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qu'une fois pour une seule excitation. Ce sont des cris tout à fait comparables aux bruits que produisent les jouets d'enfants quand on les presse.

Longet s'est aussi appuyé sur ce qui se passe avec le chloroforme et l'éther. Dans l'éthérisation des animaux, dit-il, on crée chez eux des troubles physiologiques qui correspondent à deux périodes distinctes. Dans les premiers moments, l'agent anesthésiant n'empoisonne que les lobes cérébraux; alors l'animal reste assoupi. Mais si on le pince, il s'éveille, crie et s'agite. Plus tard, il arrive à influencer la protubérance. Alors, l'animal reste non-seulement immobile, mais on peut le blesser, le dilacérer, sans qu'il paraisse éprouver de sensation. A mes yeux, cet argument n'est rien moins qu'une pétition de principe, car c'est tout justement parce qu'on regarde la protubérance comme un centre de sensibilité et parce que cette propriété disparaît après l'intelligence, que l'on est en droit de dire que le cerveau cède à l'action toxique avant la protubérance.

Néanmoins, en raison des résultats fournis par les vivisections, je dois reconnaître que la protubérance joue un rôle de la plus grande importance dans les phénomènes de sensibilité, mais aussi je suis convaincu qu'il y a entre elle et le cerveau un intermédiaire tout aussi important, c'est la couche optique. De même que la machine locomotrice commence au cerveau pour s'étendre jusqu'au muscle, la machine des sensations commence au tégument pour s'étendre jusqu'aux couches intellectuelles du cerveau. L'ébranlement né à la périphérie se multiplie, se perfectionne et se transforme, tout en se propageant à travers la substance grise de la moelle. Dans la protubérance, il éprouve une transformation plus considérable; il se perfectionne encore dans la couche optique au point de pouvoir d'emblée faire naître une idée dans le cerveau. A travers l'axe nerveux, l'ébranlement moteur va en se matérialisant; l'ébranlement sensitif va en se spiritualisant.

La protubérance semble avoir déjà, comme la couche optique et le cerveau, la propriété d'entretenir et de reproduire l'ébranlement reçu un instant. A mes yeux, ce n'est même que pour cela que l'animal crie plusieurs fois pour une seule excitation. Le centre nerveux qui produit le cri est, comme nous l'avons établi, le bulbe. Celui-ci le produit, à titre de mouvement réflexe, toutes les fois qu'il lui arrive une excitation au point voulu. Le pincement ne lui arrivant qu'une fois, il ne répond que par un seul mouvement-cri. Mais quand

la protubérance a été ébranlée, elle continue, pour ainsi dire, à vibrer après la cessation de la cause, et ces vibrations se réfléchissant en bas vers le bulbe, y réveillent successivement de nouvelles productions de cris. On dirait comme des échos qui se répercutent. La protubérance, c'est comme la boîte de l'instrument à cordes qui prolonge le son.

C'est peut-être aussi une espèce d'amplification des vibrations qui fait qu'au reçu d'une impression, la protubérance réagit par une grande agitation générale. Située du reste au centre de tous ces prolongements qui aboutissent aux divers renflements de l'axe cérébrospinal, elle peut retentir immédiatement dans toutes les directions. La protubérance semble aussi présider à la perception des impressions auditives et gustatives. Si, dit Vulpian, autour d'un animal, tel que le rat, auquel on a enlevé le cerveau, les corps striés et les couches optiques, on exécute un bruit, cet animal fait aussitôt un brusque soubresaut, et chaque fois que le même bruit se renouvelle, on constate un nouveau soubresaut. Si on lui met de l'aloès sur la langue, il exécute des mouvements de mâchonnement. Nous verrons, du reste, dans les maladies de la protubérance, des troubles des organes des sens. Vulpian, se basant sur les tressaillements qu'exécute le rat lorsqu'il entend un bruit, prétend enfin que la protubérance est aussi le foyer excitateur des mouvements émotionnels. C'est elle, selon lui, qui préside aux manifestations motrices provoquées par les émotions. Il pense que chez l'homme c'est elle qui préside au rire et aux pleurs, non pas à la création du sentiment, mais à sa manifestation.

Rôle de la protubérance dans les phénomènes nutritifs.— Elle paraît exercer une certaine influence sur la sécrétion salivaire. Quand on pique un peu en arrière de l'origine du trijumeau, on provoque une abondante sécrétion de salive. Souvent, pour une simple piqûre, toutes les glandes salivaires entrent en suractivité. Mais lorsque l'exagération ne se montre que d'un côté, c'est toujours du côté lésé. Il y aura peut-être à tenir compte de cette influence dans l'analyse de l'épilepsie. Elle agit aussi sur les reins. Quand on pique la partie supérieure du plancher du 4o ventricule, on produit de la polyurie. Enfin, en piquant un autre point, on produit de l'albuminurie. Avec toutes ces données, que nous venons d'emprunter à l'anatomie et à la physiologie normales, nous pouvons aborder l'étude de l'anatomie et de la physiologie pathologiques de cet organe.

Anatomie pathologique générale.

La protubérance, comme tous les organes et plus que beaucoup d'autres organes, est susceptible de se congestionner, car elle est riche en vaisseaux. L'état congestionnel accompagne, du reste, presque toutes les autres productions pathologiques qui sont généralement entourées d'une atmosphère de tissu normal injecté. Il est évident qu'elle doit aussi se produire d'une manière isolée, pendant un temps plus ou moins court. Seulement, pendant les recherches nécroscopiques, on n'a pu la constater que dans les cas de congestions générales, les seules sans doute capables de déterminer la mort. Dans ces cas, on voit que la protubérance prend part à la vascularisation générale. Toutefois, comme état congestionnel, elle se montre plus particulièrement solidaire du cervelet et du bulbe, c'est ainsi que, dans l'épilepsie, nous verrons ces trois parties gorgées de sang, alors que les lobes cérébraux seront au contraire anémiés.

Les hémorrhagies sont plus faciles à constater sur le cadavre et se prêtent mieux à l'étude. Malgré sa grande richesse en vaisseaux, la protubérance est moins souvent le siége de ce genre d'altération que les autres parties de l'encéphale. Cela tient, sans doute, à ce que son tissu est relativement plus ferme et soutient mieux les vaisseaux. Sur 386 cas d'hémorrhagies encéphaliques, Andral n'a rencontré que 9 fois celle de la protubérance. Il est vrai que Larcher l'a vue 21 fois sur 153 cas généraux. Mais il s'agissait ici d'une statistique portant sur des vieillards, et l'état friable des vaisseaux qui est la conséquence habituelle d'un âge avancé explique cette plus grande fréquence. On peut la rencontrer toutefois chez des jeunes gens, mais on ne l'a pas vue au-dessous de 21 ans. Les conditions ordinaires de la vie sociale font que les hommes y sont plus exposés que les femmes. Le plus souvent, l'épanchement sanguin siége au centre. Cela s'explique, puisque c'est là que se trouve la masse de substance grise dépourvue du soutien que peut apporter le passage des fibres des pédoncules cérébelleux et des pyramides. En général, les foyers hémorrhagiques ne peuvent pas atteindre un volume considérable à cause de l'espèce de bridement que produit ce passage des pédoncules. On en a vu, cependant, occuper toute la protubérance réduite à une coque mince; mais, même dans ce cas, elle peut, pour cette raison, conserver sa forme et son volume normal. Il est bon d'être prévenu de ce fait.

II. POINCARE.

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Même quand elle paraît saine, on doit l'inciser, car souvent on est étonné alors de la trouver remplie de plusieurs caillots. En outre des caillots, on trouve souvent des taches ecchymotiques. Une autre conséquence de l'enchevêtrement des fibres de la protubérance est de rendre le caillot très-adhérent au tissu nerveux. On a de la peine de l'en séparer par le lavage.

Les pédoncules cérébelleux, qui tendent par leur résistance à limiter l'épanchement et à conserver, malgré sa présence, la forme de l'organe, sont, par contre, parfois la cause de sa propagation dans des points éloignés. Le sang qui ne peut pas soulever le pont de Varole, en le pressant perpendiculairement, finit par fuser, comme le pus des phlegmons, entre les fibres des pédoncules, parallèlement à elles. C'est ainsi qu'on voit un foyer de la protubérance envoyer des prolongements déliés à travers un pédoncule jusque dans le lobe correspondant du cervelet. On en a vu fuser, sous le pont de Varole, dans les pédoncules cérébraux et gagner même la couche optique. D'autre part, on en a vu fuser par en bas, dans les pyramides antérieures du bulbe. La résistance apportée par les fibres de la protubérance n'est pas non plus sans limites; cet organe peut se rompre. On a vu ainsi le sang épanché dans une protubérance produire une rupture de trois lignes et se répandre par ce cratère sur toute la base du crâne. Dans d'autres cas, la rupture s'était faite vers la surface ventriculaire, et le sang, après avoir rempli le 4o ventricule, était remonté même dans le 3e ventricule; ou bien encore, le sang sortant du 4o ventricule par son orifice inférieur s'était répandu dans le canal vertébral. On comprend combien ces extensions, survenant brusquement, peuvent tout à coup rendre la symptomatologie beaucoup plus complexe.

Lorsque le foyer reste limité, la cavité produite et occupée par le sang se tapisse d'une membrane. Il s'opère, dès lors, un travail de résorption qui mène peu à peu à une guérison relative. Les éléments solides et colorants peuvent disparaître, et il reste un liquide citrin plus ou moins limpide. On a un kyste qui peut être stationnaire, mais dans lequel il peut aussi se former des brides qui rapprochent les parois. Parfois celles-ci se soudent même, et l'épanchement ne se traduit plus que par une cicatrice dure et résistante. Si tous les éléments colorants n'ont pas disparu, cette cicatrice se montre sous forme d'un noyau dur d'un brun jaunâtre.

Comme dans toutes les autres parties de l'encéphale, les hémor

rhagies dans la protubérance ne se montrent pas toujours sous cette forme massive. Parfois le sang se répand d'une manière linéaire en formant une espèce d'atmosphère aux vaisseaux dont il dessine les contours et le trajet. Cette forme d'hémorrhagie a reçu de Pestalozzi le nom d'anévrysmes disséquants, parce qu'il croyait que l'épanchement se faisait dans l'épaisseur même des parois des vaisseaux en s'insinuant entre leurs divers plans. Mais il est bien établi aujourd'hui que, dans ces circonstances, le vaisseau sanguin est réellement rompu et que le sang se répand dans la gaîne lymphatique qui entoure les vaisseaux de l'encéphale, à la manière d'un manchon. Vous savez, en effet, Messieurs, que Robin a démontré que les lymphatiques de l'encéphale, au lieu de marcher comme dans le reste du corps parallèlement aux capillaires sanguins, emboîtent ceux-ci dans leur cavité, de sorte que le système d'irrigation sanguine se trouve plongé dans un bain de lymphe. Il y a là pour l'encéphale une disposition spéciale qui, bien certainement, a son but; mais celui-ci est resté ignoré jusqu'alors. L'anévrysme disséquant des Allemands, ou l'apoplexie capillaire de Cruveilhier, n'est donc en définitive qu'une hémorrhagie qui, en vertu de certaines circonstances, n'a pas rompu la gaîne lympathique et s'est contentée de se mélanger à son contenu.

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Fig. 35.

Anévrysme disséquant. A, gaîne lymphatique remplie de globules sanguins. B, vaisseau sanguin rompu en M.

On admettait aussi, pour la protubérance comme pour le cerveau, la possibilité d'hémorrhagies se faisant sous forme d'une multitude de petits points isolés les uns des autres et ressemblant à des grains rouges enchâssés dans la substance nerveuse. Cette forme avait été

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