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SUR

LA PLURALITÉ

DES MONDES,

AUGMENTÉS

DES DIALOGUES DES MORTS.

Par M. DE FONTENELLE, de l'Académie
Française.

NOUVELLE ÉDITION,

A LYON,
De l'Imprimerie de LERO Y.

M. DCC C,

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PRÉFA CE.

JE suis à-peu-près dans le même cas où

se trouva Ciceron, lorsqu'il entreprit de mettre en sa langue des matieres de Philosophie, qui jusques-là n'avoient été traitées qu'en Grec. Il nous apprend qu'on

disoit que ses ouvrages seroient fort inutiles, parce que ceux qui aiment la Philo

sophie, s'étant bien donné la peine de la chercher dans les Livres Grecs, négligeroient après cela de la voir dans des Livres Latins qui ne seroient pas originaux ; et que ceux qui n'avoient pas de goût pour la Philosophie, ne se soucioient de la voir ni en Latin, ni en ́ Grec.

A cela il répond qu'il arriveroit tout le contraire; que ceux qui n'étoient pas philosophes, seroient tentés de le devenir par la facilité de lire les Livres Latins; et que ceux qui l'étoient déjà par la lecture des Livres Grecs, seroient bien aises

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de voir comment ces choses-là avoient été maniées en Latin.

Cicéron avoit raison de parler ainsi. L'excellence de son génie, et la grande réputation qu'il avoit déjà acquise, lui garantissoient le succès de cette nouvelle sorte d'Ouvrages qu'il donnoit au Public; mais moi je suis bien éloigné d'avoir les mêmes sujets de confiance dans une entreprise presque pareille à la sienne. J'ai voulu traiter la Philosophie d'une maniere qui ne fût point philosophique ; j'ai tâché de l'amener à un point où elle ne fût ni trop seche pour les gens du monde, ni trop badine pour les Savans. Mais on me dit à-peu-près comme à Cicéron, qu'un pareil Ouvrage n'est propre ni aux Sa→ vans qui n'y peuvent rien apprendre, ni aux gens du monde qui n'auront point d'envie d'y rien apprendre, je n'ai garde de répondre ce qu'il répondit. Il se peut bien faire qu'en cherchant un milieu où la Philosophie convînt à tout le monde, j'en aie trouvé un où elle ne convienne à

personne les milieux sont trop difficiles à tenir, et je ne crois pas qu'il me prenne envie de me mettre une seconde fois dans la même peine.

Je dois avertir ceux qui liront ce Livre, et qui ont quelque connoissance de la Physique, que je n'ai point du tout prétendu les instruire, mais seulement les divertir en leur présentant, d'une manire un peu plus agréable et plus égayée, ce qu'ils savent déjà plus solidement. J'avertis ceux à qui ces matieres sont nouvelles, que j'ai crus pouvoir les instruire et les divertir tout ensemble. Les premiers iront contre mon intention, s'ils cherchent ici de l'utilité; et les seconds, s'ils n'y cherchent que de l'agrément.

Je ne m'amuserai point à dire que j'ai choisi dans toute la Philosophie la matiere la plus capable de piquer la curiosité. Il semble que rien ne devroit nous intéresser davantage, que de savoir comment est fait ce monde que nous habitons, s'il y a d'autres mondes semblables

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