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BATAILLE DE SALAMINE.

FRAGMENT.

...... Le trouble, la consternation, le désespoir qui régnaient alors à Athènes ne sauraient se peindre. Les frontières forcées, les étrangers prêts à pénétrer dans le cœur de l'État, des soulèvemens dans plusieurs provinces, tout paraissait inévitablement perdu. Pour comble de maux, une division fatale d'opinions parmi les amis de la patric achevait d'éteindre jusqu'au moindre rayon d'espérance. Tous les citoyens tombaient d'accord de la défense, mais personne ne s'entendait sur le mode. Les Lacédémoniens opinaient à se renfermer dans le Péloponèse; un pafti des Athéniens voulait qu'on défendît la cité; un autre, qu'on mît toutes ses forces dans la ma rine. L'ambition des particuliers venait à la traverse. Des hommes sans talens prétendaient à des places auxquelles les plus grands génies suf

fisaient à peine. Thémistocle écarta ses rivaux, détermina les citoyens à se porter sur leurs galères, et la patrie fut sauvée.

Cependant des diversités de sentimens, non moins fatales à leurs causes, frappaient l'armée conquérante d'imbécillité et de faiblesse. Xerxès, épouvanté du combat des Thermopyles, flottait incertain de la conduite qu'il devait tenir. Il apprenait qu'une partie de la Grèce était assise tranquillement aux jeux olympiques, tandis qu'il ravageait leur contrée, et il ne savait qu'en croire. Dans son conseil, le roi de Sidon se déclarait en faveur d'une attaque immédiate sur les galères athéniennes. Artémise, au contraire, représentait qu'en tirant la guerre en longueur, les ennemis étaient infailliblement perdus.

Le sentiment de la reine d'Halicarnasse fut rejeté et les opinions contraires adoptées. Ainsi par cette destinée qui dispose des empires, des diverses mesures en délibération, les Grecs choisirent celles qui pouvaient seules les sauver; les Perses, celles qui devaient nécessairement les perdre.

ussitôt Xerxès se prépare à la célèbre action

de Salamine. Il se passait alors sur la flotte réunie des Grecs, de ces grandes choses qui peignent les siècles, et qu'on ne retrouve qu'à des intervalles considérables dans l'histoire. La division s'était mise entre les généraux. Les Spartiates, toujours obstinés dans leurs projets, voulaient abandonner le détroit de Salamine, et se retirer sur les côtes du Péloponèse. A cette mesure qui eût perdu la patrie, Thémistocle s'opposait de tous ses efforts. Le général, s'emportant, lève la canne sur l'Athénien. « Frappe, mais écoute, » lui crie le grand homme, et sa magnanimité ramène Eurybiade à son opinion.

C'était la veille de la bataille de Salamine. La nuit était obscure. Les cœurs sur la petite flotte des Grecs, agités par tout ce qu'il y a de cher aux hommes, la liberté, l'amour, l'amitié, la patrie, palpitaient sous un poids d'inquiétudes, de désirs, de craintes, d'espérances. Aucun œil ne se ferma dans cette nuit critique, et chacun veillait en silence les feux des galères ennemies. Tout à coup on entend le sillage d'un vaisseau qui se glisse dans le calme des ténèbres. Il aborde à Salamine; un homme se présente à

Thémistocle. « Savez-vous, lui dit-il, que vous êtes enveloppé et que les Perses font le tour de l'île pour vous fermer le passage? Je le sais, pond le général athénien, cela s'exécute par mon avis*. Aristide admira Thémistocle : celuici avait reconnu le plus juste des Grecs.

Xerxès, assis sur un trône élevé pour contempler sa gloire, fait placer des soldats dans les iles adjacentes, afin qu'aucun des Grecs, sauvé de la ruine de ses vaisseanx, ne puisse échapper à sa vengeance.

Entre la côte orientale de l'île de Salamine et le rivage occidental de l'Attique se forme un détroit en spirale d'environ quarante stades ** de long et de huit *** de large. L'extrémité du dé

* Les Grecs étant prêts à se retirer, Thémistocle en fit donner avis à Xerxès, qui s'empressa de bloquer les passages par où la flotte eunemie eût pu s'échapper. Ainsi les Grecs se virent obligés de combattre dans ce lieu favorable, ce qui leur procura la victoire. Aristide, en passant à Salamine, s'aperçut du mouvement que faisaient les galères persanes pour envelopper celles d'Eurybiade, et ignorant le stratagème de Thémistocle, il donna avis du danger à celui-ci.

** Environ deux lieues.

*** Un peu plus d'un tiers de lieue.

troit se trouve presque fermée par le promou toire Trophée de l'île, qui se jette à travers les flots dans la forme d'une lance. La première ligne des galères grecques s'étendait depuis cette pointe au port Phoron, qui lui correspond sur la côte du continent opposé. La seconde ligne, parallèle à la première, se plaçait immédiatement derrière, et ainsi successivement des autres, en remontant dans l'intérieur du détroit.

La première ligne des galères persanes, faisant face à celles des Grecs, se formait en demilune, depuis la pointe Trophée jusqu'au port Phoron, et les autres se rangeaient derrière, en dehors du détroit. Non seulement, par cette disposition, les Perses perdaient l'avantage du nombre, mais encore leur ordre de bataille se trouvait coupé par la petite île Psyttalie, qu gît un peu au-dessous et en avant de l'embouchure du canal.

A l'aile droite de l'armée navale des Perses étaient placés les Phéniciens, ayant en tête les Athéniens; à l'aile gauche, les Ioniens qui devaient combattre les Lacédémoniens, les Mé

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