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AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.

Tour dans ce siècle est devenu matière à discussion: les crimes, les vertus, le mauvais, le beau. La littérature, comme la politique et la religion, a eu ses fanatiques. Pour réussir à s'entendre plus difficilement, on a inventé une dénomination nouvelle, un genre nouveau, le genre romantique. On l'a opposé au classique. Mais n'oubliant pas qu'il n'y a que deux sortes de littérature, la bonne et la mauvaise, chaque parti a de son côté appliqué ces épithètes au genre qu'il défendait et à celui qu'il blamait; et comme arrive toujours dans les discussions humaines, plus on s'est disputé moins on s'est compris.

L'éditeur de ce recueil est resté neutre dans cette grande question, il a entendu dire que le genre romantique n'existe pas, il a rassemblé les pièces qu'on va lire, il a entendu affirmer que le genre romantique est le genre détestable, il a voulu mettre le public en état de juger: les fragmens divers que renferme

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AVERTISSEMENT DE L'Éditeur.

ce livre, tant en vers qu'en prose, ont presque tous les caractères que les critiques désintéressés semblent assigner à la littérature romantique. L'éditeur pense que ce qui est beau, fût-il romantique, puisque cette dénomination existe, finit toujours par devenir classique. Il croit qu'il n'y a qu'un beau, comme il n'y a qu'une vertu, qu'une morale, qu'une religion.

Neutre au milieu des débats littéraires, l'éditeur a cru encore devoir rester neutre au milieu des guerres politiques; son livre réunit des noms que les partis divisent encore.

On a voulu que tout dans ce volume eût un caractère de nouveauté; l'exécution des portraits et de la vignette, ordinairement confiée au burin du été laissée au crayon graveur, a de deux habiles dessinateurs, MM. Colin et Boulanger, dont la lithographie a multiplié les esquisses pleines de finesse et de légèreté. Leur talent s'y est montré digne d'être associé à celui des auteurs dont les œuvres enrichissent ce recueil. J. A.

DE MM. LES AUTEURS DONT CE RECUEIL CONTIENT DES PIÈCES RARES OU INÉDITES.

M. ANCELOT.

M. ARNAULT (A. V.).

M. BARATEAU (E.).

M. BARJAUD.

M. BIGNAN.

M. BRÈS (J. P.).

M. CHATEAUBRIAND (le vicomte DE).
M. DELAVIGNE (C.).

M. DELPRAT (C.).

Madame DESBORDES-VALmore.

M. DESCHAMPS (Émile).

M. FONTANES (le marquis DE).
Mademoiselle GAY (Delphine ).

M. GÉRAUD (Edmond).

M. GUIRAUD (Alex.).

M. HOFFMAN.

M. H*** (comte F. D').

M. HUGO (Abel).

M. HUGO (Eugène).

M. HUGO (Victor).

M. LAMARTINE (Alph. DE).

M. LAMBERT.

RÈGLES DU GENRE ROMANTIQUE.

SATIRE.

A peine l'écolier qui fait sa réthorique

Trouve encor parmi nous quelque charme au classique;
Mais, lorsqu'il a quitté Virgile et son pédant,
Il se forme bientôt un goût indépendant;
Le genre romantique élève ses pensées,

Par Racine et Boileau trop long-temps rabaissées.
Son âme est attentive aux leçons du désert;
Il goûte du torrent le sublime concert,
Et du vague idéal cherchant la quintessence,
Du battant de la porte il chérit l'éloquence.
Les brigands de la grotte et ceux du vieux donjon
De préceptes touchans vont orner sa raison.
Quel charme séducteur se glisse dans ses veines,
Quand il entend le bruit des verrous et des chaînes!
Quand le cierge funèbre, à ses yeux allumé,
Est porté par un mort que l'on croit inhumé !
A tant de voluptés son cœur ne peut suffire,
Et d'un doux cauchemar il sent l'heureux délire.

Oui, je veux,
m'animant aux accens des beffrois,
Du Romantique pur vous enseigner les lois :

Au milieu des forêts, des rocs et des racines,
Montrez-moi vos héros, cachez vos héroïnes ;
Que, sa quenouille en main, la vieille du hameau
Soit toujours l'ornement d'un chef-d'œuvre nouveau ;
Que l'ermite s'y montre avec sa barbe blanche,
Traversant le torrent sur une étroite planche;
Qu'il sache le passé bien moins que l'avenir,
Et qu'il ait deux grands bras toujours prêts à bénir.

Chantez la tour lugubre, asile du rebelle,
Et son coq de fer-blanc, sa seule sentinelle,
Et les barreaux de fer, et la corde du puits,
Et les souris trottant sur les créneaux détruits.
Un héros entre-t-il dans ce gîte ? Il importe
De compter, avec soin, tous les clous de la porte.
Je veux qu'un avocat, devant un tribunal,
Puisse offrir votre écrit comme un procès-verbal.

Décrivez lentement le brin d'herbe qui pousse : Souvent le romantique est caché sous la mousse; Mais, quand vous l'y cherchez, faites que le poignard Dans la main d'un bandit se montre à mon regard. La mousse et les brigands, par un heureux mélange, De grâce et de terreur feront un doux échange.

De vos héros souvent dépeignez les habits,

Et jusques aux charbons dont leurs nez sont noircis.

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