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appelée par Cruveilhier: Apoplexie capillaire à foyers miliaires. Les recherches plus fines et plus récentes de MM. Charcot et Bouchard ont fait voir que ces prétendus foyers étaient constitués par de véritables anévrysmes mignons. Aussi la dénomination d'anévrysmes miliaires est-elle désormais consacrée. Après les couches optiques, c'est la protubérance qui, de toutes les autres parties de l'encéphale, est le plus souvent le siége de ces anévrysmes. On n'en a pas une seule fois constaté dans les circonvolutions cérébrales sans en rencontrer en même temps dans la protubérance. Souvent même il y en a dans celle-ci, alors que le cerveau n'en renferme point. On peut parfaitement les distinguer à l'œil nu, leur diamètre variant d'un millimètre à un millimètre et demi. Ils sont globuleux et d'une teinte qui varie entre le rouge violacé, le rouge-brun, le noir et l'ocreux. Tantôt ils sont mous et fragiles, tantôt ils sont durs et donnent au doigt la sensation d'un grain de sable. Ils ne sont euxmêmes qu'un des effets d'une maladie plus générale qui tend à envahir tout le système vasculaire de la région. Il se fait dans les parois des vaisseaux une prolifération considérable de noyaux, en même temps que les fibres musculaires de la tunique moyenne tendent de plus en plus à disparaître. Tout d'abord ces fibres se trouvent simplement masquées par la multiplication des noyaux et par l'épaississement de la tunique adventice. Plus tard, on constate qu'elles ont éprouvé un véritable travail de résorption; aussi les trouve-t-on très-espacées. Plus la lésion est avancée, plus elles se montrent écartées les unes des autres. Elles peuvent manquer complétement sur une étendue plus ou moins considérable. A leur place on n'aperçoit plus que des granulations graisseuses éparses, débris des noyaux, qui, après avoir proliféré, meurent de dégénérescence graisseuse. C'est tout justement cette disparition progressive de la tunique moyenne qui permet la formation des anévrysmes miliaires. Çà et là, dans les points où la tunique externe ne s'est pas épaissie et n'est pas devenue capable de suppléer la musculeuse absente, la paroi ainsi réduite ne peut plus résister à la pression de la colonne sanguine. Elle cède peu à peu en se dilatant en ampoule, tandis que les points environnants, plus résistants, maintiennent à leurs niveaux le diamètre normal. En cédant ainsi de plus en plus, la petite poche finit souvent par se rompre, ce qu'elle fait d'autant plus facilement que son état graisseux la rend plus friable. Si la gaîne lymphatique n'a pas préalablement contracté des adhérences avec l'anévrysme, et

si elle résiste au flot qui lui arrive, une hémorrhagie, à forme dite anévrysme disséquant, succède à l'anévrysme miliaire. Si cette gaîne devenue adhérente se rompt avec la poche primitive, ou si elle se brise ultérieurement, une hémorrhagie ordinaire succède soit à l'anévrysme miliaire, soit à l'anévrysme disséquant (1).

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A, vaisseau portant trois anévrysmes miliaires vu à l'œil nu. M, anévrysme rompu et donnant lieu à une hémorrhagie.

B, vaisseau vu au microscope et montrant la multiplication des noyaux P et la raréfaction des fibres musculaires N.

C, vaisseau plus altéré parsemé de granulations graisseuses et n'offrant plus que quelques fibres musculaires atrophiées.

Par un sentiment bien naturel, MM. Bouchard et Charcot se montrent portés à penser que toutes les hémorrhagies de la protubérance et de l'encéphale sont engendrées par des anévrysmes miliaires, et par conséquent, par cette altération du système vasculaire. Ils prétendent qu'en cherchant bien on trouve toujours des grains anévrysmaux sur les parois des kystes hémorrhagiques, même les plus considérables. C'est probablement par trop exclusif, car les hémorrhagies qui surviennent à la suite d'un coup ou d'une chute doivent le plus souvent reconnaître une genèse purement mécanique qui n'a pas besoin d'être aidée par une altération antérieure des parois vasculaires. Dans la physiologie pathologique, nous rapporterons l'histoire d'un chat qui eut une apoplexie de la protubérance dans des conditions telles qu'il est bien certain que les vaisseaux étaient intacts au moment de l'accident. Il doit pouvoir en être de même dans l'espèce humaine.

(1) Bouchard et Charcot donnent pour point de départ aux anévrysmes miliaires, une péri-artérite; Zenker une endartérite; Roth et Virchow une altération de la musculeuse consistant en une atrophie par dégénérescence amyloïde. (Corresp.-Blatt. f. Schweiz. Eret. 1874.)

Il fut un temps où les anatomo-pathologistes accordaient une certaine influence à l'état du terrain ambiant. Le ramollissement de la substance nerveuse leur semblait très-apte à prédisposer aux hémorrhagies en ne soutenant plus d'une manière suffisante les' vaisseaux qui la parcourent. Depuis, on a changé à peu près complétement d'avis, et on pense que si les apoplexies coïncident souvent avec le ramollissement, cela tient à ce que la dégénérescence des vaisseaux, qui produit les anévrysmes miliaires, produit aussi le ramollissement du département nerveux correspondant. Mais il est évident que, tout en étant l'effet d'une même cause, le ramollissement favorise la rupture des anévrysmes déjà formés. L'influence du plus ou moins de résistance du tissu qui entoure les vaisseaux me paraît démontrée par ce fait que les hémorrhagies sont beaucoup plus rares là où le passage des pédoncules vient raffermir le terrain. Leur effet est comparable à celui des racines des arbres que l'homme plante dans les talus de terre élevés par lui.

La protubérance, de même que toutes les autres parties des centres nerveux, peut être atteinte du genre de lésion qui a reçu le nom de ramollissement. Toutefois, les auteurs prétendent qu'il s'y rencontre beaucoup moins souvent que partout ailleurs. Je crois que cette appréciation est bien au-dessous de la vérité et qu'elle tient à l'insuffisance des autopsies. Dans l'espace de trois mois, nous l'avons rencontré deux fois dans la clinique de l'hôpital Saint-Charles. Comme dans le cerveau et dans le cervelet, il peut être secondaire, c'est-à-dire être la conséquence d'une altération antérieure des parties voisines, ou apparaître d'une façon tout à fait spontanée. Dans l'un et l'autre cas, il peut se produire suivant deux mécanismes différents ou bien il est engendré par un travail inflammatoire dont il représente une phase ultime, ou bien il est la conséquence d'un défaut de nutrition de la partie. Le ramollissement inflammatoire est beaucoup plus rare dans la protubérance qu'ailleurs. D'après les observations livrées à la publicité, il n'aurait encore été signalé que ' cinq fois. Mais, je le répète, ce sont plutôt les observations qui font défaut que le ramollissement. Il débute généralement par une injection vasculaire donnant lieu à une coloration rouge uniforme ou à des marbrures. Il se fait ensuite une prolifération des éléments cellulaires de la névroglie qui se multiplient d'une manière considérable. Beaucoup de micrographes pensent toutefois que tous ces noyaux de nouvelle formation ne sont pas l'œuvre de ce travail de prolifération

et qu'un certain nombre ne sont autres que des globules blancs du sang qui ont traversé les parois des vaisseaux. Ce qui semble, entre autres raisons, justifier cette opinion, c'est que dans le même moment les gaînes lymphatiques se montrent gorgées de leucocytes. Quoi qu'il en soit, ces divers noyaux éprouvent ultérieurement la dégénérescence graisseuse. En même temps, les éléments nerveux deviennent aussi graisseux; double source d'une production abondante de corps granuleux et d'une dissociation du tissu dont la consistance diminue, et dès lors le ramollissement est constitué. Ce travail inflammatoire peut aussi aboutir exceptionnellement à la production d'un abcès qui n'est en définitive que le résultat d'une production nucléaire plus considérable dont les éléments meurent sans devenir des corpuscules de Gluge. On n'a encore rencontré dans la protubérance que deux fois cette terminaison par abcès. L'un de ces foyers avait le volume d'une petite olive contenant environ un gramme de pus et occupait la limite postérieure de la masse latérale droite de la protubérance. Il fut constaté par Forget. L'autre, observé par Meynert, avait le volume d'une noisette et siégeait dans l'épaisseur de la couche profonde des fibres transversales.

Dans le ramollissement par défaut de nutrition, le point de départ est une altération vasculaire qui apporte un obstacle à l'entretien de la vie normale dans les éléments nerveux. Privés plus ou moins complétement de leurs moyens d'alimentation, ces éléments éprouvent la mort graisseuse. Les lésions vasculaires susceptibles d'amener ce résultat peuvent siéger isolément ou simultanément dans les veines, les artères et les capillaires. Les altérations artérielles sont de deux sortes : les oblitérations et les rétrécissements.

1o Les obliterations artérielles sont dues, soit à une embolie, soit à une thrombose.

L'oblitération par embolie se produit surtout dans les maladies cardiaques. Un caillot formé aux orifices du cœur se détache, est entraîné et vient obstruer l'artère basilaire ou une de ses branches. Il en résulte immédiatement une stase sanguine dans toute la région irriguée par ce vaisseau; puis, après un temps généralement assez court, les granulations normales des cellules sont remplacées par des gouttelettes de graisse. La moelle des tubes nerveux se segmente et chaque fraction finit par se résoudre en une multitude de petites granulations graisseuses. Le sang qui se trouvait dans le réseau capillaire au moment de l'arrivée de l'embolie et qui s'est trouvé con

damné à l'immobilité, faute d'impulsion à tergo, s'est altéré lui-même sur place. Sa fibrine coagulée est devenue granuleuse; ses globules ne sont plus représentés que par des grains de pigment, seuls débris de leur destruction spontanée; enfin les cellules plasmatiques de la névroglie sont passées à l'état de corpuscules de Gluge. Tant que ces divers éléments restent remplis de granulations graisseuses, la région malade se montre tuméfiée et d'une consistance molle. Mais peu à peu ce contenu granulo-graisseux est résorbé en partie, et il ne reste plus qu'une substance vaguement fibrillaire, parsemée d'aiguilles de margarine et d'acide stéarique qui sont comme la momification de la graisse qui a échappé à la résorption. A ce moment, l'ensemble, loin d'être tuméfié et ramolli, se montre affaissé et doué d'une certaine résistance; ce n'est là qu'une dessiccation apparente, car un simple filet d'eau suffit pour amener une dissociation complète. Il est des cas où la phase finale revêt un aspect tout différent. Par un phénomène moléculaire dont on n'a pu saisir le mécanisme, la partie frappée de mort se liquéfie complétement et apparaît comme un kyste rempli d'un liquide analogue à un lait de chaux; c'est une émulsion de granulations graisseuses au sein de laquelle nagent quelques cristaux de principes gras. Il faut le dire, cette forme qui est assez fréquente dans les lobes cérébraux, est, au contraire, très-rare dans la protubérance, sans doute à cause de sa grande consistance.

On a donné le nom de thromboses aux caillots qui se forment sur place au lieu d'être apportés par le torrent sanguin de points plus ou moins éloignés de celui où on les trouve arrêtés et fixés. Mais qu'un caillot ait été l'objet d'une migration ou qu'il soit né sur place, c'est toujours au fond un seul et même obstacle mécanique qui, pour la circulation et la nutrition locale, doit toujours entraîner les mêmes conséquences. Dans l'un et l'autre cas, les moyens d'alimentation de la substance nerveuse sont supprimés, et celle-ci se trouve fatalement condamnée à la dégénérescence graisseuse qui représente la mort par inanition et inertie de tous les éléments histologiques. Toutefois, pour l'investigation microscopique, le ramollissement provoqué par des thromboses artérielles offre toujours un cachet particulier, c'est que les altérations des éléments nerveux se trouvent toujours compliquées de modifications matérielles des parois des vaisseaux. En effet, les caillots sur place sont toujours engendrés, soit par une artérite, soit par une dégénérescence athéromateuse des vaisseaux.

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