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Un spectre, que l'enfer déchaîne,
Du cercueil s'échappe à grand bruit.
Au lit du veuf il prend sa place,
Froid, à ses côtés il s'étend,
Et par un sourire de glace,
Réclame un hymen révoltant.

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Le spectre s'acharne et l'invite

Par d'horribles embrassemens;

Et, pour un moment, s'il succombe

Au poids d'un sommeil plein d'effroi,
Une voix qui sort de la tombe
Soudain lui crie : « Épouse-moi.

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M. ÉMILE DESCHAMPS.

LE ROI DES AULNES.

ÉLÉGIE.

Qui passe donc si tard à travers la vallée?
C'est un vieux châtelain qui, sur un coursier noir,
Un enfant dans ses bras, suit la route isolée.

Il se plaint de la nuit qui voile sou manoir;
Et l'enfant (ah! pourquoi troubler ces cœurs novices?)
Se rappelle en tremblant ces récits fabuleux

Qu'aux lueurs de la lampe, au vague effroi propices,
Le soir, près des foyers, racontent les nourrices.

Il croit voir... il a vu, sous le bois nébuleux,
Un de ces vains esprits, de ces antiques gnômes,
Qui, railleurs et cruels, doux et flatteurs fantômes,
Se plaisent à troubler le songe des pasteurs :
Soit qu'ils poussent leur rire à de courts intervalles,
S'attachent aux longs crins des errantes cavales,

Ou prêtent à la nuit des rayons imposteurs.

Voilant de tous ses pas les rians artifices

Le monstre, au bord des précipices,

Marche, sans les courber, sur la cime des fleurs,
Et de sa robe aux sept couleurs

Il a déployé les caprices.

A l'enfant qu'il attire il ouvre un frais chemin,
Fait briller sa couronne et sourit ; dans sa main
Flotte le blanc troëne et les nénuphars jaunes.

«

Mon père, dit l'enfant, vois-tu le roi des aulnes ? —Mon fils, sous mon manteau pourquoi cacher ta peur? Du ruisseau qui nous suit c'est la blanche vapeur. -J'entends ses sœurs courir et murmurer ensemble.... -C'est la brise du soir sous le bouleau qui tremble : Rassure-toi, mon fils, contre un effroi trompeur. -Qui frémit dans les bois ?--Le ramier qui s'éveille. Il me parle!..... entends-tu sa voix à mon oreille :

«

Viens, bel enfant, j'ai des bijoux,

»Du sable d'or, de blancs cailloux;

» Ma mère de nos airs t'apprendra les cadences; Je sais de jolis jeux, tu verras dans nos champs » Les chœurs variés par nos danses,

«

« Je t'endormirai par mes chants. >>

Mon père ! aux bords des eaux vois-tu là-bas sa mère?... -Mon fils, mon cher enfant, vaine et triste chimère : C'est le tronc du vieux saule et ses rameaux penchans. » Bel enfant, à mes vœux docile,

- «

» Je sers de guide à tes pas égarés.

>> Pour toi mes sœurs vont, d'une main agile,

>Tresser des festons bigarrés ;

> Regarde, que

de fleurs au bord du lac tranquille!

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Pourquoi ces craintes, ces délais?

» Viens, ta place est dans mon palais,

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Mon père !... il m'a saisi, je souffre... ah! sauve-moi!» Le châtelain frissonne: et l'enfant, plein d'effroi, Se serre sur son cœur et demeure immobile.

Mais le vieux châtelain, pressant son coursier n
(Et l'enfant dans ses bras), regagne son manoir.
Voilà les hautes tours et la porte propice.
Le pont mouvant s'abaisse, il entre; et la nourrice
Apporte sur le seuil un vacillant flambeau.

Le père avec tendresse écarte son manteau.

Soyez donc plus discrète; il m'a durant la route, Isaure, entretenu des esprits qu'il redoute; Il criait dans mes bras, mais maintenant il dort; Reprenez votre enfant.-Oh! dit-elle, il est mort ! »

M. H. DE LATOUCHE.

ཨ་་་་

MILTON.

FRAGMENT.

Sous le manteau d'une vaste cheminée, toute la famille est rassemblée; la soirée est froide, mais les portes fermées et le charbon de terre qui brûle en pétillant dans le foyer conservent une douce chaleur dans la chambre.

Le vieillard aveugle est étendu sur une chaise longue; sa main gauche est appuyée sur une petite table qui porte une bible et une lampe de cuivre à quatre becs. Sa main droite repose sur une harpe devant laquelle est assise l'aînée de ses filles, Eve la blonde, attentive à la lecture que fait sa belle-mère.

La femme du vieillard est auprès de son époux, de l'autre côté de la table; elle lit les nouvelles de la Gazette de Londres, de la veille, 30 mai 1660. Rachel et Judith, les deux autres jeunes filles, sont assises en face de leur père. Judith, aux noirs cheveux, écoute sa mère, les bras croisés et les yeux remplis d'une indigna

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