la FrancheComté, c'est-à-dire un autre démembrement du royaume d'Arless employs b

Les ducs de Bourgogne étaient donc encore à cette époque comtes d'Artois et de Bourgogne; on voit que leur puissance s'accroissait. Nous allons lui voir prendre de nouveaux développemens.

Philippe I, dit de Rouvre, du lieu de sa naissance, succéda en 1350 à son aïeul Eudes IV, dont on vient de parler. La mère de ce prince était épouse du roi de France Jean, lequel dirigea le duché pendant la minorité de Philippe. A peine âgé de douze ans, il fut marié à l'héritière du comté de Flandre, et déclaré majeur à quinze ans ; mais il mourut peu de temps après sans postérité. Jean, roi de France, lui succéda dans le duché de Bourgogne. Les lettres

patentes de réunion du duché à la couronne sont de 1361.

Philippe II, dit le Hardi, quatrième fils du roi Jean, fut la tige de la seconde race des ducs de Bourgogne. Ce fut en 1363 qu'il fut créé duc et souverain, de cet état, à la demande de la noblesse et du peuple. Il fut en même temps déclaré premier pair du royaume, titre qui appartenait auparavant au duc de Normandie. Ayant épousé l'héritière de Flandre, fille de Louis de Mâle, dernier comte de Flandre, et veuve du jeune Philippe de Rouvre, dernier duc de Bourgogne de la première race, Philippe-le-Hardi ajouta ainsi à son état les comtés de Flandre, d'Artois, de Bourgogne, de Réthel et de Nevers. Ce fut alors un des plus puissans princes de l'Europe, et l'on put prévoir jusqu'où devaient aller les prospérités de sa maison. Au reste, le même esprit d'indépendance se manifestait toujours dans ces provinces. Ces princes qui commençaient à pouvoir braver les monarques respectaient le vœu de leurs états-généraux: ces états étaient, comme ceux de France, composés des trois ordres. Mais il est manifeste que les députés des villes y jouissaient d'une influence plus considérable que dans toutes autres assemblées du même genre vers cette époque, en exceptant toutefois l'Angleterre, qui marchait dès-lors à la tête de tous les peuples de l'Europe dans la carrière des libertés publiques.

Trois autres princes, après Philippe-le-Hardi, régnèrent en Bourgogne, et la puissance de cette maison ne fit que s'accroître jusqu'à la catastrophe qui termina les jours du dernier.

Jean, dit Sans-Peur, succéda à son père Philippe en 1404. Les inimitiés fameuses entre les maisons de Bourgogne et d'Orléans, qui furent pour la France la source de tant de calamités, avaient déjà pris naissance. Elles furent signalées sous le règne du nouveau duc par de grands crimes; il fit assassiner son rival à Paris, en 1407, et fut lui-même assassiné, en 1419, sur le pont de Montereau, par Tanegui du

Châtel. Philippe III, le Bon, qui lui succéda en 1413, fit d'abord cause commune avec les Anglais, et mit ce royaume à deux doigts de sa perte, puis enfin, il les abandonna et conclut la paix avec la couronne. Il lui fut livré, par le traité, les comtés de Mâcon, d'Auxerre, de Bar-sur-Seine et de Ponthieu, les villes de Péronne, de Roye et plusieurs autres places de la Picardie avec une somme de cinquante mille écus. Ce fut à ce prix, que ce prince du sang consentit à rédevenir bon Français et vassal fidèle; toutefois cette paix était un heureux évènement pour la France; et elle eut donné plus encore pour se voir délivrée de ces farouches bandes bourguignones qui secondaient si bien, depuis près de trente ans, l'ambition des héritiers d'Édouard III.

Marquons les principaux accroissemens de l'Etat de Bour gogne sous le règne de Philippe-le-Bon. Il acheta, en 1421, le marquisat de Namur, dontun certain Jean Thierry de la maison de Flandres était le souverain. Il hérita, en 1430, du duché de Brabant. Il devint comte de Hollande, de Zélande et de Frise, en 1436, par la mort de la comtesse Jacqueline, qui l'avait nommée son ruward ou lieutenant pendant sa vie et son successeur après sa mort. Enfin, en 1451, il fut reconnu duc de Luxembourg par les états de cette province: Son titre était une donation à peu près pareille à celle qui lui avait livré la Hollande. La mémoire de ce prince fut long-temps honorée dans les Pays-Bas. Son âme était élevée et son esprit éclairé, il annait les arts et es protégeait; sa cour devint le siége de la politesse et du bon goût; il institua en 1430, l'ordre fameux de la Toison-d'Or. Les finances et l'adminis tration furent améliorées sous son règne, les manufactures de lin, de laine et de soie, prirent un accroissement considé rable. Bruges et Anvers devinrent les rivales de Venise et de Gênes, il allégea ses peuples et amassa toutefois des richesses considérables.

Ce Charles, surnommé le Terrible ou le Téméraire, qui succéda à son père Philippe, en 1467, menaça quelques ins

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