Page images
PDF
EPUB

lui appartiennent en propre et qui ne dépendent ni des pédoncules cérébelleux, ni du bulbe. Enfin, la partie superficielle de la face postérieure de la protubérance est formée, comme celle du bulbe, par de la substance grise qui constitue le plancher du 4e ventricule.

Si, à l'aide d'un grossissement plus considérable, on cherche à déterminer les caractères des éléments cellulaires de la substance grise de la protubérance, on constate qu'ils ont pour cachet de renfermer, comme ceux du bulbe, beaucoup plus de pigment jaune, et que le plus grand nombre d'entre eux offrent la forme et les dimensions de cellules sensitives. En voyant des cellules en général assez petites, on a prétendu qu'il n'y avait dans la protubérance que des cellules sensitives et pas de cellules motrices. Mais il ne faut pas s'attendre à trouver dans toutes les parties motrices de l'axe, des cellules aussi volumineuses que celles des cornes antérieures. Plus une cellule est chargée d'un rôle purement mécanique, plus elle est volumineuse; plus l'acte qu'elle produit tend à revêtir un caractère psychique, plus elle est petite. Or, un mouvement commence par un acte intellectuel; la volonté qui veut le mouvement, le commande. C'est l'œuvre des petites cellules corticales. L'ébranlement né à la périphérie des lobes cérébraux, a besoin, pour arriver à donner naissance à une force mécanique capable de déplacer les leviers osseux, de se transformer graduellement, de se matérialiser de plus en plus en se multipliant comme force mécanique. Il a besoin de passer par des cellules de moins en moins spirituelles et de plus en plus matérielles et massives. Or, la protubérance se trouvant à la partie moyenne de ce trajet, ne devait pas avoir des cellules aussi fines que celles des couches intellectuelles du cerveau, ni des cellules aussi grosses que celles de la moelle. De même pour les cellules sensitives. L'impression extérieure va en se modifiant, en se spiritualisant, de la périphérie au centre, et doit rencontrer sur son passage des cellules de plus en plus petites.

Fig. 34.

Spécimen des diverses cellules qu'on peut rencontrer dans la protubérance,

Une question anatomique importante, à notre point de vue spécial, est celle des nerfs qui prennent naissance dans le centre que l'on considère; car c'est par les nerfs qu'ils fournissent que les centres nerveux peuvent retentir sur des organes plus ou moins éloignés. C'est par l'intermédiaire de ces nerfs qu'ils président à telle ou telle fonction et qu'ils peuvent, dans l'état pathologique, troubler ces fonctions. Sous ce rapport, la protubérance est beaucoup moins bien partagée que le bulbe, que nous avons vu fournir un grand nombre de nerfs dirigeant des fonctions presque toutes indispensables à la vie. Un seul nerf semble prendre franchement son noyau d'origine dans la protubérance, c'est le trijumeau qui présente, comme vous savez, deux racines, l'une grosse, incontestablement sensitive, et l'autre petite, incontestablement motrice. Toutes deux émanent de points différents de la substance grise centrale, et viennent émerger de la face basilaire à des points distincts, mais rapprochés. Il y a, relativement à ces origines réelles, des interprétations de détail que nous pouvons négliger pour nos besoins actuels.

Il est un nerf dont l'origine est située sur la frontière du bulbe et de la protubérance, que nous avons déjà vu, pour cette raison, figurer dans la physiologie et la pathologie bulbaires, et que nous verrons jouer un rôle plus important encore dans les maladies de la protubérance; car sa présence là donnera un cachet tout à fait pathognomonique aux paralysies dues à cet organe. Ce nerf, c'est le facial. Non-seulement par le fait même de son voisinage, son noyau peut être compromis par les dégénérescences de la protubérance, mais comme les muscles faciaux sont destinés à traduire nos sentiments, la petite masse de substance grise qui alimente leurs mouvements a besoin d'être reliée au centre intellectuel et moral par des fibres qui traversent forcément la protubérance, aux destinées morbides de laquelle elles se trouvent ainsi enchaînées. Ces fibres sont au noyau du facial ce que les fibres dites encéphaliques des cordons antérolatéraux de la moelle sont aux cellules des cornes antérieures, et les maladies de la protubérance peuvent entraver les mouvements des muscles de la face au même titre que les maladies des cordons antéro-latéraux viennent compromettre les mouvements volontaires des muscles du corps.

Un nerf qui n'appartient pas non plus en propre à la protubérance, mais au pédoncule cérébral, qui cependant la touche d'assez près pour être mis en jeu dans ses maladies et même dans ses vivisec

tions, c'est le moteur oculaire commun, qui se jette dans un noyau situé au-dessous de l'aqueduc de Sylvius, près du bord antérieur de la protubérance. Il n'est pas seulement exposé à subir la compression déterminée par une tumeur de cet organe, il peut encore subir une influence réflexe, même quand la lésion de la protubérance est hors de sa portée anatomique. En effet, le trijumeau fournit la sensibilité aux muscles qui reçoivent leur mouvement de la 3o paire. Ces deux nerfs sont donc en relation réflexe d'une façon tout à fait rapprochée, et une maladie de la protubérance peut, par le trijumeau, exciter le noyau du moteur oculaire commun, comme l'irritation des cornes postérieures, dans la chorée, excite les cornes antérieures à produire des mouvements choréiques. C'est souvent par ce mécanisme que se produisent le nystagmus et les convulsions du globe oculaire dans les maladies de la protubérance. La même réflexion s'applique au moteur oculaire externe, qui se trouve aussi souvent mis en cause. La plupart des auteurs lui reconnaissent deux racines, dont l'une, inférieure, viendrait de la pyramide du bulbe, et l'autre, supérieure, de la partie inférieure de la protubérance. En réalité, cette seconde racine peut être aussi suivie jusque dans la pyramide, mais il n'en est pas moins vrai qu'à son émergence le nerf rase le bord inférieur de la protubérance et se trouve naturellement compromis dans beaucoup de maladies de cet organe.

Les artères chargées de nourrir la protubérance émanent du tronc basilaire. Elles donnent lieu à un réseau de capillaires assez pauvre dans la substance blanche, mais excessivement riche dans la substance grise, ce qui explique pourquoi cet organe est si souvent le siége d'hémorrhagies. On comprend aussi que ces capillaires, mal soutenus par la substance molle qu'ils irriguent, soient le siége de ces anévrysmes miliaires dont j'aurai à vous entretenir dans l'anatomie pathologique.

Chez les poissons, les reptiles et les oiseaux, il n'y a point de pont de Varole, ni de fibres transversales réunissant les lobes cérébelleux à travers la protubérance. Celle-ci n'est constituée que par la continuation du bulbe vers les pédoncules cérébraux. Cet état, qui est permanent chez eux, est transitoire dans l'embryon humain. Pendant une partie de la vie intra-utérine, nous n'avons pas de fibres cérébelleuses.

Avec ces données anatomiques, nous pouvons aborder l'étude de la physiologie normale de la protubérance. Dans cette étude, nous

rechercherons successivement, comme nous l'avons fait pour la moelle et le bulbe:

1o Les résultats qu'on peut obtenir en excitant directement les diverses parties de la protubérance;

2o La manière dont s'opère, dans la protubérance, la transmission des impressions sensitives qui, nées à la périphérie du corps, doivent nécessairement passer par elle pour se rendre au cerveau, et la transmission des ordres de la volonté qui doivent déterminer la contraction des muscles;

3o Les phénomènes que la protubérance peut produire comme centre nerveux particulier.

Résultats de l'excitation directe des diverses parties de la protubérance.

En physiologie, on admet généralement avec Longet que toute irritation portant sur les cordons antéro-latéraux de la moelle donne lieu à des contractions musculaires. Le même genre de réaction est attribué aux pyramides antérieures du bulbe qui, du reste, paraissent être la continuation des cordons antérieurs. Conséquent avec luimême, Longet déclare qu'on détermine encore des mouvements en irritant les portions de la protubérance qui sont immédiatement audessus du pont de Varole, parce que là passent à l'état de dissociation les fibres de ces mêmes pyramides antérieures. Si nous restons sur le terrain de la physiologie expérimentale, nous ne pouvons que nous ranger à l'opinion de Longet, car tous les auteurs déclarent qu'ils ont obtenu des mouvements en piquant la région antérieure, particulièrement dans ses couches moyennes. Mais les mouvements que l'on provoque alors sont, comme l'a fort bien indiqué Tood, bien différents de ceux qu'on détermine en irritant les cordons antérieurs de la moelle, surtout si on se sert de l'électricité comme excitant. Avec la moelle, on donne lieu à une contraction permanente, un état tétanique des membres. Avec la protubérance, ce sont des mouvements convulsifs, c'est-à-dire des contractions avec déplacement des segments des membres. L'animal ne reste pas raide; il se débat comme l'enfant dans ses convulsions, l'épileptique dans ses accès, la femme dans ses crises d'hystérie. De plus, ces mouvements sont généraux. C'est là l'application de la loi de généralisation que nous avons posée à propos du pouvoir réflexe de la moelle, à savoir que

toutes les fois qu'une impression sensitive intense peut se propager de bas en haut jusque dans le bulbe et la protubérance, les mouvements réflexes deviennent aussitôt généraux et convulsifs. Il était nécessaire d'énoncer ce fait physiologique, car on comprend qu'une tumeur, une lésion quelconque siégeant au-dessus du pont de Varole, puisse irriter au même titre que l'électricité et provoquer chez les malades des accès épileptiformes. Mais il y a lieu de faire une réserve que nous avons déjà faite pour les cordons, c'est qu'on n'obtient ces mouvements qu'à la condition d'employer une irritation très-forte (1). Une différence existe cependant encore entre ce qui se passe dans la piqûre des cordons antérieurs de la moelle et ce qui se passe dans celle de la partie de la protubérance qui donne passage au prolongement des pyramides. Quand on pique les cordons antérieurs, nonseulement on donne naissance à des contractions tétaniques, mais l'animal jette de faibles cris; il accuse un peu de douleur. Il n'en est plus de même avec la protubérance toutes les fois qu'on évite de toucher la sphère d'épanouissement du trijumeau. C'est qu'en effet les cordons antérieurs n'ont de la sensibilité que parce qu'ils sont traversés par les racines antérieures qui apportent avec elles ce que nous avons appelé la sensibilité récurrente. Or, la partie antérieure de la protubérance ne donne naissance à aucun nerf capable de lui apporter de la sensibilité récurrente.

Longet dit que l'irritation appliquée à la région antérieure ne provoque de mouvements qu'autant qu'elle s'étend aux points traversés par les pyramides prolongées, et que lorsqu'elle reste limitée à la couche superficielle aux fibres transversales qui forment le pont de Varole, on ne détermine aucun phénomène de motilité. L'assertion n'est pas complétement juste, car si on déchire un certain nombre des fibres de cette couche, on donne lieu souvent à des mouvements de locomotion automatiques et bizarres qu'on obtient aussi, et peut-être plus sûrement, en agissant sur d'autres parties de l'encéphale et qui sont compris sous le nom générique de mouvements de rotation. Comme c'est la première fois que, dans notre exploration de l'axe cérébro-spinal, nous rencontrons ce genre de phénomène, nous allons en faire l'objet d'une description d'ensemble dans laquelle se trouveront forcément signalés des faits plus parti

(1) Nothnagel place le centre convulsif dans la protubérance. Mais les expériences de Schroff semblent indiquer qu'il y a dans la partie supérieure de la moelle des centres capables de provoquer des convulsions générales. (Wien. Jahrbuch, p. 318. 1875.)

« PreviousContinue »