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solue de croire à la mort de Tabarin à l'époque indi

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quée. Ces pièces burlesques étaient le plus souvent des

Théâtre de Tabarin et de Mondor au Pont Neuf (aux Estampes).

morceaux de pure fantaisie dont les auteurs ne se piquaient nullement d'exactitude historique.

Dans tous les cas, si Tabarin n'est pas mort en 1633, il faut croire qu'il se retira des affaires pour vivre dans la retraite1. On a pensé parfois que devenu riche,

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il était allé vivre dans un manoir payé de ses deniers.

1. Il est évident que la fable de La Fontaine que nous avons citée plus haut ne prouve absolument rien pour la date de la mort ou de la retraite de Tabarin. On ne saurait prétendre que le bouffon vécût encore en 1678. La mention faite par le fabuliste montre seulement combien le souvenir du célèbre bateleur était encore vivant et populaire.

Tout comme le lieutenant de la Dame Blanche, Jean Salomon aurait ainsi acheté un château sur ses économies. Dans les pièces citées par M. Jal, il est souvent appelé seigneur du Fréty. Convenons pourtant que cetle métamorphose du char

latan du Pont Neuf paraît bien peu vraisemblable. Quelle que fût la vogue de Tabarin, il lui aurait fallu vendre terriblement d'onguent et de pommade pour arriver à mettre de côté les revenus d'un châtelain du dix-septième siècle. Et puis, n'est-il pas probable que dans son castel Tabarin eût été pris de la nostalgie des tréteaux? L'existence si somptueuse qu'on la suppose, mais singulièrement calme et tranquille d'un manoir de province, n'était point du tout son fait. Un homme habitué à

Chodruc-Duclos au Palais-Royal.

vivre en plein air, à parler à la foule, à se griser de ses succès, pouvait-il se réduire à la monotonie d'un train de gentilhomme campagnard? Les documents découverts par M. Jal n'apportent pas de preuves assez solides pour appuyer une semblable assertion. Le titre

de seigneur du Fréty pouvait parfaitement n'être qu'un nom ronflant que Tabarin se donnait sur le théâtre pour faire plus d'impression sur la foule, comme la qualification de docteur dont se parait Mondor, quoiqu'il n'eût jamais été médecin. Ce sont là des titres qu'il convient de ne pas prendre au sérieux.

Tabarin n'a pas été sans doute le dernier des charlatans de foire et de place publique. Ses héritiers ont été et sont nombreux encore aujourd'hui. Tous les banquistes, les bateleurs, les vendeurs de drogues, les saltimbanques qui opèrent en costume multicolore, à grands coups de grosse caisse, sur deux tréteaux ou dans une voiture, aux foires de village, au milieu des places publiques, les bouffons grotesques, comme Jocrisse, ou sérieux comme le Chodruc-Duclos du règne de LouisPhilippe', peuvent se réclamer de cet illustre ancêtre. Mais on doit reconnaître que les descendants de Jean Salomon ne lui ont pas souvent emprunté la verve qui l'avait rendu si populaire.

1. Tous les hommes de la génération de 1830 ont connu ce singulier personnage surnommé le Diogène moderne, qui se promena vêtu de haillons, tous les jours, de quatre à dix heures en hiver et de deux heures à minuit en été, pendant seize ans, sous les galeries du Palais-Royal. Il avait été autrefois un royaliste militant, et, indigné de l'abandon où le laissait son parti, après un duel dans lequel il avait tué un La Rochejaquelein, il avait trouvé ce moyen de mettre en relief l'ingratitude de ses anciens amis.

IV

Les bouffons de ville.

Les associations de bouffons.

La Compagnie de Clèves. La Mère Folle de Dijon.

Nous avons jusqu'ici parlé des fous domestiques attachés à la maison des princes et des grands personnages ou des bouffons populaires, qui, dans les carrefours et sur les places publiques, attiraient la foule par leurs lazzi et leurs tours burlesques sans relever d'aucune autorité, libres de leur verve et de leur fantaisie. Il nous reste à présenter rapidement au lecteur d'autres bouffons dits bouffons de ville, baladins, jongleurs, bateleurs, turlupins, farceurs, paillasses, polichinelles, ventriloques, mystificateurs, maîtres de batte, diseurs de bons mots, qui, avec approbation et charge des autorités municipales, moyennant une légère rétribution et force rasades, jouaient le rôle de bouffons en titre d'office, pour ainsi dire, des villes ou des corporations.

A Lille, la procession de l'octave de la Fête-Dieu était précédée par un fou en titre d'office, appelé le fou de la ville, qui lui payait annuellement ses gages. « Il est habillé d'une manière conforme à sa fonction, dit l'abbé d'Artigny1, et tient une marotte dans sa main, avec la

1. Cité par A. Canel: Recherches historiques sur les fous des rois de France, p. 29.

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